Auschwitz

Date: 
15 Septembre, 2014
Auteur: 
Buggeln Marc

Auschwitz est devenu l’incarnation des crimes contre l’humanité en général et plus particulièrement du génocide des Juifs d’Europe perpétré par l’Allemagne nationale-socialiste, que l’on désigne couramment par les termes d’Holocauste et de Shoah 1. Auschwitz a été le plus grand camp d’extermination, le plus grand camp de concentration et, qui plus est, le camp qui a causé la mort du plus grand nombre de Juifs. Sa construction et son fonctionnement ont été motivés à la fois par la volonté politique nationale-socialiste de persécuter tous les individus identifiés comme des adversaires du régime, notamment les Juifs, et par le déroulement même de la Seconde Guerre mondiale.

Lublin-Majdanek et Auschwitz ont été les seuls camps à exercer simultanément les fonctions de camp de concentration et de camp d’extermination. Ils étaient placés l’un comme l’autre sous l’autorité du SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt, (SS-WVHA, ou Office Central d’Administration et d’Économie de la SS), également responsable de l’ensemble des camps de concentration. Les autres camps d’extermination (Treblinka, Sobibor, Chelmno, Belzec) étaient administrés par les organes locaux de la SS. Auschwitz et Chelmno (Kulmhof en allemand) ont été créés pour servir de camps d’extermination sur le territoire du Reich allemand après le redécoupage des frontières. Le travail forcé des détenus d’Auschwitz a cependant contribué à l’économie de guerre allemande dans une bien plus grande mesure que celui des prisonniers de Majdanek. De grandes sociétés industrielles allemandes, comme IG Farben et Krupp, y administraient en effet des camps annexes. Auschwitz a également joué un rôle majeur de plaque tournante des prisonniers envoyés dans tout le Reich allemand à des fins de travail forcé.

Contexte

Oswiecim (Auschwitz en allemand) fut occupé par la Wehrmacht quelques jours seulement après le début de la Seconde Guerre mondiale et les territoires conquis furent annexés à la région allemande de Haute-Silésie. Le 1er février 1940, le Reichsführer SS Heinrich Himmler donna instruction à Richard Glücks, chef de l’Inspection des camps de concentration, de se mettre en quête de sites propices à l’aménagement de nouveaux camps de concentration, afin notamment d’emprisonner les membres de la résistance et du renseignement polonais. Trois semaines plus tard, Glücks faisait savoir à Himmler qu’il existait à Auschwitz un camp susceptible d’être transformé à cette fin. Ce complexe avait été construit en 1916 par l’Empire allemand pour héberger des travailleurs saisonniers polonais. Rattaché à la Pologne après 1918, il avait servi d’entrepôt et d’abri à des réfugiés. La Wehrmacht, qui avait utilisé ce camp après la conquête de ce territoire, le remit à la SS le 8 avril 1940. On entreprit alors d’évacuer plus de 1 200 habitants pour construire un nouveau camp, dont Rudolf Höss, ancien Chef de la garde du camp de concentration de Sachsenhausen, fut nommé commandant le 4 mai 1940. Trente prisonniers allemands qui devaient travailler à Auschwitz comme employés de l’administration du camp y furent envoyés le 20 mai. Le 14 juin 1940, jour de l’arrivée du premier convoi de prisonniers polonais comprenant 728 individus originaires de Tarnow, est considéré comme la date de fondation du camp de concentration d’Auschwitz. La mission première de celui-ci était de loger à titre provisoire 10 000 prisonniers polonais, dont la plupart devaient être transférés ultérieurement dans des camps de concentration situés dans le vieux Reich. On prévoyait également d’y procéder à l’exécution des combattants de la résistance polonaise (Steinbacher 2000 ; Dlugoborski/Piper 1999).

Vers la fin de l’année 1940, le conseil d’administration d’IG Farben se mit à la recherche d’un site pour sa quatrième usine de production de caoutchouc synthétique (le Buna). Son choix se porta sur Auschwitz au plus tard en janvier 1941. Grâce à une intervention en février 1941 de cette société de produits chimiques, la main-d’œuvre polonaise nécessaire à ses besoins fut exclue des projets d’expulsion plus radicaux d’Himmler. La société envisagea immédiatement de mobiliser les prisonniers du camp de concentration comme main-d’œuvre dans le cadre de ses projets de développement de l’usine. À la suite d’une visite à Auschwitz en mars 1941, Himmler ordonna des travaux d’extension du camp destinés à augmenter sa capacité d’accueil à 30 000 détenus. En contrepartie, IG Farben accepta d’aider la SS à agrandir le camp. En s’appuyant sur ces éléments et sur les travaux de Peter Hayes, Florian Schmaltz parvient à la conclusion que la décision d’IG Farben d’installer son usine à Auschwitz fut un élément déterminant du développement considérable de ce camp (Schmaltz 2006).

Au lendemain de l’invasion de l’Union soviétique en juin 1941, Auschwitz prit une importance accrue aux yeux de la direction SS. Dans le cadre du Plan Général pour l’Est (Generalplan Ost), la SS avait l’intention d’installer d’immenses colonies allemandes dans les régions occupées d’Union soviétique. En violation de la Convention de La Haye concernant les Lois et Coutumes de la Guerre sur Terre et de la Convention de Genève relative au Traitement des Prisonniers de guerre, il avait été prévu d’utiliser à cette fin les prisonniers de guerre soviétiques qu’Himmler voulait former comme ouvriers du bâtiment, dans les camps de concentration. L’ordre de construire un nouveau camp à Auschwitz-Birkenau fut donné le 26 septembre 1941. Ce camp devait être en mesure d’abriter 50 000 prisonniers de guerre dans un avenir proche, puis 150 000, voire 200 000 dans une étape ultérieure. Les travaux de construction du complexe d’Auschwitz II, situé à Birkenau, débutèrent en octobre 1941. Les 10 000 prisonniers de guerre soviétiques qui arrivèrent à Auschwitz I à partir de juillet 1941 furent le premier groupe de détenus à qui l’on tatoua un matricule sur la poitrine à l’aide d’une sorte de tampon à aiguilles. À partir de 1942, les prisonniers juifs et, pour finir, tous les détenus, à l’exception des citoyens non-juifs du Reich allemand, eurent leur numéro de détenu tatoué sur l’avant-bras gauche. Auschwitz fut le seul camp de concentration où les prisonniers furent tatoués, une méthode qui permettait à la SS d’identifier plus facilement les nombreux cadavres et de tenir ainsi ses registres de détenus à jour. Les prisonniers de guerre soviétiques, déjà très affaiblis à leur arrivée, mouraient rapidement de malnutrition ou en raison des conditions d’hygiène plus que précaires, lorsqu’ils n’étaient pas purement et simplement tués par les gardiens SS. Cela explique le faible nombre de prisonniers de guerre que l’on put mettre à la disposition de la SS comme main-d’œuvre au début de 1942. Les premiers prisonniers logés à Auschwitz-Birkenau le 1er mars 1942 furent les 945 prisonniers de guerre soviétiques survivants, accompagnés de quelques détenus polonais (Allen 2002 ; Schulte 2001).

