Accueil>Partenariat avec le musée du quai Branly autour de l'exposition sur la Mission Dakar-Djibouti

11.04.2025
Partenariat avec le musée du quai Branly autour de l'exposition sur la Mission Dakar-Djibouti
Les 16 et 17 avril, l'Africa Programme de Sciences Po organise deux journées de colloque en partenariat avec le musée du quai Branly autour de l'exposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933]: contre-enquêtes.
Entretien avec Florence Bernault, directrice de l'Africa Programme et professeure des universités au Centre d'histoire de Sciences Po.
Pouvez-vous nous présenter ce partenariat avec le musée du quai Branly
Cet important colloque est le fruit d'une étroite collaboration avec le musée du suai Branly et les conservateurs chargés de l’exposition, particulièrement les anthropologues Gaelle Beaujean et Benoit de l’Estoile, ainsi que les historiens Mamadou Diouf (Columbia University) et Gaetano Ciarcia (CNRS-IMAF). Il durera deux jours, les 16 et 17 avril. Les tables rondes et discussions sont ouvertes au public, que nous encourageons à venir y assister.
Nous pensions qu'en parallèle de l’exposition prévue sur cette Mission, et du regard critique qu'elle porte sur les méthodes d’enquête de l’époque et sur la collecte de milliers d’objets, le colloque pourrait apporter un regard neuf sur les contextes historiques, politiques, culturels et sociaux que traversaient alors les sociétés africaines vivant sur l’itinéraire de la Mission.
Le colloque décentre et renverse donc le regard sur la Mission Dakar-Djibouti. Bien souvent, ses membres n’ont pas compris les enjeux et les changements que ces sociétés expérimentaient dans ces années troublées par des révoltes, par la violence coloniale, mais aussi par d’extraordinaires initiatives et bouleversements au sein des régions traversées. On le voit bien lorsqu’ils séjournent à Dakar, par exemple, alors une zone urbaine vibrante de nouvelles cultures, modes, manières de penser et de consommer, et que cette modernité radicale échappe en grande partie aux membres de la Mission.
Ainsi, le colloque est centré sur la Mission vue d’Afrique, et non sur l’Afrique du point de vue des membres de la Mission Dakar Djibouti – le point de vue classique. Nous sommes très fiers de cette collaboration des chercheurs et étudiants de Sciences Po, rassemblés au sein du Programme, avec l’un des musées les plus importants d’Europe, aujourd'hui un centre de recherche majeur sur les collections africaines et la question des restitutions.
En parallèle des enquêtes historiques, quelle sera la place donnée à la contre-enquête, notamment par les commissaires africains ?
Commissaires et chercheurs invités, spécialistes de ces questions, ont fait un énorme travail de terrain pour comprendre, du point de vue africain, les pratiques de la Mission et les conséquences de son passage, mais surtout les contextes historiques plus larges dans lesquels cette expédition coloniale a pris place.
Des enquêtes orales ont été conduites depuis plusieurs mois, des films tournés sur place, des archives exhumées et réinterprétées. Une série de 40 entretiens filmés au Sénégal et au Bénin entre 2011 et 2015, par exemple, sera montrée et analysée. Dans ces entretiens, des artistes, des professionnels de la culture et des usagers réagissent à la lecture des fiches d’objets collectés par la Mission Dakar Djibouti, et leurs photographies.
De plus, des contre-enquêtes ont été réalisées par une partie de l’équipe du commissariat de l’exposition, qui est retournée sur les traces de l’expédition dans les territoires traversés pour interroger les diverses formes de présence de ce passé. Ce sera l’occasion de mener une réflexion comparative sur les pratiques de production de connaissance, depuis l’ethnographie des années 1930, l’enquête dans les archives, jusqu’aux enquêtes orales contemporaines.
De quelle façon l’histoire, les histoires de cette mission éclairent-elles le présent ?
Ce retour critique sur les contextes africains et la Mission Dakar-Djibouti éclaire d'importants enjeux contemporains : en premier lieu la collecte (voire le pillage) des objets africains en contexte colonial, dont l’impact est toujours ressenti aujourd’hui, et la question des restitutions. Comme le souligne Richard Tsogang Fossi dans son intervention au colloque, les contre-enquêtes sur le terrain montrent les survivances de cette mission dans la mémoire collective et l’émergence de savoirs locaux qui prennent à contre-pied des paradigmes pseudoscientifiques ayant caractérisé la construction des savoirs sur l’extractivisme culturel de l’ère coloniale.
Sur le plan de la culture visuelle, également, le colloque mettra en regard les images produites par la mission Dakar-Djibouti et l’histoire des pratiques photographiques en Afrique avant et pendant la mission, en rappelant le long héritage de la photographie en Afrique de l’Ouest et l’activité de photographes africains dès la fin du XIXe (Annabelle Lacour).
C’est donc un nouveau regard scientifique et intellectuel qui, à partir de la Mission, mettra en valeur les histoires africaines des années 1930, leur importance pour la compréhension des dynamiques contemporaines sur le continent, et l’indispensable expertise des chercheurs et des commissaires africains sur ces questions.