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11.12.2023
COP 28 : promesses tièdes ou progrès concrets ?
La 28e Conférence des parties (COP 28) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tient à Dubaï (Émirats arabes unis) du 30 novembre au 12 décembre.
Sciences Po proposera les éclairages de ses chercheurs tout au long de l'événement : Charlotte Halpern de l'Institut pour les transformations environnementales, du Centre d'études européennes et de politique comparée (CEE) et du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP), Richard Balme et Théodore Tallent du CEE, Carola Klöck du Centre de recherches internationales (CERI), Valeria de los Casares de l'École des affaires internationales (PSIA) et de la Chaire européenne développement durable & transition climatique, Lola Vallejo, Sébastien Treyer et Céline Kauffmann de l'Iddri (un think tank qui facilite la transition vers le développement durable)...
Découvrez dès maintenant l'article de Céline Kauffmann, directrice des programmes de l'Iddri.
La COP 28 de Dubaï, bientôt terminée, est inhabituelle : dès les premiers jours, un sujet qu’on imaginait parmi les plus tendus a donné lieu à un accord et des engagements. Mais la question devenue centrale de la possible sortie des énergies fossiles, qui cristallise et polarise positions et postures, est encore au cœur de la négociation qui se poursuit aux Émirats Arabes Unis, et est supposée aboutir mardi 12 décembre. L’Iddri - partenaire de Sciences Po - vous propose ce passage en revue des sujets les plus importants, et / ou sur lesquels il travaille particulièrement.
Le langage de ce billet est parfois un mélange de français et d’anglais : ceci n’est pas la marque d’une quelconque négligence à l’égard de la langue française, mais une façon d’aider le lecteur à s’approprier un peu mieux ce processus onusien d’une densité et d’une ampleur unique, en comprenant des éléments clé de son vocabulaire particulier.
Ce qui a progressé
Dès le premier jour, un accord a été trouvé quant à l’hébergement du fonds Pertes et dommages (Loss and Damage, L&D) : signe de l’habileté de la préparation de la COP, et qui montre aussi que les pays préféraient avoir cet accord-là plutôt que de risquer de ne rien obtenir en cherchant un marchandage au résultat incertain (par exemple, pour demander davantage de redevabilité en termes d’abondement du fonds par les pays du Nord Global).
Le compromis trouvé octroie l’hébergement du fonds à la Banque mondiale, ce qui n’était pas la préférence des pays du Sud en raison d’une gouvernance dominée par les pays du Nord, du rôle important des prêts dans ses instruments de financement, et de règles et procédures perçues comme trop lentes pour l’enjeu des Pertes et dommages. Le fonds sera donc hébergé par la Banque mondiale de manière temporaire, et avec une gouvernance ad hoc, où la majorité des sièges de direction reviendra aux pays en développement.
Les pays du Nord auraient voulu que les financements de ce fonds aillent seulement, ou en tous cas de manière prioritaire, aux pays les plus vulnérables, un point d’attention que le compromis reconnaît en partie, mais c’est le conseil d’administration qui en décidera. L’instrument de gouvernance du fonds ouvre aussi la porte à ce que le fonds puisse être abondé par de multiples sources de financement (par exemple les philanthropies, ou le revenu d’éventuelles taxes internationales, pour laquelle une taskforce a été annoncée) ou par d’autres pays contributeurs, ce qui reste possible. Les pays du Sud regrettent que les pays du Nord soient seulement “exhortés” et non obligés à contribuer.
Les premiers jours ont également été marqués par un festival de déclarations, initiatives et promesses de financement pendant la présence des chefs d'État (vendredi 1er et samedi 2 décembre) et le Finance Day.
Elles présentent souvent un certain intérêt. Par exemple, la Déclaration sur Sustainable agriculture, Resilient food systems and Climate action engage les pays signataires à préciser leur ambition de transformation des systèmes alimentaires dans leur Contribution déterminée au niveau national (NDC en anglais) pour 2025, en tenant compte des objectifs climat mais aussi biodiversité.
À ce sujet, l’Iddri propose une lecture approfondie dans ce billet de blog, qui tire des fils croisés de la COP15 sur la biodiversité (décembre 2022) à cette COP climat de Dubaï, invitant la communauté climat à réellement prendre à bras le corps et intégrer la problématique de la protection de la biodiversité et donc de l’usage des terres et de la protection des forêts. Ce seront d’ailleurs des enjeux centraux dans deux ans à la COP 30 au Brésil.
La COP a aussi été l'occasion de la première Ministérielle santé et de la première Déclaration sur la santé et le climat de son histoire, reconnaissant l’importance des impacts du climat sur la santé. Cette reconnaissance a été assortie d’engagements financiers de l’ordre d’un milliard de dollars en provenance de pays, de banques de développements, de philanthropies et d’ONG.
Il est difficile de tirer un bilan générique de la multitude d’initiatives et d’annonces de ce début de COP ou même de voir pour chacune d'entre elles ce qu'elle va produire en particulier, même si elles continuent de montrer, comme à Glasgow il y a deux ans, l'engagement de gouvernements et d'acteurs privés et collectivités sur une variété de sujets concrets.
