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10.12.2024
Un rapport sur les violences faites aux femmes en temps de conflits armés
Six étudiantes du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques ont réalisé pour et avec le Women’s Forum for the Economy and Society, un rapport sur les violences faites aux femmes en temps de conflits armés. Elles ont présenté les principales conclusions de ce rapport lors du Global Meeting du Women’s Forum en octobre 2024.
Mathilde Bavouzet, Noémie Berthier, Zélie Bousquet, Justine Delamarre, Nathalia Mineo et Lisa Pouget, étudiantes en master à Sciences Po, nous racontent.
Pourquoi avez-vous voulu rejoindre le Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques ?
Parce qu’il nous semblait absolument nécessaire d’avoir une formation plus approfondie en études de genre, particulièrement en complément d’un master en Politiques Publiques ou en Affaires Internationales, tant cette problématique est importante à nos yeux. Nous étions déjà extrêmement intéressées par les questions liées aux inégalités de genre, le Certificat a alors été pour nous l'occasion d’en apprendre plus sur ces enjeux.
Grâce au Certificat, nous avons pu échanger avec des femmes inspirantes tout en approfondissant des défis pratiques, notamment sur la mise en place de politiques publiques visant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes ou encore au sujet de la diplomatie féministe. Cette expérience est précieuse pour toute personne souhaitant être plus sensibilisée à ces problématiques hautement importantes et d’actualité.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur les violences faites aux femmes pendant les conflits armés ?
Nous avons choisi de travailler sur ce sujet car il s'agit d'un phénomène à la fois systémique et dévastateur, qui continue de marquer des générations de femmes et d’avoir de graves conséquences sur les processus de paix qui s’ensuivent. Les violences de genre dans les situations de guerre sont souvent utilisées comme des armes de guerre, visant non seulement à détruire des vies individuelles mais aussi à déstabiliser des sociétés entières. Malheureusement, ces violences sont généralement minimisées, voire ignorées, dans l’analyse traditionnelle des conflits. Elles ont pourtant des répercussions durables, non seulement sur les victimes directes, mais aussi sur leurs communautés et le rétablissement de la paix.
Ayant été sensibilisées à l’aspect systémique de cette violence par nos études en sciences sociales, l’idée d’écrire un rapport faisant un état des lieux de ce sujet encore mal étudié nous a beaucoup séduites. L’ampleur de ce problème et son absence dans les débats publics et les négociations de paix ont été une vraie motivation dans cette entreprise. Nous avons alors axé notre rapport sur la documentation et l’analyse des mécanismes par lesquels les violences sexuelles et basées sur le genre sont instrumentalisées dans le conflit et l’après-conflit, ainsi que les moyens de soutenir les victimes. Notre travail visait donc non seulement à sensibiliser, mais aussi à proposer des solutions et à encourager une prise de conscience dans le cadre des politiques publiques et de la justice internationale.
Quel rôle peut jouer le Women’s Forum sur cette thématique ?
Le Women's Forum for the Economy and Society, fondé en 2005, rassemble des femmes influentes pour promouvoir la contribution des femmes dans l'économie et la politique mondiales, en parallèle du forum de Davos encore très masculin. Affilié au groupe multinational Publicis, il mène des actions de plaidoyer sur divers sujets liés aux inégalités de genre, en particulier dans le domaine économique. Pour ce faire, il publie des rapports médiatisés et organise chaque année des Forums, notamment le Global Meeting à Paris, pour encourager la parité et la représentation féminine dans les sphères de pouvoir. Ces événements mettent particulièrement en avant des projets favorisant l’entrepreneuriat féminin, l’éducation ou la visibilité des femmes dans les médias.
Après le 7 octobre 2024, cette organisation élargi son champ d’action et décidé de mettre en lumière un sujet négligé : les violences faites aux femmes dans les conflits armés. Le Women’s Forum offre une importante caisse de résonance pour des questions qui méritent davantage de visibilité médiatique. Cette première initiative sur ce sujet souligne son importance et son urgence, ce qui pourrait attirer des financements indispensables, d’ordinaire difficiles à obtenir pour cette cause souvent relayée uniquement par des ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch.
