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30.05.2024

Loi sur la parité : 20 ans après, quel bilan à l’Assemblée nationale ?

La Constitution française prévoit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Qu’en est-il en 2024 ? Pendant plusieurs semaines, un groupe de cinq étudiantes du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques a travaillé avec l’Association des anciennes députées sur les effets de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. 

Elles ont produit un rapport, qu'elles ont présenté lors d'un évènement réunissant Marie-Françoise Clergeau, ancienne députée de Loire-Atlantique (1997-2017), Catherine Coutelle, Présidente de l'Association des Anciennes Députées, Réjane Sénac, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques et directrice du département de science politique de Sciences Po, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre des Droits des Femmes (2012-2014), de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (2014-2017), co-directrice du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques de Sciences Po, Marie-Jo Zimmermann, Ancienne députée de la Moselle (1998-2017) et rapporteure générale de l’Observatoire de la parité (2002-2009).

Retour sur cet évènement en images :

Pour conclure, les étudiantes et intervenantes rappellent l'importance de ne jamais relâcher les efforts pour la parité, et l'égalité femmes-hommes.

Introduction de Catherine Coutelle, présidente de l'association des anciennes députées.

Présentation du rapport par les étudiantes du Certificat : Mathilde Delpla, Alexine El-Chami, Inès Gayrard, Madeleine Lacour, et Léontine Vaz.

Réjane Sénac, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, revient sur la parité en politique.

Marie-Françoise Clergeau, Najat Vallaud-Belkacem, et Marie-Jo Zimmermann commentent le rapport sur la loi parité, au côté d'Inès Gayrard

Pour conclure, les étudiantes et intervenantes rappellent l'importance de ne jamais relâcher les efforts pour la parité, et l'égalité femmes-hommes.

Introduction de Catherine Coutelle, présidente de l'association des anciennes députées.

    4 questions sur ce projet 

    Alexine El-Chami, Inès Gayrard et Madeleine Lacour, étudiantes au sein du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques, reviennent sur leur travail sur la loi sur la parité de 2000 et l'expérience des femmes à l'Assemblée nationale.

    Pourriez-vous nous en dire plus sur la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 : quels étaient ses objectifs ?

    La parité correspond à une représentation strictement égale des femmes et des hommes au sein d’un corps social. L’objectif principal de la loi du 6 juin 2000 est d’intégrer cette question de l’égalité de genre en termes de représentation dans notre société et plus particulièrement, au cœur de la vie politique, au sein même de l’Assemblée nationale. Cette loi s’inscrit dans l’histoire politique des françaises qui, pour rappel, ne peuvent voter et être élues que depuis 1945.

    Cela dit, en 55 ans de participation supposée à la vie politique, la réalité reste la suivante : les femmes peinent à s'incorporer dans les fonctions électorales que ce soit pour des mandats d’élues locales ou pour d’autres fonctions électives. Or, la sous-représentation des femmes dans la vie politique et dans l’élaboration des lois ne peut refléter une société juste et égalitaire. Au-delà d’une équité politique, c’est le reflet même d’une société qui peine à reconnaître la juste place des femmes aux côtés des hommes, d’égal à égal, alors que ces dernières représentent la moitié de l’humanité.

    Ainsi, face à ce constat de déséquilibre politique non-représentatif de la réalité de la société française et encore moins des enjeux d’égalité des genres, une partie de la classe politique et des voix se sont élevées dans les années 2000 pour appeler à légiférer en terme de parité afin de restaurer davantage d’équité.

    En quoi consistait la mission qui vous a été confiée par l’Association des anciennes députées ?

    L’Association des anciennes députées est relativement récente : elle a été créée en 2017 par des femmes ayant connu ce tournant de l’avant/après loi parité. Elles sont ainsi les témoins directs d’une vie politique dominée par les hommes et dont les codes, us et coutumes, n’étaient pas en faveur d’une féminisation de nos institutions. 

    À l’occasion des vingt ans de la promulgation de la loi, ces anciennes députées et fondatrices de l'association nous ont proposé d’en réaliser une évaluation. Ce fut pour nous l’occasion de nous replonger dans l’histoire de la vie politique française et plus particulièrement dans l’histoire de la vie électorale des femmes afin de comprendre pourquoi l’élaboration d’une telle loi était plus que nécessaire à l’époque et quels en sont les enjeux actuels.

    Nous l’avons abordé sous la forme d’un rapport évaluant à la fois qualitativement et quantitativement la loi de parité du 6 juin 2000. Pour cela, nous avons contacté plusieurs dizaines de députées, en fonction actuellement ou non, et de tous bords politiques, afin de recueillir leur avis sur la féminisation de l’Assemblée depuis l’adoption de la loi parité. C’est au total quinze députées que nous avons pu rencontrer pour parler de parité, mais aussi des difficultés à être une femme en politique. Nos résultats sont exposés dans notre rapport, que nous présenterons le 12 juin à l’Assemblée nationale au cours d’une table ronde. 

