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18.04.2024
Les femmes dans la technologie en un coup d'œil : Start-ups et entrepreneuriat
Rédigé par Katarina Milanovic, assistante de recherche pour la Chaire « Women in Business »
Malgré les efforts internationaux visant à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, les femmes continuent à être confrontées à des défis importants dans l'industrie des nouvelles technologies. Ces dernières années, de nombreux rapports et études ont mis en lumière les disparités flagrantes et persistantes entre les hommes et les femmes dans le paysage de l'entrepreneuriat et des start-ups technologiques. Ces disparités sont évidentes à divers égards, notamment en ce qui concerne le pourcentage de femmes occupant des postes dans le secteur des nouvelles technologies, les rôles de direction et la création d'entreprises.
L'une des statistiques les plus préoccupantes est que les femmes ne représentent que 25 % de l'ensemble des postes dans ce secteur, comme l'indiquent Forbes et le National Center for Women and Information Technology (Centre national pour les femmes et les technologies de l'information). Un autre rapport de McKinsey prévoit un déclin des femmes dans ce secteur en Europe à 21% d'ici 2027, soulignant que si la représentation des femmes dans les entreprises de nouvelles technologies atteint la parité, la part des femmes dans des rôles à haute composante technologiques est beaucoup plus faible. En outre, cette part est la plus faible dans les domaines technologiques qui connaissent la croissance la plus rapide, tels que DevOps et le cloud.
L'écart entre les hommes et les femmes est encore plus marqué au niveau des dirigeants et des cadres. Le réseau WomenTech Network explique que le nombre de candidatures de femmes pour les emplois dans ce secteur est le plus élevé pour les postes de débutants, qu'il diminue pour les postes de niveau intermédiaire et qu'il est encore plus bas pour les postes de haut niveau. Dans un rapport datant de 2021 et portant sur 780 participants en France, EY et French Digitale ont constaté que les femmes ne représentaient que 12 % des fondateurs de start-ups numériques et n'occupaient que 11 % des postes de PDG. Un autre rapport du Boston Consulting Group et de SISTA a révélé qu'en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Suède, seulement 10 % des start-ups créées en 2022 l'ont été par des équipes exclusivement féminines, et 12 % par des équipes mixtes.
Facteurs contribuant aux disparités
Plusieurs facteurs interdépendants contribuent à ces disparités et créent souvent un cycle qui se renforce lui-même :
1. L'obtention d'un diplôme dans les domaines des STIM : L'écart généralisé entre les sexes dans les STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) contribue largement aux disparités entre les sexes au sein des start-ups technologiques et de l'entrepreneuriat, car c'est dans ces domaines que les individus acquièrent le mieux les compétences nécessaires pour réussir dans le monde de l'entrepreneuriat de l’innovation (OCDE, 2018). Bien que les filles et les garçons aient des intérêts et des aptitudes similaires dans les cours reliés aux STIM du primaire et du secondaire, McKinsey fait état d'une baisse de 18 % du nombre de jeunes femmes poursuivant des études universitaires dans le domaine des STIM, et d'une baisse de 31 % dans les disciplines des TIC en particulier (sciences de l'information, informatique et technologie - un sous-ensemble de domaines STIM particulièrement axés sur les rôles à haute composante technologiques) pour les pays de l'UE-27 pour les années 2019 à 2022. Cette baisse est attribuée à une différence dans l'encouragement et le soutien des filles qui s'intéressent aux STIM, ainsi qu'à la socialisation et aux stéréotypes traditionnels liés au genre, qui affectent la confiance en soi des filles et des jeunes femmes et leurs décisions concernant la poursuite d'une formation en STIM.
La deuxième chute identifiée par McKinsey intervient lors de la transition de l'université vers le monde du travail. Le cabinet de conseil constate que seuls 23 % des diplômées en STIM se dirigent vers des postes technologiques, contre 44 % pour les hommes. Cette disparité est aggravée par le taux de rétention bien documenté dans l'industrie technologique. Plus de la moitié des femmes travaillant dans le domaine de la technologie quittent l'industrie à mi-carrière, un taux plus de deux fois supérieur à celui des hommes. Cette fuite dans la trajectoire professionnelle des femmes de l'industrie technologique se traduit par un nombre réduit de femmes accédant à des postes de direction.
