Accueil>Penser le travail : Sciences Po et Le Monde remettent leur prix 2023
16.11.2023
Penser le travail : Sciences Po et Le Monde remettent leur prix 2023
Modèle de la hâte, importance du relationnel... Sciences Po et le journal Le Monde enrichissent le débat sur les transformations du travail.
Le 25 octobre 2023, Le Monde et Sciences Po ont remis le Prix Penser le travail 2023 à Corinne Gaudart et Serge Volkoff pour leur livre Le travail pressé (Éditions Les Petits Matins). Ce prix a été décerné dans les locaux du quotidien national par un panel de professionnels des RH et du conseil en management, de chercheurs en sciences sociales et d'étudiants du Master RH et gouvernance durable de l'École du management et de l'impact de Sciences Po.
Entretien avec Henri Bergeron, titulaire de la Chaire Transformation des organisations et du travail et président du jury, et Corinne Dequecker, responsable pédagogique du Master RH et gouvernance durable.
Qui sont les lauréats du Prix Penser le travail 2023 et pourquoi ?
Henri Bergeron : Depuis plus de 20 ans, ce prix consacre des ouvrages qui s’intéressent tous aux transformations du management, des organisations, du travail et aux questions d’inégalités.
Les grands vainqueurs de l'édition 2023 du Prix du livre Penser le travail sont Corinne Gaudart et Serge Volkoff pour Le travail pressé. Le “modèle de la hâte” qu'ils défendent a su convaincre le jury par sa r ésonance avec les enjeux actuels des DRH et des managers. Sans oublier que l’une des singularités - la richesse même - de ce prix renommé est de révéler la sensibilité et l’inclinaison des étudiants, et pas seulement celles des seuls académiques, des spécialistes des métiers RH et de l’édition. Merci aux deux auteurs de contribuer ainsi à enrichir grandement les réflexions que nous menons à Sciences Po avec la Chaire et le Master RH et gouvernance durable.
Je souhaite saluer aussi les auteurs des deux autres livres finalistes, qui n’ont peut-être pas gagné, mais qui ont été plébiscités par les étudiants et par les membres du jury. Les trois livres en compétition ont sû cette année susciter l'intérêt du jury et nourrir des débats animés. Le deuxième corps de Karen Messing (Éditions Écosociétés) traite de manière très originale des questions d’inégalité femme / homme et des dilemmes éthiques que ces enjeux supposent. Le soin des choses de Jérôme Denis et David Pontille (Éditions La Découverte) restaure, entre autres, l’importance du soin dans un monde où l’innovation est élevée au rang d’institution.
Saynète de présentation de l'ouvrage lauréat en vidéo :
Vous êtes titulaire de la Chaire Transformation des organisations et du travail, comment les RH s’adaptent-elles à ces transformations ?
Henri Bergeron : La Chaire que nous avons montée récemment à Sciences Po en partenariat avec Orange, le Groupe VYV, la CNSA, et le ministère de la Transformation et de la fonction publique est, entre autres, le prolongement de ce prix, en tant qu'espace de recherche, d’échanges et de réflexions raisonnées sur les mêmes questions. Et cet espace, comme notre Prix Penser le travail, est aujourd’hui d’autant plus nécessaire que de nombreux problèmes RH sont mis en lumière et médiatisés : problèmes d’attractivité et difficultés à recruter, quête / perte de sens au travail, fort turn-over, absentéisme, grandes démissions ou quiet quitting…
Or, les réponses promues de manière privilégiée par les employeurs sont, pour la plupart, d’ordre :
- symbolique : revalorisation de l’image des métiers, amélioration de la marque employeur, élaboration d’une nouvelle « mission » pour l’organisation ;
- matériel : amélioration des conditions matérielles du contexte de travail, augmentation des salaires ou encore de la Qualité de Vie au Travail ;
- fonctionnel : l’amélioration des fonctions occupées par les personnels, en assurant l’enrichissement des tâches et l’élargissement des responsabilités ;
- managérial : promotion d’un nouveau style de management et de leadership.
