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09.04.2015

L’Europe mobile : les leçons d'une expérience unique au monde

Dans son nouvel ouvrage Mobile Europe (eng), Ettore Recchi, professeur de sociologie à l’OSC, apporte des éléments de réflexion sur un sujet qui est au cœur de ses problématiques de recherche depuis plusieurs années* : la mobilité et l’intégration européenne. Les tenants d’une relance de l’intégration y trouveront  là matière à réflexion.

Auparavant, les européens émigraient. Maintenant ils se déplacent.

Les visas, passeports et la pléthore d’autres autorisations de déplacement sont révolus depuis longtemps pour les personnes désireuses de franchir les frontières de l’Union Européenne. L’intégration européenne a créé une vaste zone supranationale dans laquelle le contrôle de l’État sur les déplacements des individus s’est singulièrement restreint, créant une expérience naturelle et originale au niveau mondial : une région sans frontière.

L’UE a ainsi bâti, sur la base d’un marché commun, une infrastructure politique offrant un système de mobilité individuelle, via un principe de libre circulation des ressortissants de l’UE.  En vertu de celui-ci, les citoyens bénéficient du droit unique de se déplacer comme ils l’entendent à travers les 28 états souverains.

En dépit de la multiplication des accords et alliances internationales dans les différentes régions du monde, rien de tel n’existe ailleurs. La liberté individuelle de mobilité transfrontalière distingue l’UE d’autres projets d’intégration d’inspiration néo-libérale comme l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). C’est dans l’histoire une réalisation inhabituelle et avant-gardiste qui est vraisemblablement aujourd’hui trop mésestimée, au moment où souffle un vent de pessimisme sur l’avenir de l’UE.

Mobile Europe décrit en premier lieu l’histoire et les principes de ce régime politico-économique, puis s’intéresse à ses effets sur la vie des citoyens européens. Démographiquement, la libre circulation a gagné du terrain au fil du temps, notamment lors des élargissements des années 2000. Les mobilités internes à l’UE remplacent en partie les flux de main d’œuvre provenant des réservoirs situés dans des pays tiers. La libre circulation est cependant bien plus que cela : elle recouvre une grande diversité de mobilités qui ne correspondent pas aux schémas traditionnels de migration. Elle est aussi un cadre politique qui s’adapte à une appétence croissante pour la mobilité spatiale. Partout dans le monde le nombre de personnes franchissant les frontières des états-nations s’est accru de manière exponentielle, quelles qu’en soient les raisons - des migrations économiques aux différentes formes de tourisme.  

Mais quelle est l’influence de ces expériences de mobilités internationales, en forte expansion, sur les pratiques de citoyenneté et le sentiment d’appartenance ? Sur la base de données originales recueillies depuis le début des années 2000, l’auteur avance l’idée que les mouvements intra-européens nourrissent certes un intérêt et des pratiques cosmopolites, mais ils ne sont pas suffisants en eux-mêmes pour générer une adhésion et une participation citoyennes à l’UE. Les européens mobiles constituent néanmoins une population stratégique pour la relance d’une intégration européenne plus portée par une vision politique commune que par des référentiels économiques.    

* Les données utilisées ont été principalement recueillies dans le cadre de 3 projets de recherche internationaux sur la mobilité en Europe, financés par la Commission européenne : PIONEUR, Moveact, Eucross.

En savoir plus sur

L'ouvrage : Mobile Europe. The Theory and Practice of Free Movement in the EU (eng).

L'auteur : Ettore Recchi