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27.05.2015

Pierre Brossolette en cinq dates

Le 27 mai 1943, se tenait la première réunion du Conseil National de la Résistance. 72 ans après, ce 27 mai 2015, ce sont quatre figures majeures de la Résistance qui viennent d'entrer au Panthéon : Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle-Antonioz, Jean Zay, et Pierre Brossolette. Guillaume Piketty, professeur d’histoire à Sciences Po et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, a consacré sa thèse et plusieurs ouvrages à Pierre Brossolette, héros complexe et mal connu. Récit d’une trajectoire d’exception en 5 dates-clés.

  • Hiver 41 : la persévérance d’un résistant de la première heure

“Pierre Brossolette s’engage très tôt dans la résistance intérieure, dès l’hiver 1941. Il est immédiatement confronté à des risques considérables, car il s’engage en zone occupée, sous la menace permanente de la police et des services secrets allemands ainsi que de certains services de la police française.

Ses débuts de résistant démontrent une persévérance à toute épreuve. La première organisation qu’il rejoint, le Réseau du Musée de l’Homme*, va être décapitée quelques semaines seulement après son arrivée. Résolu à agir, il se met en quête de nouveaux contacts, noue le dialogue avec deux organisations (le Comité d’action socialiste de zone Nord et Libération-Nord), puis se décide pour une troisième, le réseau Confrérie Notre-Dame (CND)**. C’est au sein de la CND qu’il “plonge” corps et âme dans la résistance, à l’automne 1941. Il y devient chef de la section presse et propagande, où son expérience de journaliste va se révéler précieuse.”

  • 1942 : de Paris à Londres, l’homme du lien entre les deux résistances

“Brossolette va jouer un rôle de truchement, d’intermédiaire essentiel entre la résistance intérieure et la résistance extérieure, dont la principale composante est alors la France libre à Londres. Via la CND, il adresse une série de rapports à Londres. Il y informe la France libre sur le quotidien des Français soumis à l’Occupation ou au régime de Vichy, sur la résistance naissante, et sur la classe politique française. Il met aussi en contact avec la France libre deux organisations de résistance de la zone Nord, Libération-Nord et l’Organisation civile et militaire (OCM).”

“Ses informations intéressent au plus haut point : la France libre lui propose de rejoindre la capitale britannique. Il accepte la proposition, et le risque fou qui va avec : il faut s’embarquer, par une nuit de pleine lune, sur un petit avion Lysander, à découvert et à la merci des Allemands...

Il arrive à Londres fin avril 1942, et va devenir en quelques mois le numéro 2 des services secrets de la France libre (qui devient la France combattante à la mi-juillet). Le rôle considérable qu’il va jouer lui a notamment valu d’être fait compagnon de la Libération par De Gaulle en octobre 1942, le même jour que Jean Moulin.”

  • 1943 : homme d’action et de gauche

“Normalien et agrégé d’histoire, cet homme d’action est aussi un intellectuel. Durant ces années de guerre, il réfléchit intensément à la rénovation de la France dans la perspective de l’après-guerre. Sa sensibilité politique est de gauche : soutien fidèle de Léon Blum, il a appartenu à la SFIO avant-guerre. Les socialistes qui résistent demeurent une des ses inspirations politiques durant le conflit. Il s’intéresse également aux projets du parti travailliste anglais et au New Deal de Roosevelt.

Mais cela ne l’empêche d’avoir une conviction : de Gaulle est à ses yeux le leader à suivre absolument durant le temps de guerre et dans l’immédiat après-guerre. Pour autant, cela ne fait pas de lui un gaulliste, mais un profil complexe à la pensée originale.”

  • Les missions de 1943-44 : unifier la Résistance en zone Nord

Pierre Brossolette va effectuer trois missions clandestines en France, extrêmement risquées. C’est au cours de la deuxième mission, de fin janvier à mi-avril 43, qu’il accomplit l’équivalent en zone Nord de ce que Jean Moulin vient de réaliser au Sud : la coordination de l’action des principaux mouvements de résistance.

Avec le Colonel Passy***, il réussit en quelques mois à coordonner l’action politique, le renseignement et la lutte armée des cinq principales organisations de la zone (Ceux de la Libération, Ceux de la Résistance, Front national, Libération-Nord, OCM). Cette action majeure achève de rendre complètement légitime, s’il en était encore besoin, sa place au Panthéon aux côtés de Jean Moulin dont, pour ce qui concerne la coordination de la résistance, il est une sorte d’alter ego en zone Nord.”

  • 1944 : la dernière mission et le sacrifice

“Après l’arrestation de Jean Moulin, des difficultés d’organisation apparaissent dans la résistance intérieure et dans la liaison de cette dernière avec Londres et Alger. Lorsque Brossolette repart clandestinement pour la France, en septembre 1943, le premier objectif de sa mission est de travailler, avec d’autres, à pallier ces difficultés.

“Cette longue mission dure jusqu’au début de 1944. Usé par plusieurs reports du départ en avion, il tente de partir par voie de mer, mais cette tentative échoue aussi. Il réchappe de peu du naufrage et décide de repartir vers l’intérieur des terres. Il est arrêté le 3 février lors d’un contrôle de routine, faute d’avoir pu présenter l’ausweis (l’autorisation) nécessaire à la présence en zone côtière. Il est écroué à Quimper, puis à Rennes. Le 16 mars, les Allemands découvrent sa véritable identité.

Transféré à Paris dans la nuit du 19 au 20 mars, il est torturé le 20, le 21 et durant la matinée du 22. À midi ce jour-là, alors que ses tortionnaires sont partis se restaurer, il parvient, les mains liées, à se glisser par le vasistas de la chambre de bonne dans laquelle se déroule l’interrogatoire. Il tombe sur le balcon du 4ème étage. De là, il se précipite au bas du 84 avenue Foch, siège de la Gestapo. Il meurt le soir même à la Pitié. Alors qu’il délirait, une des infirmières l’a reconnu à sa voix : elle avait entendu ses chroniques à la radio, avant la guerre. C’est ainsi que Londres apprend très vite la disparition de l’homme à la mèche blanche.”

Propos recueillis le 25/05/15

* Le Réseau du Musée de l’Homme est un des tout premiers mouvements de résistance, auquel appartint notamment Germaine Tillion.

**La Confrérie Notre-Dame (CND), était un réseau de renseignements de la Résistance fondé par Louis de la Bardonnie et dirigé par le Colonel Rémy, envoyé par la France Libre.

***André Dewavrin, dit le colonel Passy, né le 9 juin 1911 et mort le 20 décembre 1998 à Paris, fut, le créateur et le chef des services secrets de la France libre.

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Légende de l'image de couverture : Archives famille Brossolette