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19.04.2021
S’initier à la recherche en sciences sociales
Depuis la rentrée universitaire 2020-2021, le Collège universitaire de Sciences Po donne la possibilité à ses étudiantes et étudiants de vivre une expérience de recherche au sein de Sciences Po. Aymeric, Emma, Sarah, et Xavier, élèves en troisième année, ont participé à un stage d’initiation à la recherche avec Réjane Sénac, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po. Interview.
Pourquoi avez-vous voulu participer à un stage d’initiation à la recherche ?
Sarah : En fait cette année nous devions partir en échange universitaire à l’étranger, mais avec la crise sanitaire, nos échanges ont été annulés. Donc je pense qu’on a tous choisi de faire ce stage d’initiation à la recherche parce qu’on cherchait quelque chose de nouveau, qui pourrait nous apporter autant.
Emma : Et ces stages nous permettent de découvrir les coulisses de la recherche : nos professeurs sont souvent chercheurs, mais ils ne nous parlent pas forcément de leurs activités. En dehors des cours on ne sait pas vraiment ce qu’ils font. Être entourée de chercheurs avait attisé ma curiosité sur le milieu de la recherche et même si je ne m’étais jamais dit que j'aimerais travailler dans ce domaine, j’ai postulé.
Aymeric : Moi c’est plutôt l’inverse : j’ai choisi ce stage parce que je sais que je veux faire de la recherche en théorie politique et en études sur le genre. Je connaissais déjà Réjane Sénac parce qu’elle dirige le séminaire Genre et recherche à l’École de la recherche. Ce stage a vraiment structuré notre semestre, c’était un bon complément aux cours à distance sur Zoom.
Xavier : Comme tout le monde, mon échange a été annulé. Suite à cette annulation nous avons reçu un email de la responsable pédagogique de mon campus, situé à Nancy, qui nous conseillait de participer à ces stages. En fait j’étais intéressé par le monde de la recherche mais je voulais vraiment voir ce que ça promettait ensuite en terme de carrières, c’était donc l’occasion d’en savoir plus et aussi de pouvoir étudier des sujets que l’on a pas l’habitude d’aborder à Sciences Po. Elsa Grimberg, ma responsable pédagogique nous avait aussi dit que ces stages seraient une expérience humaine et ça l’a beaucoup été avec Réjane Sénac, c’était vraiment un moment de rencontre privilégié.
Comment s’est passé votre stage, quelles étaient vos missions ?
Aymeric : Le stage d’initiation à la recherche a eu lieu entre septembre et décembre 2020, ensuite on a poursuivi notre travail au mois de janvier, sous forme de vacations. On a principalement fait de la retranscription, et aussi de l’analyse d’entretiens.
Sarah : En fait Réjane Sénac est en train d’écrire un livre, elle a fait plein d’entretiens avec des responsables d’associations, des personnes militantes qu’elle a structuré par catégories de mobilisation. Nous avons retranscrit thématiquement certains. Moi par exemple, j'ai travaillé sur les activistes pour l'environnement.
Avez-vous beaucoup travaillé sur les questions de genre ?
Aymeric : Pas toujours directement. Réjane Sénac a une approche globale et les personnes qu’elle a interrogées ne parlaient jamais que d’un aspect du militantisme, d’autant plus parce que les questions portaient sur les enjeux de convergence des luttes. Cela nous a permis d’avoir un panorama un peu plus complet et de comprendre de manière plus générale comment le genre se joue dans le militantisme.
Emma : Oui, moi par exemple j’ai travaillé sur l’antiracisme; mais certains entretiens parlaient aussi du féminisme. C’était intéressant parce que j’ai pu mieux comprendre comment toutes les notions que j’avais vues en cours, comme l’intersectionnalité par exemple, pouvaient s’appliquer dans le domaine de l’associatif et du militantisme.
