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14.01.2017

“L’État doit devenir une plateforme mue par la multitude”

L’École d’affaires publiques de Sciences Po inaugure lundi 16 janvier son incubateur de politiques publiques qui, associé à d’autres écoles, universités, institutions publiques et entreprises, permettra à des équipes pluridisciplinaires d'imaginer et de développer concrètement des solutions innovantes relevant de l’intérêt général. Le programme combine ingénierie, design et numérique avec les sciences sociales et privilégie l’expérience des citoyens.

À cette occasion, l’École propose une matinée de réflexion sur les nouvelles manières de construire et servir l’intérêt général : cliquez ici pour participer à l'événement. Entretien avec Gilles Babinet digital champion de la France auprès de la Commission européenne, qui intervient sur la numérisation de la puissance publique et a participé à la réflexion en amont du lancement de l’incubateur des politiques publiques.

Vous intervenez sur la numérisation de la puissance publique, quels en sont les enjeux pour l'État et les usagers ?

Gilles Babinet : Il me semble que les enjeux sont bien au delà de ce que l’on pense généralement. En les résumant, il s’agit d’accroître très sensiblement l’efficacité de l’État et cela à moindre coût. Il s’agit de développer une catégorie de services plus « républicains » dans la mesure où ils sont plus simples et accessibles à plus de gens, y compris ceux que la complexité éloigne traditionnellement de ceux-ci.

À titre de comparaison, où se situe la France par rapport à d'autres pays ? Est-elle en retard sur ce sujet par rapport à ses voisins européens ? Et si oui comment l'expliquez-vous ?

G. B. : Il est difficile de juger un pays en matière de services numériques car tout change vite et le spectre d’intervention des uns et des autres diffère souvent beaucoup. En France, si l’on observe un progrès évident au cours de ces dernières années, les services numériques créés continuent à souffrir d’une « expérience utilisateur » parfois complexe ou poussive. Ainsi, s’il est désormais possible de demander un permis de conduire en ligne, certains caractéristiques du service restent très complexes et il est impossible de savoir simplement où en est la procédure.

Il me semble difficile, lorsque je vois ce qui se passe au Royaume-Uni, au Danemark ou en Slovénie de pouvoir prétendre que l’on est en avance. Tant qu’il n’y aura pas une volonté continue, de nature politique et une organisation de l’État pour permettre l’émergence d’une logique d’e-gouvernement, le compte n’y sera pas.

Selon vous, quels sont les points forts sur lesquels devrait s'appuyer l'État pour relever ce défi de la numérisation ?

G. B. : Paradoxalement, la centralisation reste un atout, à condition d’être portée par une volonté politique, ce qui fut donc le cas... de façon hétérogène. Il faut par ailleurs relever la qualité du travail effectué par la DINSIC *qui, avec des équipes limités, n’en a pas moins réussi à emmener des sujets importants. L’incubateur des politiques publiques pourrait également devenir un atout important : il faut un endroit neutre, où fonctionnaires, citoyens lambdas, codeurs, designer, étudiants viennent débattre et travailler sur les services et l’État de demain.

Vous avez participé en amont à la réflexion sur la création d'un incubateur des politiques publiques à Sciences Po, que peut-on attendre d'une telle structure ?

G. B. : On peut en attendre beaucoup : un exemple pour créer un État dont la nature ne sera plus de faire face aux citoyens, mais bien de les inclure en son cœur. L’État moderne doit devenir une plateforme mue par la multitude. C’est une vision que l’incubateur des politiques publiques de Sciences Po peut aider à faire comprendre et à concrétiser.

* Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC)

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