2. Obtention de financements : Lever des fonds est considéré comme le problème le plus important en entrepreneuriat. Or, les start-ups dirigées par des femmes sont confrontées à des défis importants pour lever des capitaux. Le rapport de l'OCDE « Bridging the Digital Gender Divide » indique que seuls 11 % des start-ups innovantes à la recherche d'investissements en capital-risque ont des fondatrices. Dans un échantillon de 25 000 start-ups opérant dans un large éventail de pays et de secteurs, Breschi, Lassebie et Menon, en 2018, présentent des statistiques descriptives sur les start-ups innovantes et les investissements en capital-risque associés. Leur analyse montre que les start-ups ayant au moins une fondatrice sont significativement moins susceptibles d'obtenir un financement par rapport aux start-ups dirigées par des hommes. Dans le cas où elles étaient financées, les start-ups recevaient en moyenne 23 % de moins de financement que leurs homologues dirigées par des hommes, même après avoir contrôlé pour la localisation, la nature de la start-up, le niveau d'éducation et le parcours professionnel des fondateurs de la start-up.
En conséquence, comme l'explique le rapport de la Banque mondiale sur « Leveraging ICT Technologies in Closing the Gender Gap », les femmes entrepreneures s'appuient beaucoup plus sur un financement interne ou informel, y compris les économies personnelles, et font face à des taux d'intérêt plus élevés que les hommes entrepreneurs. La discrimination des bailleurs de fonds et le faible niveau de culture financière des femmes sont deux explications possibles de cet écart entre les sexes (Sicat, 2020). Enfin, Breschi, Lassebie et Menon, 2018, rapportent que les start-ups dirigées par des femmes sont également 30 % moins susceptibles de connaître une « sortie positive », ce qui renvoie à leur acquisition ou à leur introduction en bourse.
Les opportunités de formation de réseaux et l'accès aux réseaux sociaux sont considérés comme un facteur contribuant aux différences entre les sexes en matière d'entrepreneuriat et de financement par capital-risque (OCDE, 2018). Ce rapport de l'OCDE suggère que « l'homophilie » peut jouer un rôle dans les décisions de financement, les investisseurs, qui sont disproportionnellement des hommes, ayant tendance à favoriser le financement d'autres hommes, ce qui place les start-ups dirigées par des femmes dans une situation défavorable pour obtenir des investissements. Des rapports récents ont montré que les start-ups dirigées par des femmes sont peut-être plus susceptibles de recevoir des financements de femmes investisseurs également, mais que ces investissements sont perçus comme un traitement préférentiel en raison du genre, comme l'explique le WomenTech Network. Cette association négative découlant de l'obtention de fonds initiaux d'une femme investisseur peut nuire aux chances des start-ups dirigées par des femmes d'obtenir un financement ailleurs à l'avenir. Les défis persistants d'accès au financement entravent non seulement l'entrée initiale des femmes, mais également leur capacité à se maintenir et à prospérer dans le paysage des start-ups de nouvelles technologies et de l'entrepreneuriat.
3. Culture et environnement de travail : Les défis de rétention auxquels sont confrontées les femmes dans l'industrie technologique, y compris les start-ups et l'entrepreneuriat, sont de plus en plus attribués à des environnements de travail peu favorables. Les dernières informations de Forbes et de McKinsey mettent en avant un faible soutien de la direction, des opportunités limitées et un manque d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée comme des facteurs principaux contribuant à cette tendance. McKinsey met en outre en lumière l'isolement vécu par les femmes au sein des espaces dominés par les hommes. Ce sentiment d'isolement est exacerbé par l'existence d'une culture omniprésente de « boys club » et de situations de misogynie au sein de l'industrie des start-ups de nouvelles technologies. Les nombreux reportages mettant en lumière des cas de sexisme, allant de blagues sexistes et de misogynie occasionnelle à des menaces de violence, et des poursuites pour harcèlement sexuel dans la Silicon Valley, l'un des centres mondiaux les plus prolifiques de l'innovation, en sont un exemple.
