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11.10.2022

Rencontre avec Sviatlana Tsikhanouskaya : “Ensemble, nous pouvons changer le monde”

Sviatlana Tsikhanouskaya à Sciences Po (crédits : Thomas Arrivé)

Vendredi 7 octobre, les étudiants de l’École des affaires internationales (PSIA) de Sciences Po ont assisté à une rencontre historique avec Sviatlana Tsikhanouskaya qui mène l’opposition démocratique bélarusse. La discussion s’est en effet tenue le jour-même où son compatriote et camarade de lutte en faveur de la démocratie, Ales Bialiatski, a reçu le Prix Nobel de la Paix 2022. L’association humanitaire de ce dernier, Viasna, documente la torture des prisonniers politiques tout comme un autre Prix Nobel de la Paix 2022, l’association humanitaire Memorial, qui documente l’histoire de la Russie. Sa directrice exécutive, Elena Zhemkova, a reçu un Doctor Honoris Causa de Sciences Po en juin 2022, symbole de l’attachement de l’École à la liberté académique et à la démocratie. Le public étudiant a pu bénéficier d’un discours touchant et engagé centré sur la défense des droits humains, l’importance des règles et la confiance envers les générations futures.

Le combat universel pour les droits humains

La leader de l’opposition démocratique bélarusse a rendu hommage à son compatriote Ales Bialiatski, actuellement emprisonné dans son pays bien que ses “mots continuent à vivre”. Elle a pu porter la voix du Prix Nobel de la Paix en ce jour spécial et contrasté, un prix qui “porte le nom de Sviatlana Tsikhanouskaya” d’après Arancha González, doyenne de PSIA.

L’invitée a exprimé son émotion, suscitée par cette reconnaissance internationale d’un “symbole du combat universel pour les droits humains”. Elle a rappelé son propre parcours : elle était encore “femme au foyer et mère de deux enfants” il y a quelques années. Quand son mari s’est retrouvé emprisonné à cause de ses positions politiques, elle a pris sa défense et a été candidate à l’élection présidentielle de 2020. Le peuple bélarus a voté pour elle, il a “voté pour la liberté”. À la suite de sa remise en cause du résultat des élections, Lukashenko ayant été réélu à plus de 80 % des voix, elle a dû fuir son pays et se réfugier en Lituanie.

Sviatlana Tsikhanouskaya exige que son peuple soit libéré. Elle explique à l’assemblée que les défendeurs des droits, les journalistes, les intellectuels… sont jetés en prison en Biélorussie. “Dire la vérité est dangereux” et plus de 50 000 citoyens sont ou ont été emprisonnés. Son rôle est de “donner une voix” à ceux qui ne peuvent pas parler, qui ne peuvent pas agir, qui peuvent seulement rêver, comme son mari Sergei, comme Ales Bialiatski.

Les dictateurs ne suivent pas les règles

La conférencière se souvient que l’un de ses pires souvenirs de Biélorussie est la possibilité “d’être accusée de n’importe quoi à n’importe quel moment”. Elle insiste sur l’importance d’avoir des règles, “en tant qu’humain, nos actions ont des conséquences”. Sans règles, il est impossible de vivre ensemble, il n’y a plus “la moindre confiance” et “tout peut arriver”. Elle en est persuadée : “nous avons besoin de confiance pour fonctionner en tant que pays et en tant qu’humains” et “en Biélorussie, il n’y a ni confiance ni règles”.

Les dictateurs ne suivent pas les règles” et s’il n’hésitent pas à mentir à leur citoyens, pourquoi seraient-ils honnêtes avec le reste du monde ? C’est ainsi que les attaques contre la démocratie et la liberté ne sont pas seulement des problèmes locaux auxquels font face la Biélorussie ou l’Ukraine, ils concernent l’ensemble de la planète. Sviatlana Tsikhanouskaya croit que les dictateurs veulent que “chacun se sente en danger, c’est ce qu’ils cherchent à faire, à nous emplir de peur pour que nous ne réagissions pas, mais cela ne marchera pas car nous sommes plus forts que ça”.

Ensemble, nous pouvons changer le monde

L’invitée de PSIA, une École fière de donner à ses étudiants des quatre coins du monde les outils nécessaires à comprendre et être acteur de notre monde actuel, a exprimé l’espoir que représente à ses yeux l’attribution du Prix Nobel de la Paix, l’espoir de libérer un jour ceux qu’elle aime. Elle pousse la jeune génération à imaginer le monde qu’ils vont pouvoir construire avec les étudiants et les chercheurs de Biélorussie, les “futurs dirigeants” dont l’esprit brillant repose en prison. Il est important que les futures générations la croient : “ensemble, nous pouvons changer le monde ; ensemble, nous pouvons vaincre la tyrannie.”

Elle a pu répondre à une étudiante bélarusse qui se demandait ce que de jeunes étudiants comme elle peuvent faire, lui expliquant qu’ils doivent étudier et rapporter tout ce savoir dans leur pays quand il sera libéré. La Biélorussie aura besoin de spécialistes, de personnes habituées aux institutions démocratiques. Elle espère que les jeunes qui étudient à l’étranger, constateront, comme elle l’a fait, que “leur coeur appartient à la Biélorussie” et qu’ils auront l’envie d’aider “le pays tout entier”. Elle en profite pour demander aux universités internationales, comme Sciences Po le fait déjà, d’accueillir les étudiants biélorusses et aux pays démocratiques de permettre aux futurs fonctionnaires et dirigeants biélorusses d’apprendre auprès de leurs institutions.

Sviatlana Tsikhanouskaya conclut sa leçon sur la promesse de parler à son mari de ce “bel endroit” et de “l’accueil chaleureux qu’elle y a reçu”. Le plus important pour elle a surtout été de rencontrer les leaders de demain, ceux qui construiront “un monde meilleur, basé sur la vérité, les règles et le respect”.

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