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Discriminations fondées notamment sur l’origine dans l’accès aux biens et services sur plusieurs plateformes collaboratives
Ce projet est mené dans le cadre d’un partenariat avec le Défenseur des droits, services du premier ministre.
Porteur du projet :
Morgane LAOUENAN (Université Paris 1, CNRS, LIEPP)
Équipe de recherche :
- Guillaume Chapelle (CY Cergy Paris Université, LIEPP)
- Pierre Deschamps (SOFI, Université de Stockholm, LIEPP)
- Dylan Glover (INSEAD, LIEPP)
- Xavier Lambin (ESSEC)
Descriptif du projet :
Cette étude vise à décrire le phénomène de la discrimination sur les plateformes en ligne en France, et à proposer une méthodologie permettant de dépasser la simple analyse descriptive, afin de mieux comprendre les mécanismes d’une éventuelle discrimination.
Pour mener à bien cette évaluation des discriminations fondées sur l’origine dans l’accès aux biens et services, nous avons choisi de nous focaliser sur deux plateformes collaboratives françaises de premier plan : une plateforme de covoiturage qui permet de connecter des conducteurs ayant des places libres dans leurs voitures et des passagers (plateforme A) et une plateforme permettant aux utilisateurs de vendre et d’acheter plusieurs types de biens (plateforme B).
- A l’inverse d’Airbnb, peu d’études ont évalué la discrimination sur ces deux plateformes
- Il peut être intéressant d’évaluer la discrimination des deux côtés du marché. Ainsi, ces deux plateformes nous permettent de regarder à la fois le comportement des conducteurs/vendeurs et des passagers/acheteurs.
- Les caractéristiques de ces deux plateformes nous permettent d’identifier certains mécanismes nouveaux (discrimination selon sécurisation du paiement/interaction pour la plateforme B et discrimination selon réputation pour la plateforme A)
- Le gros volume de transactions permet d’étudier plusieurs mécanismes sous-jacents de la discrimination (selon le niveau de sécurisation, de l’interaction, de la concurrence)
Les résultats préliminaires de notre étude peuvent être résumés comme suit. Tout d’abord, concernant la plateforme A, l’analyse des données du scraping suggère que les conducteurs d’origine maghrébine et africaine perçoivent des revenus plus faibles pour des trajets semblables. Ce résultat n’est pas confirmé par le testing, où nous ne trouvons pas de différence détectable entre conducteurs d’origine différente, mais un avantage pour les femmes qui ont une probabilité plus élevée de recevoir une réservation sur leurs trajets. Pouvons nous donc conclure qu’il n’y a pas de discrimination contre les conducteurs d’origine maghrébine ou africaine sur la plateforme A ? Les résultats de l’expérimentation sont peu précis et ne permettent pas de rejeter une discrimination contre ces conducteurs de la même ampleur que celle observée lors du scraping. Cette imprécision des résultats peut-être liée à une plus grande variabilité de la demande, liée au COVID, et les problèmes de mise en place de l’expérimentation. Les résultats de l’expérimentation en ce point précis ne permettent donc pas d’infirmer ou de confirmer les résultats du scraping.
Le deuxième volet de l’expérimentation sur la plateforme A s'interroge sur les comportements des conducteurs. Les conducteurs sur cette plateforme répondent-ils plus souvent aux demandes de précision venant de femmes ou de passagers d’origine européenne ? Le genre semble particulièrement saillant : les conductrices répondent moins souvent aux demandes de précision, et les passagères reçoivent plus souvent des réponses à leurs questions. L’origine des passagers fictifs en revanche ne semble pas avoir d’effet sur le taux de réponse.
Les résultats de l’étude sur la plateforme B semblent plus surprenants. L’analyse des données récoltées montre que la durée de vie des annonces des personnes ayant un prénom d’origine africaine ou maghrébine est plus élevée. Ceci peut laisser supposer l’existence de comportements défavorables envers les membres de ce groupe. Cependant, les résultats de l’expérimentation par testing révèlent que les minorités reçoivent un nombre significativement plus élevé de contacts par SMS et emails pour leurs annonces. A ce stade, il est encore difficile d’expliquer ce résultat et son interprétation reste délicate. Il convient notamment de rappeler que ces contacts avec des acheteurs potentiels ne constituent pas des ventes formelles et des discriminations pourraient persister lors de la finalisation de la vente. Par ailleurs, l’expérimentation a essentiellement porté sur un nombre limité de biens. Nous sommes actuellement en train de poursuivre l’expérimentation pour mieux comprendre les résultats.
Résultats du projet :
Lire la synthèse des résultats : Les discriminations en raison du genre et de l’origine supposée sur deux plateformes collaboratives, Défenseur des droits, mars 2023.
Consulter le rapport d'étude : Les discriminations en raison du genre et de l’origine supposée sur deux plateformes collaboratives, Sciences Po LIEPP Report, octobre 2022.