Les promesses financières pour le nouveau fonds L&D se sont étalées dans le temps et arrivent à un montant non négligeable (plusieurs centaines de millions de dollars), permettant de considérer le fonds dorénavant établi. Le Fonds vert pour le climat (GCF) a reçu une promesse de financement des États-Unis (3 milliards de dollars), qu'on n'attendait plus, et qui permet d'avoir une reconstitution très significative (meilleure que la précédente : 12 milliards de dollars contre 10 milliards), ce qui envoie des signaux positifs, même s'il reste de la défiance sur la traduction des promesses en réalité et la capacité de cette promesse à passer les fourches caudines du Congrès.
Dans une année marquée par l’ouverture franche du débat sur la nécessité de réformer les institutions financières internationales, la question plus générique de la coordination internationale des efforts de financement de la transition dans les pays du Sud a aussi progressé pendant ces premières journées, mais sans que ce soit absolument décisif et dans une atmosphère qui se tend. Un nouveau rapport Bhattacharya Stern Songwe sur la finance climat (après celui de l'an dernier qui soulignait des besoins de transferts financiers du Nord vers le Sud de l’ordre de 1000 milliards de dollars par an, largement au-delà des 100 milliards par an promis sur la période 2020-2025) met notamment un accent bienvenu sur des country platforms et sur la nécessité de nouvelles sources financières, notamment de nouvelles taxes sur l'aviation ou le transport maritime, inspirées par les travaux de l'Iddri.
Les négociations se concentrent avant tout sur la décision issue du Bilan mondial (Global Stocktake ou GST). Ce document est l’une des étapes prévues par l’Accord de Paris, qui est un accord dynamique en ce qu’il prévoit des marches de progression dans le temps. Ce Bilan mondial, 8 ans après Paris, ne se borne pas à regarder en arrière, mais préconise des mesures à prendre pour la suite. La partie “technique” de ce Bilan, présenté en septembre, met sur la table la question de la sortie des énergies fossiles. Pour la première fois, ce sont les “techniciens” des gouvernements qui le disent, et plus seulement le GIEC ou la communauté scientifique. Mais il reste à le faire endosser politiquement par les ministres cette semaine à la COP. C’est pourquoi ce texte est le plus important et conflictuel, évidemment sur la mention de la sortie des fossiles, mais pas seulement.
Un nouveau draft de texte a été proposé ce lundi après-midi, mais il envoie des signaux contradictoires. Il s’agit d’une longue liste d’options proposées aux États, et charge à eux de s’engager dans celles qui résonnent avec leur contexte. La notion de la réduction de la consommation et de la production d’énergie fossile apparaît dans le texte, ce qui est une avancée, mais avec des qualificateurs (« unabated », nombreuses mentions de technologies de capture de carbone) qui en réduisent la portée normative. Néanmoins, quel que soit le résultat final de cette COP, la fébrilité des pays producteurs de pétrole, révélée par la presse, montre qu’ils mesurent l’importance de ce qui s’est passé tout au long de cette COP, et le poids de la pression politique.
Ce que l’Iddri suit, éclaire, analyse et propose par ailleurs
Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri, est également depuis un an co-facilitatrice, avec l’égyptien Amr Osama Abdel-Aziz, d’un groupe de travail sur l’atténuation, mandaté par la CCNUCC (Sharm el-Sheikh Mitigation Ambition and Implementation Work Programme, dit plus simplement Mitigation Work Programme). Dans ce cadre, tous deux ont présenté leurs travaux le 9 décembre à la COP 28, aux côtés d’autres co-facilitateurs ayant travaillé toute cette année, pour leur part, sur la phase technique du Bilan mondial. Ces travaux sont présentés en introduction d’une table ronde ministérielle de haut niveau, en présence notamment du Président de la COP 28 Sultan Al Jaber et du Secrétaire exécutif de la CCNUCC, Simon Stiell.
Alors que plusieurs pays lancent un appel à trouver un langage fort, dans le Bilan mondial, sur l’amélioration de la coopération internationale, dont l’Accord de Paris dit que ce doit être l’un des deux sujets clé du Bilan mondial, l’Iddri vient en soutien de cette position.
Une équipe de l’Iddri, l’équipe Deep Decarbonization Pathways (DPP), qui travaille avec un réseau de partenaires dans plusieurs pays émergents où les enjeux de décarbonation croisent la question cruciale du développement et d’une transition juste, émet en cours de COP un bilan et des enseignements issus de l’étude des Partenariats de transition énergétique juste (JETPs).
L’Iddri suit les discussions sur la définition et l’adoption d’un objectif mondial en matière d'adaptation. Pour mesurer les progrès de l’adaptation à l’échelle mondiale, l'Iddri propose une méthode basée sur le jugement d'experts et informée par une série de questions clés associées à un système de notation, tout en permettant de refléter les circonstances locales et nationales.