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07.11.2016

"Trump Vs Clinton ou le risque d’une défaillance de la démocratie"

En 2008, l'amphi Boutmy accueillait avec effervescence l’élection de Barack Obama. Olivier Duhamel, président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), revient sur ce moment historique à la veille de la Matinale US 2016 organisée à Sciences Po. L’occasion d’évaluer les enjeux de ces élections et de s’en saisir, comme un signal qui interpelle nos démocraties. #ScPoUS2016 Interview 

En 2008, vous organisiez à Sciences Po une mémorable matinale US...

C’est la première fois qu’un Noir, Barack Obama, est élu à la Maison blanche. Reportez-vous quelques années auparavant dans les années 60 ! C’était complètement inconcevable. Les Noirs à cette époque ne pouvaient pas normalement voter. Il faut attendre les discours de Martin Luther King, des progressistes blancs et la chanson de Bob Dylan, Oxford Town - suite au scandale de l’éviction des étudiants noirs de l’Université du Mississippi - pour entendre les voix de protestation contre la ségrégation. Et voir émerger le combat pour l’égalité et les droits civiques. Il faisait froid ce jour de novembre 2008. La matinale a commencé à 6 heures du matin. L’amphithéâtre Boutmy bouillonnait avec 1500 étudiants qui attendaient les résultats, sifflaient et frappaient des mains. Ce moment était historique et nous tous, la direction de Sciences Po, les enseignants et les étudiants, le vivions ensemble. Mais cette ferveur n’est plus d’actualité. Nous assistons aujourd’hui à la pire élection de l’histoire américaine.

Pourquoi ?

Donald Trump est un personnage hors normes qui ne respecte rien, ni personne. On pensait qu’il disparaîtrait très vite. Personne ne misait sur son élection comme candidat républicain. Il a bafoué toutes les règles. Il a négligé les principes essentiels du respect à autrui. Il a mené une campagne xénophobe, violente, sexiste et machiste. Au lieu de lui nuire, cela lui a rendu service ! Ça ne s’est jamais vu auparavant. En France, certains de ses propos relèveraient du tribunal. De plus, son programme est inexistant. Dans cette élection, les deux prétendants à la fonction suprême sont massivement rejetés par les Américains.

Hillary Clinton souffre-t-elle d’une campagne misogyne qui la décrédibilise ?

Barack Obama l'a dit la semaine dernière : on lui reproche des choses que l’on ne dirait pas à un homme. Il n’a pas tort. Toutefois, même si Hillary Clinton est une femme brillante et d’expérience, elle incarne aux yeux des Américains une forme de quintessence de l’élite privilégiée, à savoir un mélange entre Wall Street et Hollywood. Elle est vécue comme un personnage calculateur et menteur, ce que vient corroborer l’affaire des e-mails et de son serveur privé. Tous ces griefs se sont accumulés au fil des ans.

Qu’est-ce que cette élection dit de l’Amérique et des Américains aujourd’hui ?

Qu'est-ce qu'on retient de la campagne de Trump ? Qu’il a tenu des propos violents et sexistes envers les femmes dans une vidéo neuf ans plus tôt. Mais qu'en est-il de son programme ? Quant à la campagne d'Hillary Clinton, le FBI rend public, moins de quinze jours avant le scrutin, le déroulement d’une enquête sans être capable de dire si on a des éléments probants ou non. Sans se soucier d'une loi de 1935 qui interdit aux employés fédéraux d’influencer une élection. Pourquoi ces élections résonnent-elles tant chez nous, les Européens ? Si nous ne nous ressaisissons pas, sans prise de conscience citoyenne ni sursaut de la part de nos femmes et de nos hommes politiques, nous suivrons le même courant. C’est cela qui est mis en lumière par les élections américaines et qui nous interpelle : le risque d’une défaillance de la démocratie.

Légende de l'image de couverture : Sciences Po