Les projets initiaux qui prévoyaient d’héberger jusqu’à 200 000 prisonniers de guerre dans le camp d’Auschwitz-Birkenau se révélèrent illusoires au bout de quelques mois seulement. La SS fit l’essai de nouvelles méthodes d’exécution de détenus à Auschwitz I à peu près au moment où débutèrent les travaux de construction du nouveau camp. Ces expériences furent menées en liaison avec l’Action 14f13, dont l’objectif était de liquider tous les détenus malades ou affaiblis des camps de concentration du Reich allemand. On suppose que la SS commença à utiliser le Zyklon B, du cyanure d’hydrogène, pour exécuter les détenus des camps entre la fin août et le début septembre 1941 ; ce gaz avait déjà été utilisé comme insecticide pour déparasiter les vêtements.

La première vaste campagne d’extermination recourant à ce gaz toxique eut probablement lieu dans la cave du Block 11, en septembre 1941. Les victimes étaient 600 prisonniers de guerre soviétiques et 250 détenus malades. Les difficultés de ventilation de cette cave conduisirent la SS à transférer ses activités homicides au crématorium d’Auschwitz I, où l’on continua à tuer des prisonniers à l’aide de Zyklon B entre janvier et mai 1942. Les spécialistes ne s’accordent toujours pas sur la date à laquelle on décida de procéder à des exécutions systématiques au Zyklon B dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Alors que pour la majorité des auteurs, le développement des installations destinées à l’extermination de masse est postérieur à la conférence de Wannsee de janvier 1942, Michael T. Allen est d’avis que la première proposition d’utilisation d’un crématorium à des fins de destruction humaine massive a été présentée dès le mois d’octobre 1941 (Allen 2002, 2003 ; Schulte 2002 ; Fröbe 2000).

Deux faits demeurent néanmoins incontestés : le projet d’inclure les Juifs d’Europe de l’Ouest dans les campagnes d’extermination a été présenté à la Conférence de Wannsee en janvier 1942, et la SS a également envisagé de remplacer les prisonniers de guerre soviétiques par les Juifs comme main-d’œuvre servile pour la réalisation de ses programmes de colonisation. Extermination et travail forcé étaient donc intrinsèquement liés dans les plans de la SS. À partir du printemps 1942, un nombre croissant de convois transportant des Juifs originaires de l’Europe occupée arriva au camp de concentration d’Auschwitz. Tous les membres des premiers convois furent immédiatement assassinés ou bénéficièrent d’un sursis éphémère en étant employés comme main-d’œuvre forcée. Auschwitz accueillit le premier convoi familial de Juifs de Slovaquie le 29 avril 1942. La méthode de sélection, qui s’imposerait systématiquement par la suite, fut appliquée pour la première fois à l’arrivée de ce transport : les hommes et les femmes jugés aptes se virent attribuer un matricule et furent obligés de travailler tandis que les malades, les individus trop âgés ou trop jeunes furent immédiatement mis à mort avant même d’avoir été enregistrés (Fröbe 2000, p. 160).

La capacité du crématorium d’Auschwitz I étant insuffisante et les nouveaux crématoriums de Birkenau n’étant pas encore prêts, Höss fit transformer en installations d’extermination deux anciennes fermes (appelées respectivement la « maison rouge » et la « maison blanche ») situées à la lisière du camp de Birkenau. Entre mai 1942 et mars 1943, on y assassina des Juifs déportés d’Europe centrale et occidentale à l’aide de Zyklon B. Mais la construction de nouvelles usines de mort était déjà prévue. Le témoin oculaire Filip Müller affirme ainsi : « Le petit “chantier de la mort”, la chambre à gaz, qui pouvait contenir plus de 700 personnes, ne servait plus qu’au titre d’installation annexe aux deux centrales de destruction humaine de Birkenau, les bunkers I et II. […] Les cadavres des hommes gazés dans les bunkers I et II étaient alors jetés dans de vastes fosses communes qui avaient été aménagées dans le voisinage. Au cours de l’été 1942, le soleil était ardent et sous l’influence de la canicule les corps à peine recouverts gonflaient et crevaient la croûte de terre superficielle. Une matière noirâtre remontait à la surface du sol, répandant une odeur pestilentielle, et contaminait l’eau des nappes phréatiques. » (Müller 2008, p. 88).

La construction du crématorium II de Birkenau avait commencé au printemps 1942. En août de la même année, l’administration locale SS compléta les plans en ajoutant les crématoriums III, IV et V ; ainsi commencèrent les travaux de construction de quatre crématoriums qui constitueraient le cœur des installations d’extermination de Birkenau à partir du printemps 1943. Cette extension était le fruit de consultations antérieures entre Hitler et Himmler sur la solution à apporter à la question juive (Steinbacher 2004).

Au cours de cette période, IG Farben aida la SS à agrandir l’usine de Birkenau en lui fournissant des matériaux de construction. L’avancement des travaux d’extension était cependant trop lent à son goût et IG Farben défendit âprement l’idée d’aménager un camp distinct proche de l’usine où serait logée une main-d’œuvre permanente qui se verrait ainsi épargner le long trajet à pied nécessaire pour rejoindre l’usine. Les 2 100 premiers détenus entrèrent dans le camp d’Auschwitz-Monowitz (Auschwitz III) à la fin du mois d’octobre 1942. En 1943, ce camp abritait 6 000 prisonniers, des effectifs qui étaient passés à 11 500 en août 1944 (Wagner 2000). En tout, le complexe d’Auschwitz regroupait 47 camps annexes dans lesquels travaillaient les détenus (Ort des Terrors 2006). Parmi les sociétés qui les employaient, on peut citer Siemens, Krupp, Degussa, les Reichswerke Hermann Göring, la Rheinmetall Borsig AG et les Oberschlesische Hydrierwerke AG (Ort des Terrors 2006).

Le crématorium IV fut le premier achevé de ceux qui devaient être construits à Birkenau, et il fut livré à la SS le 22 mars 1943. Suivirent le crématorium II le 31 mars, le V le 4 avril, et le III le 24 juin 1943. Selon les informations fournies par Topf & Söhne, l’entreprise responsable de la fabrication des fours crématoires, ces installations, crématorium I d’Auschwitz I compris, possédaient une capacité totale d’incinération de 4 756 corps par jour. Un commando spécial, essentiellement composé de prisonniers juifs, était chargé de retirer les dents en or et les cheveux des cadavres avant d’incinérer les corps. Le Reich tirait profit des morts en fondant l’or dentaire en lingots et en transformant les cheveux humains en feutre destiné à l’industrie de guerre. L’opération massive d’extermination connut son apogée dans le courant de l’été 1944. Il y avait alors jusqu’à 10 000 Juifs qui arrivaient quotidiennement de Hongrie et le rythme du génocide s’accéléra au point de dépasser la capacité des crématoriums. La SS commença donc à brûler les corps des victimes dans des tranchées ou sur des bûchers à ciel ouvert (Steinbacher 2004).

