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17.05.2019
Pour qui voter aux européennes ?
Déjà menacées par une abstention record, les élections européennes du 26 mai laissent beaucoup d’électeurs perplexes face aux 34 listes et à la complexité des enjeux. Après le succès de La Boussole présidentielle® en 2017, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en partenariat avec 20 Minutes et Ouest France, réédite son outil d’aide à la décision avant le scrutin. Explications par Thomas Vitiello, chercheur associé au Cevipof et directeur scientifique de La Boussole européenne®.
Après le succès de La Boussole présidentielle en 2017, vous éditez une Boussole européenne. En quoi peut-elle aider les électeurs à y voir plus clair ?
Thomas Vitiello : Près de 800 000 personnes se sont servi de La Boussole présidentielle en 2017 : c’est un succès, pas tellement surprenant pour un scrutin qui passionne les électeurs. Les élections européennes suscitent moins d’engouement : la Boussole européenne de 2014 n’avait attiré que 50 000 personnes en deux semaines. Mais depuis la mise en ligne de cette édition 2019, ce chiffre a été atteint en moins de trois jours ! Cela traduit un besoin croissant d’information sur les positionnements politiques des partis. La présence de 34 listes constitue le symptôme d’une certaine confusion politique. Face à une telle fragmentation de l’offre, un outil comme La Boussole peut jouer un rôle d’autant plus utile, en clarifiant les positions et les programmes. Cela manque beaucoup dans cette campagne, où même les noms de listes ne portent plus la référence à un parti. La Boussole ne dit pas pour qui voter mais permet d’y voir plus clair, de stimuler la réflexion, et d’inciter à s’informer davantage.
Testez vos positions politiques avec La Boussole européenne !
Quelle est la spécificité de cette Boussole pour les élections européennes ?
T. V. : Son principe n’a pas changé : il s’agit d’une application d’aide au vote, qui compare les positions des utilisateurs avec celles des listes candidates, dans un espace politique à deux dimensions. Pour ces élections, nous avons conservé le premier axe : la dimension socio-économique, entre interventionnisme étatique et libéralisme économique, qui reste structurante de la vie politique française. C’est le clivage droite-gauche classique centré autour de la question de la redistribution des richesses. Mais la deuxième dimension est spécifique à ce scrutin : il s’agit de l’axe “pro” ou “anti” Union Européenne, qui révèle des clivages au sein même des familles politiques.
Sur ce schéma du paysage politique, vous dégagez ainsi trois grands types de listes...
T. V. : Oui, on peut ainsi clarifier l’offre politique. La première catégorie, ce sont les listes “pro-UE”, avec, à droite et au centre droit, celles de La République en Marche ou de l’UDI, qui défendent l’idée d’une Europe puissante, protectrice, et la volonté d’aller plus loin dans l’intégration. Côté gauche, on peut citer Envie d’Europe, EELV ou Générations, qui, malgré certaines critiques, estiment que le cadre et l’échelle européenne sont adéquats pour faire face aux défis de notre siècle, que sont notamment la question écologique et la mondialisation.
La deuxième grande catégorie, ce sont les listes “anti-UE”, de la tendance nationaliste et/ou identitaire comme le Rassemblement National ou Debout La France. Elles estiment que c’est l’échelle nationale qui est la plus à même de faire face aux défis de notre temps.
Entre les deux se trouvent les listes de la troisième catégorie, que nous appellerons “critiques”. À gauche, le Parti Communiste ou La France Insoumise, sans appeler à la rupture, veulent installer un rapport de force pour changer le mode de fonctionnement de l’UE et ses politiques. À droite, de manière plus inattendue, on trouve la liste Les Républicains, qui affiche un positionnement critique et défend l’idée qu’il faudrait redéfinir les périmètres d’action de l’UE, et ne pas forcément aller plus loin dans l’intégration européenne.
Que révèle La Boussole européenne sur la dynamique de cette campagne ?
T. V. : Nous disposons hélas de peu de temps pour l’observer. Mais on peut parler d’une polarisation très forte des clivages politiques en France, et d’une certaine difficulté des listes “critiques” de l’entre-deux à faire entendre leur positionnement de “3ème voie” entre pro et anti-UE. On observe aussi un espace politique ouvert au centre gauche, qu’aucune liste n’a réussi à saisir pour l’instant...En fin de compte, il est également possible que les nombreuses petites listes, qui naviguent souvent dans le centre du paysage politique, finissent par soutirer des voix aux listes principales.
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- Thomas Vitiello, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)
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