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26.10.2016

"Le populisme fragilise l'économie et les libertés démocratiques"

La crise financière de 2008 en Grèce, ses répercussions en Europe et les politiques d’austérité menées pour y répondre ont eu pour effet une montée des populismes. Dimitri Sotiropoulos, professeur invité au LIEPP de Sciences Po, revient sur ces événements avec pour conséquences l’affaiblissement de la démocratie. Entretien

En 2008, la crise financière touche la Grèce de plein fouet. Mais d’autres raisons contribuent à la fragilisation du pays. Lesquelles ?

La crise économique a été le facteur déclenchant. Mais la réponse à la crise avec la mise en œuvre des mesures d’austérité en 2010 a fragilisé le système démocratique. Avant la crise, la démocratie était déjà mise à mal par des politiques de favoritisme envers certaines catégories de la population : les professions libérales et les employés de la fonction publique. Les gouvernements socialistes (Pasok) et conservateurs (New Democracy) ont toujours fait en sorte que ces groupes soient surreprésentés au Parlement et dans les syndicats. La situation est la même aujourd’hui sous l’étrange coalition entre la gauche radicale (Syriza) et l’extrême droite (Anel) qui sert les intérêts des employés du secteur public aux dépens des employés du secteur privé. En témoigne, la réembauche en 2015 de tous les anciens employés de la télévision et radio publiques et la décision de réduire à quatre le nombre de télévisions privées.

Les politiques menées ont affaibli la démocratie en Grèce. Pourquoi ?

L’expérience de la Grèce montre que le populisme une fois au pouvoir fragilise l’économie et les libertés démocratiques. Les politiques économiques populistes ne servent pas à revitaliser l’économie ou à assurer une redistribution des revenus mais à augmenter de manière sélective le revenu de certains groupes tels que les retraités. L’économie est mise à mal par cette politique. Plus largement, avec le populisme, les libertés démocratiques sont menacées. La conception populiste de la démocratie ne prend pas en compte les institutions, le parlement, la justice ou encore les médias, censées servir de contrepoids. Ils cherchent plutôt à les contrôler ou à les marginaliser.

Quel rôle l’Europe a-t-elle joué vis-à-vis de la Grèce ?

Face à la crise en Grèce, l’Europe a réagi trop tard. Elle n’a pas compris qu’elle était également visée. Puis, elle a été trop tolérante vis-à-vis de l’accumulation de la dette en Grèce. Enfin, elle s’est précipitée. L’Europe a voulu engager des réformes radicales et profondes pour résoudre la crise, mais elle l’a fait trop vite. Oui, il fallait de l’austérité. Mais il fallait aussi se soucier des populations qui allaient être touchées de plein fouet par des mesures radicales et injustes. La pauvreté en Grèce s’est accrue. Le taux de chômage s’est envolé.

Face aux crises qui touchent les sociétés européennes, comment résister, à l’approche des élections de 2017 en France, aux thèses populistes ?

La Grèce n’est pas en droit de donner des conseils à la France. Mais, en tant que citoyen et par esprit de camaraderie je suggérerais aux électeurs français d’être attentifs aux dangers du populisme, qu’il soit de gauche ou de droite. Les populistes promettent des lendemains qui chantent. Les solutions sont simples : renverser les élites nationales et chasser les étrangers. Cela aurait pour effet selon les populistes de revitaliser la démocratie. Or, la réalité des régimes populistes au pouvoir a toujours démontré l’exact opposé. Malheureusement, les populations le comprennent souvent trop tard.

Propos recueillis par Juliette Seban

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