Auschwitz était à la fois le plus grand camp d’extermination et le plus grand camp de concentration. En août 1943, ce complexe concentrationnaire abritait 74 000 prisonniers contre 26 500 pour Sachsenhausen, le deuxième camp de concentration par ordre d’importance. Bien qu’Auschwitz ait joué un rôle de pionnier dans l’exploitation des prisonniers comme main-d’œuvre servile grâce à la coopération entre la SS et IG Farben, les détenus d’Auschwitz furent relativement peu nombreux par rapport à ceux d’autres camps à être employés à des tâches essentielles à l’effort de guerre. Ce qui explique que le taux de mortalité des détenus enregistrés ait également été nettement plus élevé à Auschwitz que dans la plupart des autres camps de concentration (Kárny 1987).

Afin d’éviter toute velléité de résistance et de faciliter le contrôle des prisonniers, Auschwitz-Birkenau fut progressivement subdivisé en plusieurs secteurs séparés les uns des autres par des barbelés. Les plans prévoyaient initialement la création de quatre sections (B I- B IV) qui, à l’exception de B I (20 000 prisonniers), devaient présenter une capacité d’hébergement d’environ 60 000 détenus chacune. La section B III ne fut cependant que partiellement construite et les travaux de B IV furent abandonnés avant même d’avoir commencé. Parmi les subdivisions majeures du camp, on peut mentionner le camp des hommes, le camp des femmes, le camp familial de Theresienstadt (B IIb), le camp tzigane (B IIe), le camp destiné aux Juifs de Hongrie (B II c et B III, surnommé le Mexique), les infirmeries et l’entrepôt contenant les effets personnels des prisonniers (baptisé le Canada).

Devant la progression de l’Armée rouge, la SS commença à partir de l’été 1944 à déplacer une partie des détenus vers des camps situés plus à l’ouest. À Auschwitz, tous les travaux de construction cessèrent en octobre 1944 et la totalité des chambres à gaz fut mise à l’arrêt au mois de novembre. Le commando spécial reçut l’ordre de démolir les installations d’extermination. Craignant d’être assassinés eux aussi, les membres de ce commando se rebellèrent le 7 octobre et les insurgés réussirent à tuer plusieurs gardiens. Mais la grande majorité d’entre eux fut exécutée par la SS au cours de la répression de cette révolte. L’évacuation définitive du camp commença le 17 janvier 1945. Cinquante-huit mille prisonniers, dont on estime que quinze mille périrent en chemin, furent contraints de quitter le camp pour entreprendre une marche de la mort. Restés dans le camp avec un petit commando, les membres de la SS firent sauter le reste des installations d’extermination avant le 26 janvier. L’Armée rouge atteignit le camp le lendemain. Elle libéra 5 800 prisonniers à Birkenau et 1 200 de plus à Monowitz ainsi que dans d’autres camps annexes (Dlugoborski/Piper 1999 ; Strzelecki 1995).

Instigateurs et auteurs des crimes

L’extermination des Juifs d’Europe aussi bien que la persécution des adversaires politiques et sociaux du régime national-socialiste, les brutalités à leur encontre et, dans certains cas, leur assassinat pur et simple étaient des mesures autorisées et approuvées par l’ensemble de la direction allemande. Hitler et Himmler furent les principaux acteurs de ces deux processus. Ils étaient responsables des décisions essentielles et étaient tenus informés de tous les événements majeurs. Même si la recherche ne porte pas un jugement unanime sur les forces et les faiblesses d’Hitler en tant que dictateur, son influence déterminante sur la dynamique du processus d’extermination des Juifs d’Europe ne fait guère de doute. Un certain nombre de responsables locaux firent tout pour servir les objectifs du Führer et se livrèrent donc à des crimes en ayant conscience d’agir conformément à sa volonté (Kershaw). Le personnage principal en l’occurrence, celui qui exerça le contrôle sur l’ensemble de ces activités pendant la plus longue période de l’existence du camp, fut son premier commandant, le SS-Obersturmbannführer Rudolf Höss. C’est sur le front, au cours des derniers mois de la Première Guerre mondiale, que Höss, né en 1900, fit ses expériences formatrices en matière de socialisation. Au lendemain de la guerre, il adhéra aux Freikorps (les corps francs, des organisations paramilitaires de l’Allemagne de Weimar) dont il fut un membre actif, et participa aux assassinats et aux exécutions politiques sommaires (Fememorden) pratiqués par ces groupes. Il devint membre de la SS en septembre 1933 et commença sa carrière au sein de cette organisation au camp de concentration de Dachau en 1934. À la différence de Theodore Eicke, le premier Directeur de l’Inspection des Camps de concentration qui interprétait sa mission principalement dans le cadre du combat contre les adversaires politiques du régime, Höss considérait que sa sphère d’activité essentielle était la lutte contre les ennemis biologiques de l’Allemagne. Les Juifs, les criminels et les asociaux constituaient selon lui la plus grave menace pour le national-socialisme et il mobilisa donc toute son énergie pour développer le camp d’Auschwitz et optimiser le processus d’extermination. Höss resta un adepte du national-socialisme même après 1945 (Orth 2000).

Dans les tâches d’administration du camp, Höss était secondé par des officiers et des sous-officiers membres de la SS qui avaient, comme lui, acquis une vaste expérience des camps de concentration à travers tout le territoire du Reich. En revanche, le vécu des hommes de troupe, c’est-à-dire de la grande masse des auteurs de crimes, était très différent, et leur composition beaucoup plus hétérogène. Les effectifs employés à Auschwitz culminèrent en janvier 1945 avec 4 480 gardiens SS hommes et 71 femmes. Alors que le transfert à Auschwitz de membres de la SS engagés dans des opérations de combat ne fut pas rare jusqu’en 1942, ces réaffectations furent réduites au minimum en 1943 et cessèrent totalement en 1944. Sur les 282 hommes mutés à Auschwitz en 1944, 128 étaient issus des rangs de la Wehrmacht et 119 venaient d’autres camps de concentration. Le reste avait été employé dans d’autres camps de travail ou n’avait rejoint la SS qu’à une date récente. À partir de 1942, la proportion d’Allemands du Reich et d’Autrichiens parmi les gardiens SS variait entre 50 et 60 %.

De nombreux Volksdeutsche (des étrangers de souche germanique) travaillaient à leurs côtés. C’est ainsi qu’une compagnie distincte de gardiens ukrainiens fut créée en mars 1943. À partir de juin 1944, Auschwitz se dota d’un bureau de coordination de la Wehrmacht chargé d’intégrer dans les rangs des gardiens les soldats inaptes à être envoyés sur le front. Cinq cents anciens soldats au moins furent incorporés dans la SS à Auschwitz. Interrogés sur leurs affiliations religieuses, les gardiens répondirent pour la plupart qu’ils étaient catholiques, (42,6 %), protestants (36,5 %) ou gottgläubig (croyant sans confession — 20,1 %). Le niveau d’instruction des gardiens de base d’Auschwitz était relativement faible. Les gardiennes SS travaillaient dans les sections du camp réservées aux femmes (Dlugoborski/Piper 1999, vol. 1, p. 321-384).

