Accueil>Mobilité des Français : focus sur une enquête du dispositif ELIPSS

30.06.2023

Mobilité des Français : focus sur une enquête du dispositif ELIPSS

En 2013, dans le cadre du programme étatique des investissements d’avenir, le Centre de données socio-politiques de Sciences Po devenait coordinateur d’un programme d’enquêtes innovant : l’Étude longitudinale par internet pour les sciences sociales, connu sous le nom d’ELIPSS

Le chercheur Thomas Buhler

Ouvert à toutes les structures de recherche intéressées, ce dispositif s'appuie sur un panel de plus de 2 200 personnes interrogées tous les mois sur des sujets d’intérêt général : santé, environnement, politique, sport et loisirs, etc. 

À l’occasion des 10 ans d’ELIPSS, retour sur un des projets d’enquête qui concerne la mobilité des français et qui a été mené par Thomas Buhler, Maître de conférences à l’Université de Franche-Comté (laboratoire ThéMA).

Pouvez-vous nous présenter votre Panel National Mobilité quotidienne (PaNaMo) ? Quel est son objectif, que cherchez-vous à analyser ?

PaNamo n’est pas un « panel » à proprement parler, il s’agit d’une série d’enquêtes sur les mobilités quotidiennes, menée dans le cadre d’ELIPSS.

Il vise à la fois à suivre annuellement les pratiques de mobilité quotidiennes des Français sur le temps long - modes de transport, fréquences, contextes, etc.- et à les expliquer par une série de métriques associées aux grandes entrées théoriques sur le sujet : capital de mobilité, habitudes, normes sociales, représentations, etc.

D’un point de vue méthodologique, PaNaMo cherche à dépasser les limites qui marquent les enquêtes traditionnelles sur la question de la mobilité. Tout d’abord, qu’elles soient locales ou nationales, les enquêtes sur le sujet ont souvent une visée opérationnelle, par exemple prévoir des déploiements d’infrastructures. En conséquence, elles ne proposent que rarement une dimension longitudinale. Il est alors difficile d’identifier et de comprendre les changements dans la mobilité quotidienne. Ainsi, la modification d’un mode de déplacement dans le programme d’activité quotidien est difficile à saisir.

Depuis quand et de quelle façon avez-vous utilisé le programme ELIPSS ? Que vous a-t-il apporté ?

Sans ELIPSS nous n’aurions pas pu mettre en place une telle étude. Outre la possibilité d’interroger plusieurs milliers de personnes sur plusieurs années, et de se libérer des contraintes de recrutement de ces personnes et de maintien d’un panel, ELIPSS a été une formidable opportunité d’apparier nos données à celles issues d’autres enquêtes auxquelles avaient déjà répondu les panélistes du dispositif.

On a ainsi eu accès à des données rarement prises en compte dans les enquêtes de mobilité quotidienne, telles que l’état de santé déclaré, les croyances religieuses ou le vote.

Les instruments de recherche numériques, comme ELIPSS, ont-ils modifié la façon de travailler des chercheurs en sciences sociales ?

Depuis mes recherches doctorales (2009-2012), j’ai effectivement noté une montée en puissance des instruments de recherche numériques sur plusieurs sujets. Cela ouvre de nouvelles perspectives d’interrogation scientifique, et permet un partage aisé des données entre collègues.

Au-delà du cas d’ELIPSS, je travaille également beaucoup sur des archives numérisées de plans d’urbanisme. Grâce à la dématérialisation des documents, il est désormais possible de les rassembler plus facilement, et de les analyser dans des grands corpus de manière systématique. Cela change le regard qu’on peut porter sur ces documents, puisqu’on les analyse sur des périodes de temps importantes.

Au regard de la transformation environnementale, comment se dessine d’après vous l’avenir des comportements en matière de mobilité ? 

Il est essentiel de noter que très peu de changements de mode de transport ont eu lieu dans les années 1990, 2000 et 2010 dans les villes françaises, lorsqu’on compare au grand nombre de politiques de déplacements mises en place et qui visaient explicitement à réduire la place de l’automobile. 

Le monde est désormais bien plus complexe et difficile à prévoir. Les premiers confinements COVID ont eu de fortes répercussions sur nos modes de mobilités, avec notamment un transfert des transports en commun vers la marche et le vélo. À cela s’ajoutent une augmentation du télétravail, une désynchronisation marquée des rythmes de vie, et une cherté sans précédent des carburants fossiles.

Bien malin celui ou celle qui sait où cette combinaison de facteurs nous amènera précisément. Probablement vers une faible baisse générale des déplacements quotidiens, et vers des pratiques qui s’expliqueront toujours plus par l’appartenance de la personne à un groupe social, mais rien n’est sûr bien évidemment…

EN SAVOIR PLUS :