    Quelles sont les conclusions clés du rapport que vous présentez à l’Assemblée nationale ?

    Notre rapport montre avant tout que malgré les obligations fixées par la loi du 6 juin 2000 et renforcées en 2007 et 2014, la parité n’est toujours pas atteinte à l’Assemblée nationale
    Sur le plan quantitatif, cela se traduit par une présence moindre de femmes élues députées par rapport aux hommes – elles ne représentent que 37,2% des élus depuis 2022 – mais aussi par un accès plus difficile aux postes de responsabilités. En effet, seule une femme est parvenue au prestigieux poste de Présidente de l’Assemblée nationale et la parité est rarement atteinte aux postes de vice-président de l’Assemblée, ainsi que parmi les questeurs et les présidents de commission.

    La loi du 6 juin 2000 a toutefois fortement accéléré l’entrée des femmes à l’Assemblée et a permis de normaliser leur présence parmi les parlementaires. D’un point de vue qualitatif, les députées ont témoigné de parcours assez différents en fonction de leur profil (génération, parti politique, place au sein de l’Assemblée, etc.), certaines ont indiqué n’avoir jamais subi de sexisme au cours de leur carrière, tandis que d’autres insistaient sur le caractère omniprésent d’un traitement différencié en fonction du sexe. Les parlementaires interviewées s’accordent toutefois pour dire qu’une forme de sexisme persiste au sein du palais Bourbon, et que seul un travail acharné leur permet d’y faire face et d'asseoir leur légitimité en tant que députée. Depuis 2017 et l’entrée massive d’une génération de députés plus jeunes à l’Assemblée nationale, les discours changent sur la place des députées femmes et l’hémicycle s’est progressivement adapté aux besoins de ses membres, en particulier face à la demande croissante de prise en charge des enfants pour les jeunes parents – notamment les mères.

    Finalement, nous avons constaté que la loi du 6 juin 2000 a engendré de nombreux progrès en matière d’égalité femmes-hommes à l’Assemblée nationale, même s’il reste encore beaucoup à faire. En particulier, lorsque la loi n’est pas contraignante, les avancées sont très fragiles et aléatoires, étant soumis à la seule volonté des partis politiques qui décident d’appliquer ou non la parité sur les postes de responsabilité de l’hémicycle. Cela peut ainsi entraîner un recul de la représentation des femmes à l’Assemblée, notamment sur les positions les plus convoitées, ce qui a par exemple eu lieu en 2022 par rapport aux élections de 2017.

    Face à ces constats, notre rapport propose diverses réponses et recommandations pour améliorer la place des femmes au sein de l’hémicycle, en passant notamment par la formation des jeunes élues, l’inscription de la parité au sein du règlement de l’Assemblée – pour féminiser les présidences de commission par exemple –, mais aussi certains changements dans les fonctions des députés en tant que telles – notamment sur la délégation de vote pour une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle.

    En quoi ce projet a-t-il résonné avec les cours du Certificat égalité et votre cursus à Sciences Po ? 

    La place des femmes en politique constitue un sujet central du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques de Sciences Po. Nous avons abordé cette thématique grâce aux interventions de nombreuses chercheuses et chercheurs établissant l’état des lieux de l’entrée des femmes en politique, mais aussi à travers la perspective de femmes politiques elles-mêmes qui venaient témoigner de leur expérience dans le cadre de nos cours. La question de la parité était donc constamment présente en arrière-plan. Ce projet se plaçait donc dans la continuité des enseignements du Certificat, tout en les complétant parfaitement. Les femmes politiques étant intervenues au cours de l’année avaient principalement exercé dans le cadre de ministères ou des collectivités territoriales. En s’intéressant plus en détail à la situation des députées et en discutant directement avec elles de leurs conditions de travail, nous avons relevé des divergences et similitudes entre les expériences de ces diverses femmes politiques, qui agissent toutefois à différentes échelles.

    Par ailleurs, le projet comportait une partie quantitative, au sein de laquelle nous nous sommes penchées sur l’évolution numérique des élues à l’Assemblée nationale en fonction de différents critères. Pour nous appuyer dans notre travail, nous avons bénéficié de l’aide de spécialistes du traitement et de l’analyse de données politiques du Medialab, qui nous ont été d’un grand soutien pour s’assurer de la fiabilité de nos conclusions quantitatives.

    Légende de l'image de couverture : Conclusion d'une conférence sur la parité en politique en France. (crédits : Sciences Po)

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