Un grand nombre de ces gardiens étaient habitués à travailler dans un environnement quotidien d’une extrême violence. Voici un exemple des tueries perpétrées dans les chambres à gaz : « Seule la femme qui avait prévenu ses compagnons bénéficia d’un sursis. On la relégua dans une petite salle voisine où elle fut soumise à un pénible interrogatoire. Pour des S.S. familiarisés avec cette pratique, il ne fut pas difficile de la faire parler. Tous les détenus du secteur du crématoire furent confrontés à elle, et il ne fallut pas longtemps pour l’amener à reconnaître que c’était Jizhak Derensky qui lui avait révélé le sort qui attendait tous les détenus. La femme fut fusillée et Derensky ligoté par les SS, traîné dans un four et brûlé vif. Pour l’exemple, nous dûmes assister à cette abominable exécution. » (Müller 2008, p. 115 sq.).

En plus de cette piétaille de la Solution Finale, différents professionnels dotés de connaissances spécialisées et de compétences poussées participèrent aux opérations criminelles d’Auschwitz. Les médecins SS en constituent le groupe principal. Le département V (médecins affectés à la SS) comptait un tout petit peu moins de vingt membres de la SS. Au total, ce sont trente médecins qualifiés qui travaillèrent à Auschwitz à différentes périodes. Ces médecins étaient chargés des tâches suivantes, toutes liées aux crimes perpétrés dans le camp : sélection des convois juifs à leur arrivée, surveillance de l’introduction du Zyklon B dans les chambres à gaz, sélection des détenus inaptes au travail, mise en œuvre d’exécutions clandestines par injection létale, surveillance des exécutions et réalisation de stérilisations forcées et d’avortements. Certains médecins réalisèrent également des expériences sur les prisonniers (Dirks 2006). Le médecin chef SS responsable était le SS-Sturmbannführer Eduard Wirth. Ce ne fut pas lui pourtant mais son collègue Josef Mengele, SS-Hauptsturmbannführer, qui en vint plus tard à symboliser la participation des médecins au génocide commis à Auschwitz. Mengele était le médecin le plus redouté des détenus en raison des expériences généralement fatales qu’il leur faisait subir.

Un autre important groupe d’experts mêlés de près au génocide était la Zentralbauleitung (Direction centrale de la construction) de la Waffen-SS et de la police. Ce service fut administré dans un premier temps par le SS-Hauptsturmführer Karl Bischoff puis, à partir de la fin de l’année 1943, par le SS-Obersturmführer Werner Jothann. La Zentralbauleitung était notamment chargée du développement des chambres à gaz et des crématoriums. Elle chercha à définir l’architecture la plus efficace pour la Solution Finale et collabora étroitement avec d’autres spécialistes à ce sujet. On peut mentionner le rôle majeur que joua ici Kurt Prüfer, un ingénieur de la société Topf & Söhne qui ne ménagea pas sa peine pour trouver des méthodes permettant d’augmenter le rendement des crématoriums (Fröbe 2000). Les patrons d’IG Farben furent eux aussi mêlés aux crimes commis à Auschwitz. En tout état de cause, un grand nombre de membres du conseil d’administration de cette société visitèrent le site de construction de l’usine et le camp annexe. Ils étaient également tenus informés de ce qui se passait dans le camp par leurs cadres locaux qui collaboraient avec la SS. Le responsable officiel des opérations d’IG Farben à Auschwitz était Otto Ambros, membre du conseil d’administration. Cependant, comme Ambros se rendait rarement à Auschwitz, ses fonctions furent exercées d’abord de facto puis officiellement par Walther Dürrfeld. Les directeurs d’IG Farben accordèrent leur appui à la SS pour développer le camp et collaborèrent étroitement avec elle dans d’autres domaines. Les prisonniers du camp annexe furent exploités dans des conditions de travail inhumaines, jusqu’à l’épuisement total. IG Farben autorisa la sélection des prisonniers inaptes au travail et leur transfert à Auschwitz-Birkenau où les attendait une mort certaine (Wagner 2000).

Les Victimes

Le nombre total d’individus déportés à Auschwitz depuis l’ensemble de l’Europe se situe autour d’un million trois cent mille. Ils furent en majorité assassinés par la SS peu après leur arrivée. L’administration du camp porta quelque 400 000 détenus sur ses registres de détenus. Selon l’estimation de Franciszek Piper, la plus étayée dont nous disposions actuellement, ce sont près d’un million cent mille personnes qui trouvèrent la mort à Auschwitz. Parmi eux, le groupe de victimes de loin le plus important fut celui des prisonniers juifs. Piper avance à titre d’hypothèse le chiffre de 960 000 victimes juives qui auraient péri à Auschwitz. On estime qu’environ 865 000 Juifs furent tués dans les chambres à gaz immédiatement après leur arrivée au camp, sans avoir été enregistrés. 95 000 prisonniers juifs, enregistrés ceux-là, seraient morts de faim, de brutalités et, pour le plus grand nombre, envoyés dans les chambres à gaz parce qu’ils étaient malades. Plus de la moitié des Juifs assassinés, soit approximativement 500 000, le furent en 1944 (Piper 1993).

Selon Piper, ce sont près d’un million cent mille Juifs au total qui furent déportés à Auschwitz. Ils furent environ 140 000 à quitter le camp vivants, soit parce qu’ils avaient été sélectionnés comme aptes au travail et transférés dans un autre camp, soit dans le cadre des marches de la mort organisées lors de l’évacuation du camp. Les deux groupes nationaux les plus largement représentés, et de loin, furent les 438 000 Juifs hongrois et les 300 000 Juifs polonais. Parmi les autres groupes de détenus juifs importants, certains étaient originaires de France (69 000), d’autres des Pays-Bas (60 000), de Grèce (55 000), du Protectorat de Bohême-Moravie (46 000), de Slovaquie (27 000), de Belgique (25 000) et du Reich allemand (23 000). Le sort des déportés juifs était entre les mains des médecins SS chargés d’évaluer leur aptitude au travail et donc de les envoyer ou non à une mort immédiate dans les chambres à gaz. Les principaux critères de sélection étaient l’âge et la condition physique des détenus. Les femmes accompagnées de jeunes enfants étaient le plus souvent classées comme inaptes au travail, tout comme les enfants de moins de 14 ans ; quant aux adolescents de 14 à 16 ans, tout dépendait de leur état physique ; à partir de 17 ans, ils étaient jugés bons pour le travail par la SS. Les femmes sans enfants de moins de 40 ans et les hommes de moins de 45 ans étaient le plus souvent affectés à des équipes de travail. Plus les prisonniers dépassaient cette limite d’âge, plus ils risquaient d’être exécutés immédiatement. Au demeurant, la sélection pour le travail forcé n’assurait qu’un sursis. Les conditions de vie qui régnaient à Auschwitz et dans les camps annexes étaient tellement effroyables qu’un grand nombre de ceux qui y travaillaient succombaient eux aussi.