Les femmes rencontrent fréquemment des micro-agressions telles que le fait d'être interrompues lors de réunions ou stéréotypées, comme le révèle une enquête sur l'expérience des femmes dans la main-d'œuvre de ce secteur mené par le WomenTech Network. Ces environnements hostiles peuvent non seulement dissuader les femmes de rester à leur postes, mais pourraient également être un facteur contribuant à les pousser hors de l'industrie. Les cadres féminines sont notamment 1,5 fois plus susceptibles de changer d'emploi à la recherche de lieux de travail dédiés à la diversité, à l'équité et à l'inclusion, selon le WomenTech Network.
L'importance de traiter les disparités entre les sexes
Les disparités entre les sexes dans l'entrepreneuriat technologique et les start-ups sont un problème persistant avec des conséquences importantes. Remédier à ces disparités est non seulement une question d'équité, mais aussi d'efficacité selon plusieurs cabinets de conseil. Les efforts visant à réduire ces disparités entre les sexes sont essentiels pour diverses raisons :
1. Impact économique : « Joining Forces for Gender Equality », publié par l'OCDE, souligne que l'écart de genre persistant dans l'entrepreneuriat entrave l'économie, en raison des opportunités perdues en termes de création d'emplois, d'innovation et de croissance. La réduction de l'écart de talents entre les sexes dans le secteur technologique pourrait entraîner une augmentation substantielle du PIB, comme le suggère McKinsey. En utilisant les données de 2022 sur les contributions technologiques de l'OCDE, le cabinet de conseil estime qu'un doublement de la part des femmes dans la main-d'œuvre technologique d'ici 2027 pourrait entraîner une augmentation du PIB de 260 à 600 milliards d'euros.
2. Amélioration de la performance des entreprises : Les entreprises qui adoptent la diversité et l'inclusion tendent à être plus performantes et rentables, selon Deloitte et McKinsey. Forbes explique que la nature des prises de décision s'améliore avec la diversité en termes de genre, d'ethnicité et de race, élargissant ainsi son champ d'application et remettant en question les décisions passées basées sur le statu quo.
3. Autonomisation des femmes entrepreneures : Même une légère augmentation de la représentation des femmes dans les partenariats des firmes de capital-risque pourrait améliorer le marché du capital-risque pour les start-ups dirigées par des femmes. L'OCDE rapporte que les firmes de capital-risque ayant une partner féminine sont plus de deux fois plus susceptibles d'investir dans une entreprise ayant une femme dans l'équipe de direction et trois fois plus susceptibles d'investir dans des PDG femmes (OCDE, 2018). Le WomenTech Network explique que les entreprises avec une représentation diversifiée sont plus susceptibles d'adopter les meilleures pratiques. Une augmentation du nombre de femmes dans le paysage des start-ups de nouvelles technologies et de l'entrepreneuriat générerait un cercle vertueux en créant une industrie plus accessible et durable, représentative de la société.
Les efforts continus visant à promouvoir l'égalité des sexes dans l'industrie des nouvelles technologies, en particulier chez les entrepreneures et au sein des start-ups, sont cruciaux pour créer une industrie plus inclusive et prospère, ainsi que pour contribuer à un avenir plus diversifié et innovant.
Références
Breschi, S., J. Lassébie and C. Menon (2018), "A portrait of innovative start-ups across countries", OECD Science, Technology and Industry Working Papers, No. 2018/02, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/f9ff02f4-en.
Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD). (2018). Bridging the digital gender divide: Include, upskill, innovate. OECD.
Sicat, M., Xu, A., Mehetaj, E., Ferrantino, M., & Chemutai, V. (2020). Leveraging ICT technologies in closing the gender gap. World Bank, https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/33165.