Xavier : Je crois que c’est moi qui ai le plus travaillé sur le genre via la retranscription thématique d’entretiens de féministes. C’est lors d’un cours de sociologie du genre, un cours fondamental de ma majeure Économies et sociétés de deuxième année, que je me suis découvert un intérêt pour cette discipline. J’avais déjà un intérêt militant pour les questions de genre, je faisais partie de l’association féministe du campus de Nancy, mais je voulais vraiment approfondir les aspects recherche et c’est ce que ce stage m’a permis de faire.
Allez-vous publier les résultats de vos recherches ?
Xavier : À la fin du stage d’initiation à la recherche on devait rendre un rapport de stage, et en en discutant, on s’est aperçus que le thème de la jeunesse dans le militantisme ressortait dans presque tous nos entretiens. Donc on a voulu creuser un peu plus… on est en train de continuer nos recherches et on espère écrire un papier à partir des entretiens de Réjane Sénac sur la représentation des jeunes dans les mouvements militants.
Emma : Ce sujet de la jeunesse nous a aussi intéressés parce qu’il n’était pas mentionné clairement dans la grille d’entretien, mais pourtant à chaque fois qu’il était mentionné on en prenait note parce que ça nous semblait important. Et à la fin, on avait amassé plein de citations.
Qu’avez-vous appris sur la façon dont sont perçus les jeunes dans les mouvements militants ?
Sarah : Je pense que la conclusion de notre article, dans les grandes lignes, sera que la jeunesse est vue très différemment. On en est encore à la première phase d'écriture, mais ce qui nous a le plus interpellés c’est qu’il y a deux visions extrêmes qui s’opposent, alors que la jeunesse est plurielle.
Emma : Oui, par exemple on a trouvé une vision paradoxale de l’engagement des jeunes : dans certains entretiens certains militants vont trouver super que les jeunes soient très intersectionnels grâce aux réseaux sociaux, mais d’un autre côté ils vont déplorer le fait qu’ils ne sachent pas s’organiser en dehors des réseaux, en association par exemple.
Xavier : Je pense que cette réflexion est aussi un moyen de questionner la jeunesse et de mettre en relation les discours des plus anciennes et des plus jeunes générations de militants. Dans mes entretiens avec des militantes féministes, la question de la dépolitisation des luttes se posait : les plus âgées craignent que les luttes soient dépolitisées, alors que les plus jeunes prônent un militantisme plus fluide, c’est intéressant.
Aymeric : Et juste pour rebondir sur ce que disait Sarah, l’une des grandes idées pour l ’instant, c’est qu’il existe un binarisme avec d’un côté une version idéalisée voire utopique de la jeunesse, et d’un autre une vision complètement catastrophée. Et ces représentations caricaturales de la jeunesse, elles ont des enjeux politiques. Je trouve ça intéressant que tout se cristallise autour de la jeunesse, avec l’idée qu’il y a une urgence climatique, une urgence sociale, ... on reporte tout sur la jeunesse mais ces jeux de représentations font perdre toute intelligibilité au débat.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Sarah : Moi je poursuis ma troisième année à la London School of Economics à distance, comme l’Angleterre est encore confinée je suis mes cours depuis la France. Ensuite je compte poursuivre en Master à l’étranger. J’ai beaucoup appris de ce stage de recherche, c’était une très belle expérience, mais je pense poursuivre dans le domaine des affaires publiques.
Emma : De mon côté, je me suis expatriée à Madrid pour suivre mes cours à distance. Je ne me sens pas encore prête à partir en Master, donc je ferai une année de césure l’année prochaine. Ça va me permettre de continuer à réfléchir sur la suite de mon parcours parce que j’ai vraiment beaucoup aimé cette expérience de recherche.
Aymeric : Moi je poursuivrai en Master théorie politique à l’École de la recherche de Sciences Po, et ensuite je vise un contrat doctoral. Ce stage m’a permis de découvrir une approche de terrain qui fait écho à la théorie, j’ai trouvé ça vraiment très intéressant !
Xavier : Pour ma part, je suis resté à La Réunion et je m’apprête à commencer mon semestre à l’université allemande de Heidelberg. Et je poursuivrai en Master communication, médias et industries créatives à l’École du management et de l’innovation de Sciences Po à la rentrée prochaine.