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05.04.2016

Une ode à la jeunesse et la fraternité : Frans Timmermans à Sciences Po

Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission européenne, était devant les étudiants de Sciences Po le 25 février 2016 pour une conférence sur le thème "Fraternité : l'Europe face à la crise du vivre ensemble". Européen convaincu et ambitieux face à une Europe dans l’impasse, Frans Timmermans s’est employé à rappeler que l’Union européenne disposait aussi des armes nécessaires pour avancer.

Une société européenne plus tolérante, qui s’organise pour un avenir meilleur

Le commissaire européen n’est pas venu pour aborder les dossiers techniques, mais pour mettre les Européens, et tout particulièrement les plus jeunes d’entre eux, face au défi du « vivre ensemble ». Interrogé sur sa motivation pour s’attaquer à cette mission pour le moins ambitieuse, Frans Timmermans a réaffirmé son ADN (pro-)européen, et son refus de choisir entre les différentes cultures qui ont forgé son identité (ndlr : de nationalité néerlandaise, il parle cinq langues et a étudié en Belgique, aux Pays-bas, en Italie, en France). " C’est un choix impossible", a-t-il martelé.

Le concept des frontières n’est pas forcément en contradiction avec cette perception de l’Union, a-t-il poursuivi, car sans elles les peuples ne pourraient pas exister en tant que tels. Mais, tout en assurant le respect mutuel entre États, les frontières doivent aller de pair avec un autre esprit, plus ouvert : "Voir la richesse de sa propre culture, c’est accepter la friction avec ce qui est différent". Ainsi, si la peur de perdre son identité devait conduire à une diminution des échanges intellectuels entre Européens, alors les frontières deviendraient synonymes d’une perte de diversité, et menaceraient l’avenir de l’Union.

C’est de cette réflexion qu’est né le texte Ode à la fraternité, publié par Frans Timmermans en 2015. Dans cette quête de la fraternité, la jeunesse a d’après lui un rôle central à jouer et doit prendre ses responsabilités pour un meilleur avenir : "Sinon, d’autres que nous s’empareront de notre futur". Il est donc impératif que la société combatte les mouvements extrémistes qui racontent l’histoire "d’un passé qui n’a jamais existé". Pour que cet avenir soit envisageable, le commissaire européen appelle les étudiants à avoir confiance en eux, malgré un contexte peu favorable à l’optimisme.

Le sentiment de déclassement socio-économique est bien réel, prévient Frans Timmermans, et il n’est "pas certain que tous ceux qui ont une place dans l’économie aujourd’hui en auront une demain". Là encore, la jeunesse est au centre de ses espoirs: "la tâche que vous aurez pendant toute votre vie, c’est de créer les conditions pour que la grande majorité de notre société trouve une place dans l’économie", mentionnant notamment les perspectives offertes par l’économie circulaire et de l’économie de services.

Évidemment, le défi est de taille. Et c’est de cette difficulté que le populisme se nourrit et trouve, avec des solutions de facilité, l'essence de son succès.

L’importance de la contribution des jeunes : vision de long terme et action collective

La montée en puissance de ces mouvements extrémistes est à relier avec l’impasse dans laquelle se trouve le vivre ensemble en Europe. Et le soutien populaire rencontré par ces discours populistes démontre que la responsabilité doit être assumée par tous et pas uniquement pas les décideurs politiques. "Nous sommes tous coupables", confie-t-il, tout en rappelant qu’à la racine des difficultés économiques européennes, ne se trouve pas l’austérité elle-même mais la politique irresponsable qui nous y a menée. Pour sortir de cette impasse, le commissaire européen voit une nouvelle fois la jeunesse au centre de la solution. Une jeunesse, "plus douée que jamais", dit-il, mais qui est moins organisée et "beaucoup plus éclectique".

Il constate que coexistent deux courants de pensée politique parmi les jeunes - l’un pour et l’autre contre le développement de l'intégration européenne - sans qu’aucun effort pour les unir ne soit fait. Toute tentative de réconcilier les visions divergentes et de rendre l’action politique des jeunes plus cohérente "passe par une vraie volonté de se mettre à la place de l’autre".

Frans Timmermans a ensuite abordé la question de la meilleure stratégie à adopter pour l’action politique : le court ou le moyen terme. D’après lui, les institutions politiques, par peur de perdre les prochaines échéances, seraient contraintes à une vision qui ne dépasse pas la fin du mandat en cours. Il s’agirait de trouver le consensus politique qui permettrait d’acquérir une vision de long terme.

Mais le commissaire européen a également défendu le court terme, qui demeure selon lui inévitable si l’on veut réagir face aux défis d’aujourd’hui, comme la crise des réfugiés: “Si la maison est en flammes, on va pas discuter de la sécurité à long terme. Il faut des pompiers”. Gare, toutefois, au “sauve-qui-peut” que Frans Timmermans a dit observer à l’échelle européenne: “Le problème, c’est qu’on prend des décisions mais on ne les applique pas. On a besoin de dirigeants politiques à l’échelle nationale qui acceptent de s’engager pour des solutions internationales.”

Sur le sujet des divisions européennes, le commissaire a été interrogé sur le concept d’Europe à deux vitesses, qui existe déjà depuis longtemps, a-t-il rappelé. "On a des coalitions composées des volontaires, et le Royaume-Uni et le Danemark ont adopté des modèles de non-participation (opt-out)." Comprendre cela permettrait d’avancer pour un futur meilleur : "On est dans une Europe diverse, dans une Europe pluraliste. Il faut l’accepter, c’est une réalité de la vie." D’ailleurs, M. Timmermans réaffirme que cette pluralité n’enlève rien à la force de frappe normative de l’UE et que "l’Europe est encore capable de prendre des décisions collectives, et d'exécuter ces décisions". Les critiques sont ainsi nombreuses, mais toute action collective finit toujours par passer par Bruxelles. Agir unilatéralement, prévient-il, est un piège qui tôt ou tard se referme sur l’État membre qui choisit d’agir tout seul. On le voit ainsi avec le “tough test” de la crise des réfugiés.

« La solution est entre vos mains »

Le message de Frans Timmermans est donc clair : il faut agir ensemble et agir maintenant. Le vice-président de la Commission européenne a suivi le fil rouge de son ode à la jeunesse et la fraternité durant toute la conférence. Debout, avant de partir, il interpelle une dernière fois l’audience: « La solution est entre vos mains! ».

par Villy Kladi et Pierre-Adrien Hanania, étudiants du master Affaires européennes de l'École d'affaires publiques de Sciences Po

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