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03.03.2015
Petite histoire du logo de Sciences Po
Un lion et un renard, enfermés dans la quadrature d’un carré ou d’un cercle, tenant en leurs pattes un blason frappé "ScPo" puis un livre ouvert, évoluant tantôt sur fond gris tantôt sur fond rouge, telle est l’identité visuelle de Sciences Po.
L’invention de la tradition
Tard venue sur la scène universitaire française, Sciences Po ne peut se prévaloir d’une fondation mythique ou d’une histoire inscrite dans la longue durée, à l’instar des vénérables universités d’Oxford (1116) et de Cambridge (1209), voire des moins médiévales mais malgré tout fort anciennes universités d’Harvard (1636) ou de Princeton (1746). Créée en 1872, c’est seulement dans les années 1930, ayant atteint l’âge respectable de la maturité, que l’École libre des sciences politiques s’est "inventée" une tradition et s’est dotée d’un blason et de mascottes (à défaut d’une devise). Cette armoirie, elle ne la crée pas mais l’emprunte à l’une de ses sociétés étudiantes – son association sportive, plus précisément. C’est donc tardivement et par contagion que l’institution a choisi d’être symbolisée par deux animaux tenant en leurs pattes un blason marqué des initiales "ScPo" pour signifier son identité visuelle.
Bestiaire et héraldique
À origines incertaines et chaotiques, blason et bestiaire problématiques.
Car cette armoirie ne respecte aucune des règles très codifiées de l’héraldique. Ne renvoyant ni aux armes d’une ville, ni à celles d’une famille, ce blason vingtièmiste pointe un surnom, "ScPo", désignant les étudiants, métonymie qui donnera son nom à l’institution à la fin des années 1950, et fait référence à un symbole… machiavélique.
Certains ont voulu voir dans ce bestiaire une glorification de la force (le lion) alliée à la ruse (le renard) nécessaires à la conquête et à la conservation du pouvoir, ignorant peut-être le caractère plus subtil du Prince de Machiavel, qui, loin de constituer un éloge cynique des raffinements sanglants de la vie politique dans l’Italie des Condottiere, en fait une critique profonde, opérant par dévoilement et mise à nu des mécanismes de domination. Lion et renard, force et ruse, c’est donc un symbole ambigu, à double-sens, pouvant conduire au contre-sens, qu’a choisi Sciences Po.
Du blason au logo, du logo à la marque, de la marque aux goodies
Tombé en désuétude après-guerre et maintenu par l’association des Anciens, le blason est remis au goût du jour et transformé en logo en 1988, lorsqu’Alain Lancelot instaure une direction de la communication et se préoccupe de normaliser l’identité visuelle et de déposer la marque Sciences Po à l’Institut National de la Propriété Industrielle. Le blason est alors modernisé : stylisés, le lion et le renard sont inscrits sur fond gris dans un carré, "signe de stabilité et de permanence", lui-même divisé en quartiers représentant les quatre missions de Sciences Po (enseignement, recherche, documentation, publication) ; ils tiennent en leur pattes, non plus un blason frappé du nom, mais un livre ouvert, symbole de savoir et de sagesse. Simplifié en 2007, le logo prend des couleurs en virant au rouge, perd ses quartiers mais récupère le nom "Sciences Po." et y ajoute "Paris". Le lion et le renard se déclinent alors en mascottes et s’incarnent en goodies.
Identité 2015 : un emblème et un logo modernisés et autonomes
En 2015, le lion et le renard font peau neuve, à l’instar de la charte graphique de Sciences Po. À l’heure du positionnement en université de rang international, Sciences Po entend renforcer son image de marque et optimiser son identité visuelle avec pour objectifs la cohérence et l’unité, la singularité et la distinction. De l’ancien blason, l’emblème conserve le rouge et l’intangible bestiaire, le lion et le renard tenant un livre ouvert. Modernisés, ils se donnent à voir en symboles conceptuels et abstraits, à présent cerclés d’un rond céleste qui se stabilise en bas de page dans les publications de la maison. Émancipé de l’emblème, le logo portant la marque devient autonome et s’épure : "SciencesPo", en rouge et en un seul mot, l’emporte définitivement sur les déclinaisons successives et hésitantes du nom qui avaient accompagné la refondation de l’École libre ("IEP", "FNSP", "rue Saint-Guillaume", "ScPo", "Sciences Po. Paris") et s’impose aux entités affiliées (unité de recherche, départements, écoles, campus).
Des jeunes gens nommés "Sciences Po" de l’entre-deux-guerres à SciencesPo en 2015, l’École d’Émile Boutmy semble avoir réussi son pari : imposer durablement son nom en une marque unique et désirable.
Marie Scot
Pour en savoir plus
Archives de Sciences Po ;
Mots clés : IEP-FNSP 1871-1945 ; directorat d’Eugène d’Eichthal
Catégorie : vie de l’institution