Après les Juifs, le deuxième groupe de victimes numériquement le plus important était celui des prisonniers polonais non juifs. Ils furent en effet entre 140 000 et 150 000 à être transportés à Auschwitz. Près de la moitié d’entre eux (entre 70 000 et 75 000) y mourut. Les prisonniers polonais constituèrent même le groupe de détenus du camp le plus nombreux entre 1940 et le milieu de 1942. Ce furent également ceux qui enregistrèrent le plus grand nombre de victimes au cours de cette même période. D’un autre côté, les détenus polonais avaient plus de possibilités que tous les autres d’entrer en contact avec la population civile. Ils occupaient également un grand nombre des fonctions subalternes à l’intérieur du camp ainsi que certains postes dans l’administration, ce qui leur offrait une source d’information et leur donnait plus de facilité pour préparer une éventuelle évasion qu’aux autres groupes de prisonniers. Cela explique que la SS se soit évertuée à transférer le plus grand nombre possible de prisonniers polonais dans des camps situés à l’intérieur du Reich allemand. Les Polonais n’en constituèrent pas moins un groupe relativement important à Auschwitz jusqu’à la dissolution du camp.

À l’image des Juifs, deux autres groupes, celui des Sinti et des Roms et celui des prisonniers de guerre soviétiques, n’avaient guère de chances, voire aucune, de survivre à Auschwitz. Les Sinti et les Roms furent approximativement 23 000 à arriver à Auschwitz, et 21 000 d’entre eux y trouvèrent la mort. Himmler avait donné ordre le 16 décembre 1942 de déporter la totalité des Sinti et des Roms établis dans les territoires placés sous l’autorité allemande. À la suite de cette directive, plus de 20 000 Sinti et Roms furent conduits à Auschwitz-Birkenau au cours du seul mois de mars 1943. Ils y occupaient la section B II e, où ils étaient soumis à un isolement rigoureux. Le taux de mortalité y était particulièrement élevé, en raison du traitement particulièrement inhumain auquel ces prisonniers étaient soumis. Le 16 mai 1944, les détenus du Camp Tzigane réussirent à éviter l’assassinat en barricadant leurs baraques et en se défendant à l’aide de pierres et d’outils. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, la SS réussit tout de même à conduire les 3 000 Sinti et Roms survivants dans les chambres à gaz où ils périrent (Zimmermann 1996).

Les chances de survie des prisonniers de guerre soviétiques étaient encore plus faibles. Autant qu’on sache, la Wehrmacht en envoya environ 15 000 à Auschwitz avec l’accord de la SS. On peut supposer que les survivants, s’il y en eut, furent extrêmement rares. Les premiers de ces prisonniers de guerre arrivèrent à Auschwitz en 1941. En novembre de la même année, une Commission spéciale envoyée par le siège de la Gestapo à Katowice se rendit dans le camp pour répartir les prisonniers de guerre en différents groupes. Le Groupe A rassemblait les détenus politiquement intolérables, le Groupe B ceux qui n’étaient pas politiquement suspects, le Groupe C ceux qui étaient aptes à la rééducation tandis qu’un quatrième groupe était réservé aux communistes fanatiques. Près de 700 prisonniers furent affectés au Groupe A, 8 000 au Groupe B, 30 au Groupe C et 300 furent classés comme des communistes fanatiques. Être rangé dans ce dernier groupe ou dans le Groupe A revenait à une condamnation à mort. En tout état de cause, les chances de survie de la majorité des prisonniers de guerre étaient bien minces. Moins de 10 % de ceux qui arrivèrent au camp en 1941 étaient encore vivants à la fin de l’hiver 1941/1942 (Sterbebücher, vol. 1, 1995).

Vingt-cinq mille prisonniers appartenant à des groupes autres que ceux que nous avons mentionnés ci-dessus furent portés sur les registres du complexe concentrationnaire d’Auschwitz. Ils furent entre 10 000 et 15 000 à y trouver la mort (Piper 1993). Dans l’ensemble, le taux de mortalité d’Auschwitz, en incluant les déportés à qui l’on attribua un matricule, fut significativement plus élevé que celui de la plupart des autres camps de concentration (Buggeln 2009). Il faut y voir la conséquence de l’extrême brutalité des gardiens et de l’effroyable pénurie en denrées de première nécessité dont souffraient les détenus. La situation était encore aggravée par les conséquences débilitantes du travail exténuant exigé des détenus. Au moment de leur admission dans le camp, les prisonniers étaient tondus, maltraités et ravalés au rang de simples numéros. Ils étaient nombreux à souffrir de la faim et à tomber malades très rapidement. Primo Levi décrivait ainsi la vie à Auschwitz : « Au bout de quinze jours de Lager, je connais déjà la faim réglementaire, cette faim chronique que les hommes libres ne connaissent pas […] Déjà sont apparues sur mes pieds les plaies infectieuses qui ne guériront pas. Je pousse des wagons, je manie la pelle, je fonds sous la pluie et je tremble dans le vent. J’ai le ventre enflé, les membres desséchés, le visage bouffi le matin et creusé le soir ; chez certains, la peau est devenue jaune, chez d’autres, grise ; quand nous restons trois ou quatre jours sans nous voir, nous avons du mal à nous reconnaître. » (Levi 1987, p. 37).

Outre la faim, le manque de tenues chaudes et adaptées à la saison aggrava considérablement la faiblesse croissante des détenus. Dès l’arrivée du mois d’avril, alors que la douceur n’avait pas encore entièrement chassé le froid, on retirait aux prisonniers leurs vêtements épais et leurs tricots ; les pantalons et les vestes en laine étaient remplacés par des articles presque identiques, à larges rayures eux aussi, mais en coton ; et il fallait attendre la fin du mois d’octobre pour que l’administration procède à une nouvelle distribution de vêtements d’hiver. Distribution que les détenus attendirent vainement à l’automne 1944 parce que les tenues de laine et les manteaux étaient tellement usés qu’il n’était plus possible de les réutiliser. Les prisonniers furent donc obligés d’affronter la mauvaise saison de 1944-1945 dans les vêtements légers qu’ils avaient déjà portés tout l’été. (Levi/Debenedetti 2006, p. 56).

