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10.02.2021
Procès de Nuremberg : un hommage à l’Histoire
Le 20 novembre 2020, l’ouverture du procès de Nuremberg, qui a marqué les prémices de la justice pénale internationale, a célébré son 75e anniversaire. Notre campus de Nancy a souhaité commémorer cette date historique en invitant, dans le cadre des séminaires du Collège universitaire, Philippe Sands, auteur de l’ouvrage Retour à Lemberg, Astrid von Busekist, professeur des universités en science politique, chercheur associé au Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI) et Dr Viviane Dittrich, directrice adjointe de l’Académie internationale des principes de Nuremberg.
Retour sur cette conférence passionnante, partagé par Martha Rosental, étudiante en deuxième année à Nancy.
Si vous vous trouviez face à un criminel responsable de la déportation et de l'extermination de millions de personnes et que vous aviez son destin entre les mains, que feriez-vous ? Lui accorderiez-vous un traitement humain,même si vous savez qu’il a bafoué l’humanité ? Choisiriez-vous de lui infliger ce qu’il a infligé à des millions d’individus ?
Il y a 75 ans, c’est précisément à ce dilemme qu’ont fait face les quatre puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale lorsqu’elles eurent à juger les centaines de milliers de nazis de l’Allemagne occupée. À l’époque, les Alliés avaient essayé de déterminer s’ils devaient opter pour une revanche sanguinaire ou se soumettre à ce que ces mêmes criminels s’étaient évertués à détruire avec la plus grande méticulosité : l’État de droit.
Selon Philippe Sands, avocat franco-britannique spécialisé dans la défense des Droits de l’Homme, sur le terrain de la justice pénale internationale, “tous les chemins mènent à Nuremberg”. En 2017, il a publié un ouvrage intitulé East West Street: On the Origins of Genocide and Crimes against Humanity, autour duquel le campus de Sciences Po à Nancy a organisé une conférence le 20 janvier dernier, dans le cadre du 75ème anniversaire du Procès de Nuremberg. L’auteur était accompagné d’Astrid von Busekist, professeur des universités à Sciences Po et traductrice de la version française de l’ouvrage Retour à Lemberg, également écrit par Philippe Sands. À leurs côtés, le Dr Viviane Dittrich, directrice adjointe de l’Académie internationale des principes de Nuremberg.
Au-delà d’une présentation du travail de Philippe Sands, cette conférence a permis de revivre l’histoire de l’un des procès fondateurs de la justice pénale internationale.
Une décision de justice pour la postérité
Malgré de nombreux débats quant au sort à réserver aux criminels nazis, les Alliés s’accordèrent pour éviter à tout prix de répéter les erreurs du passé, notamment l'échec du traité de Versailles (1919) puis des procès pour crimes de guerre de Leipzig (1921); finissant ainsi par opter pour la poursuite et la punition des crimes nazis par la loi plutôt que par la vengeance.
C'est dans ce contexte que le procès de Nuremberg s'est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. En dépit des critiques dénonçant la justice d'un vainqueur et l'impunité des crimes commis par les Alliés pendant la guerre, ce "procès du siècle” est souvent considéré comme le "berceau du droit pénal international moderne", selon les mots de Viviane Dittrich. En effet, outre le chef d’accusation de deux crimes déjà existants - crimes contre la paix et crimes de guerre - pour les 24 principaux criminels, il s'agissait du premier procès de l’Histoire pour crimes contre l'humanité, symbole d’une nouveauté juridique majeure. C’est ainsi que Nuremberg s'est imposé comme un procès de référence, définissant ainsi les grands principes du droit international proclamés en 1946 par les Nations unies dans la résolution 95 de l'Assemblée générale.
Pour toutes ces raisons, les premiers mots de Philippe Sands lors de la conférence ont souligné le rôle déterminant du procès de Nuremberg dans l'histoire du droit pénal international. Il a ensuite relevé le lien subtil entre le procès et son livre, qui allie sa volonté de mettre des mots sur les silences qui pesaient sur l'histoire de sa famille maternelle, à la découverte de coïncidences historiques déconcertantes.
Témoin de l’Histoire
En 2010, Philippe Sands avait donné une conférence à Lviv, où son grand-père Léon Buchholz avait passé son enfance avant de fuir à Vienne en 1914. Cette ville à la périphérie orientale de l'empire austro-hongrois, a subi de nombreux bouleversements politiques géographiques et a été rebaptisée pas moins de quatre fois au cours de son histoire : Lemberg, puis Lwów, puis Lvov, puis encore Lemberg, et enfin Lviv.
Lviv, autrefois Lemberg, la ville détenant les secrets de famille de Philippe Sands.
Lviv, autrefois Lemberg, la ville où deux des pères fondateurs du droit international, Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, étudièrent durant l'entre-deux-guerres, conceptualisant respectivement les termes de “crime contre l'humanité” et de “génocide”, deux notions fondamentales du procès de Nuremberg.
Lviv, la ville où le “boucher de Pologne” Hans Frank, principal conseiller juridique d’Hitler, condamné à mort à Nuremberg, annonça publiquement en 1942 l’extermination massive de la population juive, dont firent partie les familles de Leon, Hersch et Raphael.
Lviv, berceau de la famille maternelle de Philippe Sands, descendant de survivants de l'Holocauste devenu avocat international, liée pour l’éternité à l'histoire de l'un des procès fondateurs du droit pénal international.
Martha ROSENTAL
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