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15.12.2016
“Ne vous interdisez aucune ambition”
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale a célébré à Sciences Po le mardi 13 décembre les 15 ans d'égalité des chances. L'occasion pour la ministre de revenir sur ce dispositif conçu pour lutter contre les inégalités et favoriser la réussite quelque soit son origine sociale. Ce dispositif lui a servi de modèle pour créer les Parcours d’excellence qui ont pour mission de donner à chacun les moyens de son ambition. Et celle d’encourager tous les talents. Entretien
Vous avez mis en place les "Parcours d’excellence" à destination des jeunes issus de milieux modestes afin de leur garantir un dispositif d’accompagnement et une chance d’accéder aux meilleures écoles. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
L’école française fonctionne bien… pour une partie des élèves seulement. Chaque étude PISA nous le rappelle et ce fut encore le cas la semaine dernière : notre pays est champion du monde des inégalités scolaires. Pire encore, c’est en France que l’origine sociale pèse le plus sur la réussite scolaire. Pas étonnant alors que l’ouverture sociale de l’enseignement supérieur n’ait pas progressé depuis les années 2000 et que pour trop de jeunes, la poursuite d’études vers l’enseignement supérieur soit vécue comme inaccessible. Cette situation, dans laquelle l’accès à l’élite n’est plus une perspective ouverte pour tous, n’est pas acceptable. Depuis que je suis ministre de l’Éducation nationale, j’ai donc eu à cœur de lutter contre cette machine de la reproduction sociale en donnant plus aux établissements scolaires où sont concentrés ceux qui en ont le plus besoin. Cela passe par la priorité donné au primaire mais aussi par l’éducation prioritaire, dont nous avons totalement revu la carte afin de coller à la réalité sociale de chaque territoire et à laquelle nous avons consacré 350 millions d’euros supplémentaires. Enfin, j’ai décidé d’y implanter un nouveau dispositif : les parcours d’excellence, pour donner à chacun les moyens de son ambition. Je me suis inspirée de pratiques qui marchent et avec Pierre Mathiot, le délégué ministériel aux parcours d’excellence, nous mettons en place depuis la rentrée dernière, dans les collèges des Résaux de l'éducation prioritaire ou REP+ un tutorat pour chaque élève motivé depuis la 3e et jusqu’à l’enseignement supérieur ou l’insertion professionnelle. Ce tutorat, collectif au collège et qui sera individuel tout au long du lycée, sera garanti par des partenariats entre les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur. Il sera assuré par des enseignants bien sûr, mais aussi par des étudiants et des professionnels du monde de l’entreprise.
Sciences Po fête les 15 ans des Conventions éducation prioritaire (CEP). Qu’est-ce que représente selon vous pour ces jeunes la possibilité d’intégrer Sciences Po, une école réputée pour son excellence mais aussi pour sa sélection ?
Que des élèves issus de l’éducation prioritaire intègrent une grande école, cela devrait être tout à fait banal ! Malheureusement ce n’est pas encore le cas. Ces jeunes peuvent être très fiers d’eux et de leur parcours. Ils sont des exemples pour beaucoup d’autres jeunes et nous avons besoin de ces réussites pour aller plus loin. Les Conventions éducation prioritaire de Sciences Po sont une réussite. Elles ont permis de diversifier le mode de recrutement de cette école et donc de favoriser l’excellence, la vraie, pas une excellence qui ne serait qu’une simple reproduction sociale, mais une excellence qui puise dans des talents aux profils divers. D’ailleurs, je me suis inspirée de cet exemple pour proposer, dans le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté, de donner à d’autres établissements d’enseignement supérieur public la possibilité d’instituer, après le baccalauréat, des dispositifs de sélection permettant de diversifier leur recrutement.
Toutefois, il reste encore des résistances. Comment les dépasser ?
Nous ne partons pas de rien. Il y a eu l’initiative de Sciences Po, celle des Sciences Po de régions ou encore de l’Essec et des Cordées de la réussite, les initiatives lancées par la région de l’Île-de-France. Mais nous devons aller plus loin et permettre à plus de jeunes de participer à ces dispositifs d’égalité des chances. C’est le sens même de mon programme des parcours d’excellence. La dynamique est bel et bien engagée sur les terrains mais elle doit être poursuivie dans le temps, à l’abri des polémiques politiciennes et des procès en illégitimité qui sont encore trop souvent faits aux jeunes qui ne sont pas nés dans les « bons » quartiers. Le rôle des pouvoirs publics est de mobiliser encore davantage d’acteurs, d’établissements d’enseignement supérieur, d’étudiants et de professionnels du monde de l’entreprise pour qu’ils deviennent les tuteurs d’un plus grand nombre de jeunes. D’ailleurs, je tiens à informer les étudiants de Sciences Po qu’ils pourront désormais valider des crédits lorsqu’ils s’engagent, donc par exemple en devenant tuteurs des collégiens et lycéens inscrits dans les parcours d’excellence.
Comment susciter le désir pour ces jeunes de briser le plafond de verre ?
Nous devons agir sur deux leviers : une meilleure information des élèves en matière d’orientation – afin qu’ils aient connaissance des différentes options qui s’offrent à eux – et la lutte contre l’autocensure – pour qu’ils ne doutent pas de leur légitimité à intégrer les filières qui les intéressent. Les parcours d’excellence poursuivent ce double objectif. En particulier, je crois que le tutorat est pour beaucoup de ces élèves une opportunité unique d’avoir face à eux des modèles de réussite quand leur entourage familial n’a pas eu accès aux filières les plus prestigieuses. Avoir des sources d’inspiration est souvent un élément clé dans la réussite. Il faut aussi rappeler qu’il n’y a pas qu’un modèle d’excellence et qu’en réussissant dans des filières professionnelles, on accède aussi à l’excellence. Alors je tiens à encourager ceux qui ont brisé les plafonds de verre à retourner, quelques années plus tard, dans leur collège ou leur lycée pour passer ce message aux plus jeunes : ne vous interdisez aucune ambition !
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