Les Témoins

Ce ne sont pas les déclarations de témoins mais la documentation subsistante qui constituent la principale source d’une grande partie des recherches entreprises sur l’Holocauste et sur Auschwitz. La question du nombre de victimes, en particulier, peut trouver une réponse grâce aux registres de décès, aux listes de transports et à d’autres documents écrits. Les prisonniers eux-mêmes ne disposaient en effet que de possibilités très limitées pour estimer le nombre de victimes (Hilberg 2002)

Les déclarations de témoins n’en représentent pas moins des sources indispensables pour répondre à nombre d’autres questions qui se posent dans l’historiographie du camp de concentration d’Auschwitz. Certaines de ces déclarations ont même joué un rôle dans le déroulement des événements historiques liés aux camps. Il s’agit notamment des récits de prisonniers qui ont pu atteindre le public avant la libération d’Auschwitz. Le plus important d’entre eux est peut-être celui de deux Juifs slovaques, Alfred Wetzler et Walter Rosenberg (plus tard Rudolf Vrba), qui réussirent à s’évader d’Auschwitz au printemps 1944. Ils ont rédigé un rapport très circonstancié à l’intention du Conseil Juif Slovaque en espérant que sa diffusion permettrait d’éviter la déportation des Juifs hongrois, qui commençait tout juste. Bien qu’il n’ait pas atteint son objectif, ce rapport a été rapidement communiqué à l’ensemble du monde occidental et a été publié à Washington en novembre 1944. Il a été présenté aux procès de Nuremberg parmi les pièces à conviction de l’accusation sous la cote O-22L. Les Alliés possédaient également des photographies aériennes de tous les camps datant du 31 mai 1944. Pourtant, aucune attaque ciblée n’a jamais été entreprise contre les chambres à gaz ni contre les voies de communication.

L’essentiel de la collecte des témoignages sur l’Holocauste a eu lieu dans l’immédiat après-guerre (1944-1948), avant de reprendre à partir des années 1980. Dans bien des cas cependant, les nombreux récits consignés juste après la guerre ont été simplement compilés, sans faire l’objet de publications. Les rares ouvrages publiés n’ont suscité qu’un intérêt limité. Deux des ouvrages les plus connus de cette première période sont celui d’Ella Lingens-Reiner, Prisoner of Fear, publié à Londres en 1948, et le compte rendu d’Hermann Langbein intitulé Die Stärkeren (Les plus forts), publié en 1949.

Les déclarations des survivants du commando spécial sont d’une importance toute particulière lorsqu’on cherche à élucider le déroulement du processus d’extermination. Les détenus de ce commando étaient divisés en plusieurs groupes, chargés respectivement de tâches bien précises : accompagner les victimes jusqu’à la porte de la chambre à gaz, leur retirer leurs vêtements et leurs objets précieux, transporter les corps de la chambre à gaz aux crématoriums, récupérer les dents en or et les cheveux, incinérer les cadavres dans les crématoriums et enfin, se débarrasser des cendres en les jetant dans la Vistule, le fleuve voisin (Greif 1995 ; Friedler/Siebert/Kilian 2002).

Alors que les rapports de victimes se caractérisent d’ordinaire par la volonté de porter témoignage et sont souvent d’une franchise stupéfiante, la majorité des dépositions de criminels sont marquées par des stratégies de dissimulation ; ils cherchent à défausser de leur responsabilité sur autrui et révèlent souvent une incapacité ou un refus de se souvenir. Ce déni et ce désir de se disculper peuvent également s’expliquer par les poursuites judiciaires suivies d’une éventuelle condamnation à mort que risquaient les auteurs de ces crimes. Malgré cette réserve, leurs dépositions peuvent nous aider, elles aussi, à reconstituer avec plus d’exactitude la réalité d’Auschwitz.

Les mémoires rédigés par Höss, l’ancien commandement du camp, lorsqu’il était en détention provisoire dans la prison de Cracovie en 1946 constituent probablement le document le plus important sur le camp d’Auschwitz du point de vue des criminels. Ce texte a été publié en polonais en 1956 et en allemand en 1958. Höss s’y présente comme un administrateur consciencieux dont les efforts ont été contrariés par l’excès de tâches que lui confiait son supérieur, Himmler, et par les agissements de subalternes stupides et incompétents. En dépit de cette présentation déformée de son rôle, ce rapport contient de nombreux détails dont on a pu prouver la véracité, et il représente donc toujours une précieuse source d’information (Zimmermann 2004).

Des souvenirs divisés

Le rôle joué par le souvenir et la commémoration d’Auschwitz et de l’Holocauste varie considérablement en fonction des cultures nationales. Il ne fait pas de doute que l’importance de la commémoration de l’Holocauste à travers le monde s’est considérablement accrue depuis les années 1980 et que l’on observe actuellement certaines tendances à la standardisation dues à des événements médiatiques internationaux, tels que le film La liste de Schindler. Le Musée du Mémorial de l’Holocauste de Washington, ouvert en 1993 et qui est devenu l’un des principaux centres de recherche sur l’histoire de l’Holocauste, joue également un rôle majeur dans ce phénomène d’internationalisation de sa commémoration. Bien que Daniel Levy et Natan Sznaider confirment l’émergence d’une mémoire mondialisée de l’Holocauste dans laquelle Auschwitz occupe une place centrale (Levy/Sznaider 2001), on peut penser que des points de vue nationaux spécifiques sur cet événement continuent également à exercer une influence déterminante.

Après la libération du camp, le complexe d’Auschwitz servit à la fois d’hôpital destiné à accueillir d’anciens détenus et de camp de prisonniers de guerre allemands. Les autorités soviétiques transférèrent l’essentiel des installations à l’administration polonaise au début de 1946. À partir de mars 1946, des organisations d’anciens détenus commencèrent à réclamer de plus en plus bruyamment la création d’un musée sur le site du camp. Cette proposition ayant été approuvée par l’État polonais, le Parlement polonais vota la création du Mémorial national d’Auschwitz-Birkenau le 2 juillet 1947. La création d’un bâtiment voué aux expositions, d’un service d’archives et d’une bibliothèque fut décidée et réalisée dans les années suivantes. Avant 1989, le contenu des salles d’exposition reflétait en priorité la volonté de présenter Auschwitz comme un lieu de martyre de la nation polonaise. L’histoire de la résistance polonaise contre l’Allemagne, le terrible sort infligé aux combattants de la résistance détenus à Auschwitz et, enfin, la victoire communiste sur l’Allemagne étaient particulièrement mis en valeur. Il a fallu attendre les années 1970 pour que soit inaugurée une exposition annexe intitulée « Martyrologie et lutte des Juifs », qui a réussi alors à attirer l’attention sur Auschwitz en tant que lieu central de l’extermination des Juifs d’Europe. L’ancien complexe concentrationnaire a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1979 et, afin d’éviter l’identification du camp avec sa situation géographique sur le territoire polonais, le Comité du Patrimoine mondial a décidé en 2007 de modifier la désignation officielle du camp, devenue désormais Auschwitz-Birkenau, Camp allemand nazi de concentration et d’extermination (1940-1945). La fin du régime communiste en Pologne entraîna dans tout le pays une libération de la parole qui a elle-même été à l’origine d’âpres luttes pour la prérogative d’interprétation. Les autorités polonaises postcommunistes modifièrent ou retirèrent assez rapidement du site tous les éléments qui commémoraient le rôle de l’Armée rouge. Des conflits acharnés entre les chrétiens polonais et les organisations juives firent rage tout au long des années 1990, atteignant un point culminant lors de l’installation de carmélites dans un bâtiment de l’ancien camp, suivie de l’érection d’une croix de huit mètres de haut ; de nombreux Juifs jugèrent inacceptable la présence de ce symbole chrétien dans ce qui constitue le plus grand cimetière juif du monde. Ces conflits se sont légèrement apaisés au cours des années 2000 et l’on se concentre désormais sur les efforts pour empêcher la détérioration progressive de certains lieux essentiels de l’ancien complexe concentrationnaire (Szurek 1992 ; Reichel 2005).