Ces éléments sont évidemment importants : ils font d’ailleurs partie de la panoplie des outils désormais classiques du management. Ils s’appuient toutefois sur un diagnostic principalement psychologique et / ou économique des causes de la crise du travail actuelle.
Nous soutenons dans la Chaire, avec Corinne Dequecker et Patrick Castel, une hypothèse - complémentaire - d’ordre sociologique sur les origines de cette crise et qui rappelle une dimension essentielle du travail, que tendent à oublier ou négliger les perspectives ci-dessus : la dimension relationnelle. Si perte de sens du travail il y a, celle-ci est en partie liée aux difficultés de coopération nécessaire à la réalisation des tâches et activités qui ont du sens pour les salariés et qui permettent l’accomplissement des missions de l’organisation.
Comment l’expliquer ? Nous explorons trois pistes :
- En premier lieu, on peut poser l’hypothèse que les difficultés contemporaines à se projeter dans un futur lointain et positif ont des conséquences importantes sur le travail et plus généralement le fonctionnement des organisations. Les personnes peuvent avoir la tentation de se replier sur leurs enjeux uniquement individuels (ou familiaux).
- En second lieu, les secteurs publics et privés connaissent depuis quelques décennies un mouvement sans cesse approfondi de rationalisation. Deux conséquences négatives de ce processus sur la coopération entre agents ou salariés sont l’accroissement de la concurrence entre les acteurs de l'organisation et l’accroissement des charges de travail (individuelles ou collectives).
- En troisième lieu, personne n’aura pu échapper à l’omniprésence de l’injonction contemporaine à la coordination. Or cette injonction pousse à de nombreuses créations organisationnelles, qui complexifient le paysage institutionnel. Cela a deux conséquences principales : une perte de sens liée à l’accumulation de réformes qui se superposent et une forme de désillusion ou d’épuisement pour ceux et celles qui n’ont pas les ressources pour susciter la coopération nécessaire.
Ces hypothèses permettent d’attirer l’attention sur l’importance d’une dimension souvent oubliée quand on se penche sur la satisfaction au travail : savoir et pouvoir coopérer sont des déterminants essentiels du contentement professionnel que le management et les réformes trop souvent ignorent ou négligent.
Quelles sont les spÉCIFICITÉS du master RH et gouvernance durable de l’ÉCOLE DU MANAGEMENT ET DE L'IMPACT DE SCIENCES PO ?
Corinne Dequecker : La formation que propose le master RH et gouvernance durable est unique. Il a pour ambition de développer les compétences des étudiants dans trois domaines : les Ressources Humaines ; la transformation des organisations et du travail ; la gouvernance et la RSE. La capacité à articuler et à mobiliser ces trois domaines de compétences est une ressource indispensable pour construire l’alignement entre les engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) affichés par les instances de gouvernance des entreprises et leur mise en œuvre concrète pour toutes les parties prenantes.
Équiper les étudiants de compétences analytiques au service de l’action est l’objectif central du projet pédagogique du master. Il se traduit par la place prépondérante accordée au learning by doing, qui se décline dans de nombreux projets étudiants comme celui du Prix Penser le travail. Les étudiants lisent les nombreux ouvrages en compétition, les interrogent, au travers de débats collectifs, sur leurs fondements scientifiques, leur pertinence, leur originalité et, bien sûr, leur intérêt pour l’action.
Dès leur première année, les étudiants réalisent des projets liés à l’innovation avec des entreprises partenaires et une étude sociologique (un diagnostic socio-organisationnel) d’ampleur au sein d’une grande entreprise ou d'une administration. Ces projets les préparent à l’apprentissage, obligatoire en deuxième année, et au marché du travail.
Le parcours pédagogique original que propose le master RH et gouvernance durable prépare ainsi les étudiants à agir concrètement pour une transformation responsable et durable des organisations et du travail - dans tous les domaines de la fonction RH, de la RSE ou du conseil. Et, il assure aux étudiants une professionnalisation valorisée par les entreprises ou les organisations qui les recrutent - très souvent avant même d’être diplômés.
L'intégralité de la cérémonie de remise de prix en vidéo :