Quelles sont les principales conclusions du rapport ?
Dans notre rapport, nous avons essayé de démontrer que les violences faites aux femmes en temps de conflits découlent d’un continuum de violences. L’idée de notre rapport était de mettre en avant le lien entre les violences en temps de “paix” et celles en temps de “guerres”. Ainsi, si tout tabou semble sauter en temps de guerre et que la spécificité des crimes commis nécessite de les traiter avec une approche qui leur est toute particulière, nous pouvons toutefois trouver leur cause dans les racines du système de domination patriarcale.
Nous avons été amenées à nous pencher sur le rôle prégnant de l’institution militaire, tant quand les violences sont commises que quand elles sont traitées. Il s’agirait de réformer l’institution militaire dans le but de repenser le système de domination sur lequel elle repose. Il est ainsi nécessaire pour la communauté internationale de prendre ces sujets en main. Nous entendons par là apporter un véritable financement à tous les acteurs sur le terrain comme les ONG ou les acteurs institutionnels. De manière générale, les violences faites aux femmes en temps de conflits doivent être mieux adressées par tous les acteurs pertinents et les systèmes juridiques (droit local et international).
Vous avez présenté votre rapport lors du dernier Global Meeting du Women’s Forum à la Maison de la Chimie à Paris. Comment a-t-il été reçu ?
Nous avons effectivement présenté notre rapport lors de la session plénière du Global Meeting d'octobre 2024, qui s'est tenu à la Maison de la Chimie à Paris. Le public, en majorité issu du secteur privé, n’était pas nécessairement sensibilisé aux questions de sécurité des femmes en temps de conflit, ce qui représentait un véritable enjeu pour capter l’attention et l’intérêt de cette audience. Pour y parvenir, nous avons opté pour un discours impactant, qui a été très bien accueilli. Les retours ont été nombreux et positifs : plusieurs participants nous ont exprimé leur souhait de lire le rapport et d'approfondir leur compréhension de cette problématique.
Ce retour a confirmé que notre intervention avait non seulement transmis le message voulu, mais avait également suscité un intérêt accru pour les questions de sécurité féminine. De plus, la présence d'intervenantes afghanes a permis d’enrichir le débat en apportant un témoignage direct sur la situation des femmes dans les zones de conflit, offrant à l'audience une perspective plus large.
Que retenez-vous de ce travail ?
De ce travail, nous avons retenu l'importance capitale de sensibiliser et de porter à l'attention des acteurs économiques et politiques des problématiques souvent volontairement ou involontairement négligées, comme les violences faites aux femmes en temps de conflit. Ce dont nous ne parlons pas et que nous n’étudions pas risque de rester inchangé, voire de s’aggraver. Travailler sur ce rapport nous a permis, à notre échelle, de contribuer à la sensibilisation et à l’étude de ces violences. Chaque journée passée à rédiger ce rapport a renforcé notre prise de conscience de l'ampleur systémique de ces violences et de leur impact durable, non seulement sur les victimes, mais aussi sur les sociétés dans leur ensemble.
Ce projet nous a également enseigné l'importance de collaborer avec des partenaires issus de divers horizons pour faire avancer des causes qui nous concernent tous. Enfin, avoir travaillé avec une organisation influente comme le Women's Forum, nous a permis de donner une visibilité majeure à notre sujet. Cela a confirmé que des actions de plaidoyer efficaces, soutenues par des données solides et des témoignages, peuvent jouer leur rôle dans l’évolution des mentalités et des politiques publiques.
En savoir plus :
- Proposé par l’École d’affaires publiques et le Programme d’études sur le genre de Sciences Po, le Certificat Égalité femmes-hommes et politiques publiques forme aux politiques de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes et les discriminations.
- Le Women's Forum for the Economy and Society (EN) organise des rencontres internationales visant à renforcer la représentativité des femmes dans la société.