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13.10.2016
"Organiser les savoirs pour gagner en compétences"
Avec la pédagogie hors les murs, c’est tout un monde qui se réorganise autour de la connaissance et de la recherche. Une autre façon pour l’étudiant d’appréhender et d’acquérir le savoir. Entretien avec Sophie Pène qui participe lundi 17 octobre à la journée organisée à Sciences Po sur les Nouvelles pédagogies en actions.
Qu'est-ce que la pédagogie hors les murs ?
La pédagogie hors les murs est comme un ascenseur qui permet aux étudiants de “monter” plus vite en connaissances et en compétences, par le terrain et par la recherche. Il s’agit d’une pédagogie vivante où les étudiants sont mis en position de chercheur. Sur chaque objet d’étude, le professeur pose la question : "quelle est ton hypothèse ?" Il guide l'étudiant dans son raisonnement tout en lui ouvrant les portes d’un réseau de savants et d’un réseau professionnel. C’est comme un écosystème, où il s’agit de faire résonner la salle de cours du bruit des colloques, des débats sur la science et sur la société. La pédagogie hors les murs ou la pédagogie perçue comme un écosystème est très bien illustrée à Sciences Po par le projet d’Hélène Bellanger qui plonge les étudiants au coeur du monde professionnel de la Cour d’assises. Il l’est également par celui d’Elissa Mailänder qui inscrit l’histoire des recherches sur le genre in situ, dans le ville de Berlin. C’est aussi ce que nous essayons de faire au Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) où les étudiants travaillent au milieu des chercheurs. Le mathématicien Cédric Villani insiste sur l’importance d’apporter aux étudiants “le réseau fraternel de la science”. J’aime beaucoup cette expression car elle réaffirme une nécessité dans une époque où le numérique permet d’accéder rapidement aux savoirs et change notre façon de vivre en société.
Quels sont les enjeux de l’organisation des savoirs dans la société numérique ?
Dans la société numérique, un des enjeux de l’université est d’arriver à se faire identifier comme une fabrique de connaissances nouvelles auprès d’un public éclairé mais aussi auprès du grand public qui doit pouvoir se tourner vers l’université pour comprendre comme les savoirs se transmettent et se discutent. L’organisation des savoirs est capitale pour trois raisons. Elle facilite le travail des étudiants qui viendront demain à l’université avant tout pour travailler ensemble. Ce qui compte, c’est moins d’accéder aux savoirs que la façon dont les étudiants se les approprient, les remettent en contexte et les discutent. Ensuite, cela permet de capter un nouveau public qui aura besoin de se former tout au long de la vie. L’enjeu de la compétence va être de plus en plus important avec la montée de l’Intelligence artificielle. Enfin, l’organisation des savoirs forme à l’esprit critique et produit des ressources pour nourrir les débats qui occupent la société. Les croyances et les convictions ont besoin de la science aujourd’hui pour appréhender un monde traversé par les obscurantismes.
Quels sont les apports de la pédagogie sur le terrain ?
La pédagogie sur le terrain en sciences humaines et sociales, c’est l’équivalent du laboratoire de recherche en biologie et en physique. Il s’agit d’apprendre à regarder, à écouter, de prendre du recul, de se doter d’outils critiques. En bref, il s’agit de se forger un jugement. Je pense qu’avec le Big Data, c’est-à-dire, l’accès à de gigantesques stocks de données, le poids de la pédagogie sur le terrain va se renforcer : plus on est dans le virtuel, plus on a besoin de l’expérience de la réalité. Les enquêtes de terrain permettent de nuancer des données numériques en apportant des subtilités nouvelles. Ce qui se joue dans le face à face des interviews n’a pas d’équivalent pour interpréter un sujet. Et, l’expérience de terrain est une expérience en soi : les étudiants discutent de leurs travaux et discutent tout court. Ensemble ils co-construisent du savoir et apprennent plus simplement l’altérité. Le numérique remet du lien humain. Il donne envie de se connaître et de se retrouver ensemble.
Sophie Pène est professeur à l’université Paris-Descartes, vice-présidente du Conseil national du numérique (Cnnum), et responsable du master Edtech - éducation et technologie- au Centre de recherches interdisciplinaires (CRI)
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- "Nouvelles pédagogies en actions", le programme et la présentation des projets innovants
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Conseil national du numérique (Cnnum)