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07.04.2016

Pierre Rosanvallon : "Inventer le gouvernement de demain"

Le 23 mars 2016, Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, donnait une conférence exceptionnelle à Sciences Po à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage : Le Bon Gouvernement (éd. Seuil). Postulat de départ de l’ouvrage : la crise de la représentation n’est pas une explication suffisante au désintérêt des populations pour leurs politiques. Selon Pierre Rosanvallon, c’est plutôt l’absence de règles dans la vie démocratique, notamment en ce qui concerne la transparence, l’exercice de la responsabilité, ou encore l’écoute des citoyens, qui conduit à un “mal-gouvernement”. Alors, comment bien gouverner ?

La discussion, qui a rapidement embrassé toute l’œuvre de Pierre Rosanvallon, s’est articulée autour des "invariants des démocraties occidentales", notamment les questions liées aux rapports entre gouvernants et gouvernés, aux élites et au politique. C’est autour des "métamorphoses de ces invariants" que Pierre Rosanvallon a développé son propos, rappelant aux étudiants : "vous qui occuperez des places à responsabilités dans des sociétés européennes marquées par le phénomène de rejet de leurs responsables, voire de haine de leur classe dirigeante, la compréhension des enjeux sur les mutations du pouvoir est pour vous décisive."

Pierre Rosanvallon rappelle que si la science politique a depuis deux siècles beaucoup analysé le rôle du système représentatif et la manière dont s’exprime la volonté générale, peu de travaux ont été consacrés à l’évolution du pouvoir exécutif. Longtemps rejetée par une historiographie républicaine inquiète de toute tentation bonapartiste, la réflexion soulevée par Pierre Rosanvallon ne peut manquer d’être mise en perspective avec l’étude produite par Nicolas Rousselier – enseignant-chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po - dans son dernier essai, La force de gouverner. Le pouvoir exécutif en France, XIXe-XXIe siècles (éd. Gallimard, 2015).

Pierre Rosanvallon encourage les élèves à réinventer les prismes de l’analyse politique. Aux thuriféraires d’une VIe République dé-présidentialisée, il répond : "Je ne pense pas qu’on puisse re-parlementariser les démocraties représentatives. Le Parlement ne peut plus exercer toutes les missions que la théorie politique libérale lui confie." Bien plus, la démocratie s’est disséminée, en effet, "la décision réside dans plusieurs types d’institutions".

Tout le défi sera donc de trouver ces nouvelles institutions et c’est là qu’existe la place selon le professeur du Collège de France pour "une seconde révolution démocratique". Néanmoins, cela n’ira pas sans une restauration des "institutions invisibles", termes de l’économiste Kenneth Arrow repris par Pierre Rosanvallon, et au premier rang desquelles figurent la confiance ou l’autorité. Ainsi, dépassant un État "corporatisme de l’universel " (Bourdieu), il reste aux étudiants de Sciences Po à participer à l’invention de l’État de demain.

Vincent Caure, étudiant à l'École d'affaires publiques de Sciences Po

Légende de l'image de couverture : @Collège de France