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11.08.2016
“L’engagement citoyen est un des plus grands leviers de résolution de crise”
Anne-Sophie Roux est étudiante dans le master Science Politique de l'École doctorale de Sciences Po. Elle a choisi d’effectuer une année de césure pour un projet personnel bien particulier : en juillet 2016, elle partira en voyage humanitaire. L’objectif de ce projet est de réaliser des reportages sur des populations concernées par les dérèglements climatiques.
Vous avez choisi de voyager de Nouvelle-Zélande au Bhoutan en passant par le Cambodge et la Thaïlande pour rendre compte des effets des dérèglements climatiques. Pourquoi avoir choisi ces pays en particulier ?
Je souhaite présenter le point de vue des personnes les plus concernées par les changements climatiques en montrant la diversité de leurs situations. J’ai choisi ces pays pour pouvoir rendre compte de cette variété : des petites îles du Pacifique concernées par la montée des eaux, jusqu’aux montagnes de l’Himalaya menacées par la fonte des glaces, en passant par les communautés villageoises d’Asie menacées par déprédation urbaine.
Vous avez été nominée pour le prix Max Lazard de Sciences Po qui offre une publication de votre rapport de voyage dans la revue Sens Public [revue internationale de sciences humaines]. En quoi votre projet s’inscrit dans votre parcours en Master de recherche à l'École doctorale ?
Ce projet joue pour moi le rôle d’une grande enquête de terrain : pour mon mémoire de master je veux travailler sur le statut des populations autochtones au sein de l’anthropocène. Au cours de ce travail, j’adopterai une approche transversale et transnationale en me concentrant sur certains points de focalisation, comme par exemple les Maoris en Nouvelle-Zélande. Ce voyage d’un an va me permettre d’élargir mes connaissances théoriques et de rencontrer les populations actrices du changement directement “sur le terrain” pour mieux comprendre le point de vue maori.
Quelles sont vos perspectives professionnelles après votre master ? Est-ce que cette année de césure a aussi vocation à vous aider à faire des choix en la matière ?
Complètement ! Je voudrais que mon projet professionnel ait un double statut “recherche académique et travail de terrain”, de façon à toujours rester entre théorie et pratique. J’hésite encore mais j’aimerais rejoindre une ONG ou une institution internationale telle que l’Unesco par exemple.
Ce projet de voyage pendant mon année de césure va me permettre d’expérimenter le côté pratique de la recherche que je ne connais pas encore et de le mettre en perspective avec les cours théoriques que je reçois à Sciences Po.
Le but de votre voyage est de montrer que “les crises environnementales, démocratiques et économiques peuvent être, bien plus que des catastrophes inéluctables, des tremplins de l'innovation pour penser de nouveaux modèles de développement alternatif.” A quoi peuvent ressembler ces modèles alternatifs ? Pensez-vous que le dérèglement climatique peut apporter des choses positives ?
La vision occidentale du changement climatique est très pessimiste et alarmiste, alors que pour des populations insulaires et montagnardes dans les pays en voie de développement, les crises environnementales s’inscrivent déjà dans la vie quotidienne. A tel point que ce sont des tremplins pour l’innovation, en termes de prise de responsabilité. Par exemple certaines communautés sont auto-suffisantes énergétiquement, d’autres protègent la biodiversité des océans ; je vais aller observer des projets très variés ! Mon but est de me détacher de mon point de vue d’Occidentale pour voir le dérèglement climatique sous un angle nouveau. Les personnes les plus touchées par la crise climatique en Océanie ont plus à apprendre au monde occidental que l’inverse.
Dans le cadre de la COP 21 vous étiez engagée à l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) comme volontaire sur le pavillon des conventions de Rio. En quoi le sujet du dérèglement environnemental vous touche-t-il plus qu’un autre ?
La crise environnementale n’est pas le seul sujet humanitaire qui m’intéresse. J’ai aussi passé beaucoup de temps sur le campus de Sciences Po cette année pour aider des réfugiés. En fait, le dérèglement climatique est le principal sujet de mon projet de master sur l’anthropocène. Si on modifie le point de vue sur ce sujet, cela change la façon dont il est appréhendé et conscientisé. Ce que je souhaite faire avant tout c’est de la sensibilisation : faire connaître à l’échelle globale des projets qui fonctionnent à l’échelle locale, un peu sur le modèle du film Demain réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent.
Avant de vous engager dans ce projet humanitaire, vous avez été bénévole dans plusieurs associations, de maisons de retraite lyonnaises à l’aide aux réfugiés à Paris. Pourquoi est-ce important aujourd’hui d’oeuvrer pour le bien-être commun selon-vous ?
Parce que l’action la plus efficace contre les crises sociales, démocratiques et environnementales vient de la mobilisation citoyenne, de personnes qui, à leur échelle, tentent d’insuffler un vent de changement. J’aime beaucoup la métaphore amérindienne du colibri que raconte Pierre Rabhi : pendant un immense incendie de forêt, tous les animaux terrifiés s’enfuient dos au feu puis observent impuissants le désastre, sauf un petit colibri qui s’active en jetant quelques gouttes d’eau avec son bec sur le feu. L’oiseau est conscient qu’il n'arrêtera pas l’incendie mais veut “faire sa part”’. A mon avis, l’engagement citoyen est un des plus grands leviers de résolution de crise, plus puissant que ne peuvent l’être les actions étatiques.
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- Anne-Sophie Roux publiera des articles tout au long de son voyage, puis un court documentaire vidéo de 30”. Vous pouvez suivre tout cela sur son site internet.