En Israël, le souvenir d’Auschwitz et de l’Holocauste a été, d’emblée, étroitement lié au sionisme et a été un argument majeur dans la légitimation de la fondation de l’État juif. Le Mémorial de Yad Vashem a été créé en 1953 pour commémorer l’Holocauste à la suite du vote de la loi sur la commémoration des martyrs et des héros. Pas plus la mémoire nationale israélienne que la conception des expositions de Yad Vashem n’accordait une grande place à la diaspora juive et aux victimes juives, considérées comme passives. La résistance armée était présentée comme la seule réaction légitime au national-socialisme. Les victimes d’Auschwitz se voyaient implicitement, et même parfois explicitement, reprocher d’avoir marché à la mort comme des moutons qu’on conduit à l’abattoir. Cette attitude a été particulièrement saillante lors du procès Kastner en 1954, au cours duquel on reprocha à des Conseils juifs de l’Europe occupée d’avoir collaboré avec les nazis et, en définitive, d’avoir aidé et encouragé leur campagne d’extermination. Rudolf Kastner, ancien membre du Comité d’Aide et de Secours juif de Hongrie, fut assassiné à Tel-Aviv en 1957. La politique israélienne de commémoration a cependant connu une évolution manifeste à la suite du procès Eichmann en 1961. C’était en effet la première fois que l’on abordait publiquement la réalité de la politique d’extermination, et la compassion à l’égard des victimes en a été grandement accrue. Ce sentiment s’est encore accentué dans les années suivantes à la suite de l’expérience israélienne de la guerre au Proche-Orient. L’Holocauste est souvent devenu un jeu didactique pour la politique du jour, les communiqués publics établissant fréquemment un lien entre la mémoire de l’Holocauste et le sionisme. Plus récemment, cependant, la politique de commémoration de l’Holocauste en Israël s’est ouverte à un plus grand pluralisme (Segev 1995 ; Friedländer 1987 ; Hass, 2002).

Si, en qualité d’État antifasciste, la République Démocratique Allemande (RDA) rejeta toute part de responsabilité dans les crimes nazis, la République Fédérale d’Allemagne s’engagea dans un processus, d’abord hésitant puis très intense, de prise de conscience et d’Aufarbeitung, c’est-à-dire de volonté d’assumer le passé. Auschwitz et l’Holocauste représentaient cependant un défi constant, qu’il n’était pas facile de relever. Ce souvenir négatif posait inlassablement la question de la culpabilité des Allemands. Les forces conservatrices, notamment, cherchèrent à donner du national-socialisme le visage d’un régime totalitaire et à présenter la fondation d’une démocratie comme la seule leçon sensée à tirer de l’histoire. Cette volonté de se concentrer essentiellement sur l’avenir se rencontrait pourtant aussi sur la gauche de l’échiquier politique. La reconnaissance d’une culpabilité historique resta le plus souvent une position marginale, d’où des frictions à répétition chaque fois qu’Auschwitz revint au centre de l’attention générale, par exemple au début des années 1950 lors des négociations avec Israël sur les réparations et pendant le Procès d’Auschwitz (1963-1965). La diffusion à la télévision allemande en 1979 de la série « Holocauste » a largement contribué à mieux faire comprendre la réalité d’Auschwitz à l’opinion publique d’Allemagne de l’Ouest. Avec d’autres facteurs, cette diffusion a été à l’origine de la création dans plusieurs régions d’Allemagne Fédérale d’ateliers historiques qui abordaient différentes questions concernant le national-socialisme dans la localité en question, accordant souvent une place centrale à la déportation de la population juive locale. Grâce à l’émergence de ce public critique, les années 1980 ont été une décennie d’étude plus approfondie de l’Holocauste, la politique historique du gouvernement chrétien-démocrate du pays se trouvant au centre du débat. En effet, en 1983, le secrétaire général de la CDU, Heiner Geissler, affirma publiquement que c’était le pacifisme des années 1930 qui avait fait le lit d’Auschwitz. Le chancelier fédéral Helmut Kohl, inventeur du concept de la Gnade der späten Geburt (la « grâce d’une naissance tardive ») est allé le 5 mai 1985 déposer des couronnes en compagnie du président américain Ronald Reagan au cimetière militaire de Bitburg où sont également inhumés des membres de la Waffen-SS. Enfin, Philipp Jenninger, président du Bundestag allemand, prononça devant le Parlement le 9 novembre 1988 un discours d’une rhétorique pour le moins ambiguë, dont l’empathie apparente à l’égard des auteurs des crimes nazis le força à démissionner. En même temps, la question de l’unicité de l’Holocauste fut abordée dans le contexte de l’Historikerstreit, la querelle des historiens. Enfin, dans un discours prononcé le 8 mai 1985, le président chrétien-démocrate Richard Weiszäcker s’affirma comme le premier haut dirigeant politique ouest-allemand à reconnaître la responsabilité des Allemands dans les crimes nazis. Aussi ce discours est-il considéré tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger comme une percée majeure dans l’aveu de culpabilité de la République fédérale.

Ces débats ont été à l’origine d’une évolution de la politique de commémoration de l’Allemagne fédérale. La reconnaissance de la culpabilité allemande faisant désormais l’objet d’un consensus au sein des partis, le déni de l’Holocauste et d’Auschwitz est devenu d’abord inacceptable, et enfin criminel. En 1996, le 27 janvier, date de la libération d’Auschwitz, a été déclaré journée nationale du souvenir tandis qu’un Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe était érigé en un lieu central de Berlin en 2005. Cette reconnaissance de la culpabilité allemande a pu être exploitée dans un autre contexte pour justifier une guerre, comme en témoigne l’attaque de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999, défendue par le ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer par ces mots « Nie wieder Auschwitz » (« Plus jamais Auschwitz »). (Reichel 2005 ; Dubiel 1999 ; Berg 2003).

Depuis les années 1990 au plus tard, le souvenir de l’Holocauste et d’Auschwitz a visiblement commencé à jouer un rôle dans la politique commémorative de plusieurs pays. C’est ainsi que le 27 janvier, journée de commémoration des victimes du national-socialisme instaurée par la République Fédérale d’Allemagne en 1996, a été officiellement proclamée Journée internationale à la mémoire des victimes de l’Holocauste par l’Assemblée générale des Nations unies le 1er novembre 2005. Désormais, cette journée fait également l’objet de commémorations officielles en Israël, en Italie et en Grande-Bretagne.

