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09.05.2016

"Il faut être un peu naïf pour se lancer"

Étudiante en première année de master Développement international à l’École des affaires internationales (PSIA) de Sciences Po, Alyette Tritsch a été à l’initiative, avec un groupe d’étudiants, du projet Welcome Refugees. Grâce à eux, Sciences Po accueille depuis quelques semaines un groupe de réfugiés qui suivent des cours de français et d’anglais. Récit d’un passage à l’action réussi.

Comment est né ce projet d’accueillir des réfugiés pour suivre des cours à Sciences Po ?

Alyette Tritsch : En septembre dernier, je me suis rendue dans des camps de réfugiés à Paris, à titre purement personnel. Je voulais voir ce qui se passait, et je me disais que c’était l’occasion de rencontrer des gens avec qui parler arabe : j’ai appris cette langue en 1er cycle à Sciences Po. Parmi les réfugiés, il y avait énormément de jeunes qui voulaient reprendre des cours. Tout le monde me demandait comment faire pour aller à l’université. Après ça, j’ai simplement lancé un appel sur Facebook, en demandant qui voulait faire quelque chose. Et tout a commencé comme ça…

Vous avez ensuite décidé d’agir : comment vous êtes-vous organisés ?

A. T. : Nous avons constitué un groupe avec des étudiants de Sciences Po, que nous avons élargi ensuite. Grâce à deux étudiantes allemandes qui nous ont mis en contact avec Kiron (eng), nous avons pu devenir la branche française de cette ONG qui propose des cours gratuits en ligne aux réfugiés du monde entier. Et puis nous sommes allés voir l’administration de Sciences Po avec notre idée. Ils ont été très réactifs : on a été surpris de voir qu’il y avait des personnes intéressées par le projet un peu partout dans Sciences Po. La Directrice de la scolarité, Myriam Dubois-Monkachi, a été une interlocutrice privilégiée : elle a bien facilité les choses.

Les étudiants réfugiés ont démarré les cours : quel est votre objectif désormais ?

A. T. : Ces cours de langue sont une première chance pour les réfugiés de se familiariser avec la langue, avec l’université à la française. C’est très motivant pour eux, et les retours sont très positifs. L’objectif à long terme pour beaucoup d’entre eux, c’est d’obtenir un diplôme : ils sont nombreux à vouloir reprendre leurs études. Nous allons les soutenir dans cette démarche, soit via Kiron, soit à Sciences Po, soit dans d’autres universités.

Le projet a connu un succès médiatique important…

A. T. : Franchement, on ne s’attendait pas du tout à cela ! Tout le monde nous disait “c’est énorme”, nous on ne s’était pas vraiment rendu compte. Je crois que le fait que cela se passe à Sciences Po y est pour beaucoup. Mais nous n’avions pas du tout anticipé les sollicitations des médias : il faut mettre un visage sur le projet - le mien, en l’occurence, alors que c’est le travail de tout une équipe. Il faut répondre instantanément, à des demandes parfois déroutantes : certains journalistes voulaient rencontrer des réfugiés venus en radeau...alors qu’il y a des gens qui sont arrivés par avion, et avec un visa !

Qu’avez-vous appris de cette expérience ?

A. T. : D’abord il faut apprendre à gérer son temps, à mener de front les études et le projet. C’est difficile, et fatiguant. La question des réfugiés n’est pas la priorité de tout le monde : il faut de l’envie et un certain dévouement. Et puis on se heurte facilement à des questions qui nous dépassent : les problèmes de papiers, de prise en charge sociale, d’aide juridique...On se retrouve, entre étudiants de 20 ans, à discuter de problématiques qui devraient être organisées par l’État. En même temps, je crois qu’il faut être un peu naïf pour se lancer : si j’avais su au départ toutes les difficultés qu’il y avait à franchir, je ne sais pas si je l’aurais fait !

Quel sont vos projets personnels pour la suite ?

A. T. : Je vais faire une année de césure l’an prochain, avant mon master 2. J’aimerais suivre un master en Grande-Bretagne sur les questions de politique et de société au Moyen-Orient. Je suis passionnée par ces questions que j’ai découvertes en suivant le programme Moyen-Orient Méditerranée en 1er cycle, sur le campus de Sciences Po à Menton. Après cette année d’action très enrichissante, j’ai envie de revenir à l’académique et d’explorer ma curiosité pour la recherche.

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Légende de l'image de couverture : Sciences Po