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14.06.2022
Les usages politiques de l’histoire en Russie et en Ukraine. Entre le droit et la géopolitique
À propos de cet événement
Le 14 juin 2022 de 09:00 à 13:00
Sciences Po - 27 rue Saint-Guillaume
Les usages politiques de l’histoire et de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale jouent un rôle majeur dans les discours de justification de l’invasion russe en Ukraine. Les déclarations de Vladimir Poutine en février 2022, dans lesquelles il exprime ses griefs contre l’Occident en termes essentiellement historiques et réécrit l’histoire de l’Ukraine selon son propre agenda politique, constituent un exemple frappant de la place prise par la politisation du passé, de même que la récurrence de l’accusation de génocide russe qui serait commis par les Ukrainiens et leur politique “nazie” d’hier et d’aujourd’hui. Cette politisation n’a pourtant pas commencé avec le conflit actuel puisque Poutine avait déjà produit en 2019 un récit alternatif de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, provoquant alors des réactions outrées de la part de chefs d’État (en Pologne et en Hongrie, notamment) et d’institutions (comme l’Institut Yad Vashem).
Les usages politiques de l’histoire ont donné lieu à de très nombreux travaux d’histoire et de philosophie, et plus largement de sciences sociales, en Allemagne depuis les années 1980 où la Geschichtspolitik, la politique de l’histoire, est devenue un outil de propagande majeur. Cette politique peut être définie comme un effort coordonné des institutions nationales pour établir un récit unique sur l’histoire du pays – l’objectif n’étant pas seulement de présenter le passé d’une manière spécifique mais aussi d’influencer l’avenir. Dans le contexte actuel, ces instrumentalisations de l’histoire visent non seulement à justifier en Russie l’usage externe de la violence, ainsi que la répression interne contre toute forme de protestation, mais aussi à mobiliser des catégories juridiques, comme la légitime défense ou le crime de génocide, afin de justifier au plan interne et international le recours à la guerre.
Cet atelier, proposé dans le cadre du groupe de recherche sur les Humanités juridiques, examinera les usages actuels de l’histoire et du droit en Russie à partir d’une approche comparative avec des pays d’Europe centrale et orientale, et multidisciplinaire.
Programme
9h00 – 9h15 – Introduction
- Julie Saada, professeure de philosophie à Sciences Po, École de droit, membre du groupe Humanités juridiques de Sciences Po
- Anna C. Zielinska, maîtresse de conférences en philosophie à l’Université de Lorraine, Archives Henri Poincaré, membre du groupe Humanités juridiques de Sciences Po
9h15 – 9h45 – La constitution des débats sur les usages politiques de l’histoire – le cas de la Seconde Guerre mondiale
- Julia Christ, chargée de recherches en philosophie au CNRS – LIER-FYT
- Tal Bruttmann, historien, chargé de mission pour la Commission d’enquête sur la spoliation des biens juifs de la ville de Grenoble
9h45 – 10h30 – Les usages politiques de l’histoire par la Russie dans ses relations avec l’Ukraine
- Sabine Dullin, professeure d’histoire à Sciences Po, Centre d’histoire de Sciences Po
- Marie Mendras, chercheuse en science politique au CNRS, professeure à Sciences Po, CERI
10h30 – 11h00 Discussion animée par Aude Merlin, professeure de science politique à l’Université libre de Bruxelles, CEVIPOL, & Paul Zawadzki, maître de conférences HDR en science politique à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, GSRL.
11h15 – 12h00 – Les usages politiques des catégories juridiques par la Russie
- Anne-Laure Chaumette, maîtresse de conférences HDR en droit public à l’Université Paris Nanterre, CEDIN.
- Yuliia Chystiakova, juriste, chercheuse en droits humains à l’East Ukrainian Center for Civic Initiatives, bénéficiaire d’une bourse du programme PAUSE.
- Roman Zinigrad, chercheur en droit au Center for Critical Democracy Studies à l’Université Américaine de Paris.
12h00-12h30 – Intervention exceptionnelle de Mykola Gnatovskyy, professeur de droit international, Université nationale Taras Chevtchenko de Kiev, juge à la Cour européenne des droits de l’homme élu au titre de l’Ukraine.
Discussion générale, clôture à 13h.