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28.10.2016

"Toutes les formes de l’abandon féminin fascinent et effraient"

Avec son premier roman, Possédées, Frédéric Gros, docteur en philosophie et chercheur au Cevipof de Sciences Po signe un premier roman historique, où s’enchevêtrent toutes les passions, politiques et religieuses. Où il est aussi question de folie collective, de corps et de désirs. Entretien et vidéo

Pourquoi l’histoire des Possédées de Loudun ?

Cette affaire entrecroise plusieurs dimensions : historiques, politiques, religieuses...Au même moment, Descartes écrit Le Discours de la méthode. C’est à cette époque-là aussi que naît le concept de la Raison d’Etat, “la fin justifie les moyens”, dit Machiavel. La Contre-Réforme catholique prend définitivement le dessus sur le protestantisme. De plus, je me souviens de Michel Foucault qui disait dans ses cours au Collège de France “Loudun est le lieu de toutes les passions”. Mais un lieu qui révèle aussi, par ses phénomènes d’exclusion, l’identité d’une époque.

De quoi votre personnage principal, Urbain Grandier, est-il coupable ?

Le curé de Loudun était beau, séducteur, brillant et quelque peu présomptueux. Il avait quelques conduites condamnables pour un ecclésiastique, comme celle d’avoir des relations sexuelles avec des jeunes femmes. Il suscitait des jalousies. C’était un homme brillant et heureux. Mais je n’ai rien inventé. Jeanne des Anges, la mère supérieure du Couvent des Ursulines, l’accuse dans son délire d’être le diable en personne. Il traverse des épreuves terribles, mais au fil de l’histoire, il gagne en épaisseur.

On ne lui pardonne pas sa liberté ?

Il ne correspond pas à l’image pure, moralisante que le catholicisme veut donner. Dans cette ville de province, il dénote parce qu’il est trop indépendant. Il est coupable d’une bienveillance envers les Protestants. Mais il est aussi coupable d’apposer une résistance à Richelieu et au roi, Louis XIII qui veulent détruire la forteresse de la ville, symbole d’une frontière intérieure au sein de l’Etat. Urbain Grandier n’est pas un homme docile.

C’est aussi l’histoire d’une folie collective…

Elle s’empare de toute une ville. En premier avec les Ursulines qui vivent des hallucinations et sont "possédées" par le diable. Puis, le politique s’en mêle. Le coupable, Grandier, est désigné. Il est torturé et lynché en public. Au final, c’est la morale religieuse qui triomphe.

Les possédées de Loudun, c’est aussi une affaire de femmes.

Toutes les formes de l’abandon féminin fascinent et effraient. Les femmes ici, ne sont pas des sorcières qu’on aurait brûlées comme au Moyen-âge, mais elles sont des pures victimes. Elles sont aussi enfermées dans un couvent et interdites de sexualité. C’est cette conjugaison - l’enfermement et l’interdiction - qui crée la folie.

Des femmes et des hommes possédés par le désir ?

Rabelais disait que Loudun était une ville érotique. Le roman est traversé par divers courants de désir. C’est là où le personnage de Grandier évolue, grâce à sa rencontre avec la jeune Maddalena. Dans un monde plutôt noir et désolant, ce qui reste, c’est l’amour. Le divin aussi peut se loger là.

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Légende de l'image de couverture : © Frédéric Stucin