Actions judiciaires

Le rôle central joué par Auschwitz dans l’extermination des Juifs d’Europe était déjà connu peu après la fin de la guerre. Pourtant, le processus d’extermination aussi bien que l’existence même d’Auschwitz ont occupé une place relativement secondaire au procès des principaux criminels de guerre qui s’est tenu à Nuremberg, notamment parce que les prévenus n’avaient pas participé directement, ou de façon très limitée seulement, à la création et au fonctionnement d’Auschwitz.

Auschwitz a joué un rôle plus marquant au cours des procès de Nuremberg ultérieurs, IV (procès du WVHA) et VI (procès d’IG Farben). Le SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt (WVHA, l’Office Central d’Administration et d’Economie) était responsable du fonctionnement des camps de concentration ; avec le Reichssicherheitshauptamt ou SS-RSHA (Office central de la Sécurité du Reich), ce service a participé activement au processus d’extermination. Les condamnations infligées par le tribunal de première instance furent sévères. Quatre membres du WVHA furent condamnés à morts, neuf autres à des peines d’au moins dix années de prison tandis que trois seulement étaient acquittés. La peine capitale prononcée contre le chef du SS-WVHA Oswald Pohl fut cependant la seule à être suivie d’effet. La plupart des condamnations furent en effet considérablement allégées dans le cadre des campagnes d’amnistie des années 1950. Lors du procès d’IG Farben, qui s’est tenu dans le contexte des débuts de la guerre froide et de l’intégration croissante des anciennes élites économiques dans la reconstruction de l’industrie ouest-allemande, les jugements furent nettement plus cléments, même en première instance. Les peines les plus sévères, huit années de détention, furent infligées aux deux directeurs de l’usine d’Auschwitz, Otto Ambros et Walther Dürrfeld. Dans ce cas également, la plupart des condamnés bénéficièrent néanmoins de remises de peines considérables, ce qui explique que dès 1951, les cadres d’IG Farben aient été libres de reprendre des fonctions majeures dans l’économie ouest-allemande. Otto Ambros, par exemple, a été Président du conseil d’administration de Knoll AG entre 1960 et 1975 et a également été conseiller du chancelier Adenauer.

Les Alliés occidentaux n’ont pas organisé de procès spécifique pour le camp de concentration d’Auschwitz. Cependant, un grand nombre de ses responsables ont été jugés au cours de procès organisés par des tribunaux alliés à propos d’autres camps de concentration. Josef Kramer, un temps commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau, a ainsi été condamné à mort par un tribunal militaire britannique pour les crimes qu’il avait commis au camp de concentration de Bergen-Belsen. Au procès de Dachau, un tribunal militaire américain prononça la peine capitale contre trois membres de la SS qui avaient également joué des rôles majeurs à Auschwitz. En 1946, un tribunal militaire britannique condamna à mort Bruno Tesch, directeur de la société Tesch & Stabenow, ainsi que son principal conseiller Karl Weinbacher, pour le rôle qu’ils avaient joué dans la livraison de Zyklon B à Auschwitz. La plupart des cadres de Topf & Söhne, responsables de la construction des crématoriums, furent mis en détention par les Américains. Le copropriétaire de la société, Ludwig Topf, se suicida le 30 mai 1945. En revanche, son frère Ernst Wolfgang ne fut jamais poursuivi et ouvrit une entreprise d’incinérateurs à Wiesbaden en 1947. L’ingénieur Kurt Prüfer fut relâché par les Américains, avant d’être arrêté par les Soviétiques à Erfurt en 1946. Condamné à 25 ans de camp de travail, il mourut en 1952.

Les procès les plus importants et les plus complets auxquels Auschwitz ait donné lieu se sont tenus en Pologne après la guerre. Sept cents membres de la SS employés à Auschwitz durent répondre de leurs agissements devant la justice polonaise, qui procéda de façon bien plus méthodique que la plupart des autres pays. Les deux procès les plus sensationnels se tinrent devant la plus haute instance judiciaire de Pologne, le Tribunal national suprême de Varsovie. Le procès de Rudolf Höss, qui se déroula entre mars et avril 1947, attira une attention considérable dans le monde entier. Il s’acheva par une condamnation à mort et Höss fut exécuté à Auschwitz I le 16 avril 1947. Quarante autres membres de la SS, dont certains de rang élevé, furent jugés au cours d’un deuxième procès, en novembre-décembre 1947. Celui-ci se conclut par 23 condamnations à mort, dont 21 furent suivies d’effet. Au total, la justice polonaise examina le cas de 673 prévenus, dont 21 femmes, pour des délits commis à Auschwitz. La majorité de ces procès eurent lieu dans des tribunaux régionaux (de voïvodie) et devant des cours spéciales à Cracovie et à Wadowice.

Adolf Eichmann fut jugé en Israël du 11 avril au 15 décembre 1961 pour différents chefs d’accusation, parmi lesquels l’organisation de la déportation de Juifs dans les camps d’extermination. Eichmann reconnut au cours de son procès s’être rendu environ cinq fois à Auschwitz et avoir assisté au processus d’extermination dans les chambres à gaz. Condamné à mort, il fut exécuté. En raison de son importante couverture médiatique, télévisée notamment, le procès Eichmann fit beaucoup pour attirer l’attention internationale sur l’extermination des Juifs d’Europe. La formule d’Hannah Arendt sur la banalité du mal exerça également une influence déterminante pendant plusieurs années sur la recherche concernant les auteurs de ces crimes.

En République Fédérale d’Allemagne, d’importantes poursuites judiciaires contre les membres de la SS employés à Auschwitz ont été engagées vers la même époque. L’opiniâtreté et l’engagement de Fritz Bauer, procureur général du Land de Hesse, permit que ce procès soit mené tambour battant.

Le procès de 22 employés d’Auschwitz commença le 20 décembre 1963 à Francfort et dura plus d’un an et demi. Trois cent cinquante anciens détenus vinrent témoigner. En décembre 1964, les juges se déplacèrent à Auschwitz, un événement qui marqua l’apogée politique de ce procès. En plus des membres du tribunal, entre deux cents et trois cents journalistes participèrent à cette visite du camp. Des peines de détention furent prononcées en 1965 contre dix-sept des prévenus, trois furent acquittés alors que deux avaient déjà été libérés antérieurement par le tribunal. Six accusés furent condamnés à la prison à perpétuité. Bien des observateurs, à l’étranger surtout, estimèrent que ces jugements étaient trop cléments, mais ce procès n’en eut pas moins un grand retentissement dans l’opinion publique en République Fédérale d’Allemagne, suscitant un vaste débat aussi bien public qu’historique sur les crimes des nationaux-socialistes.

Trois autres procès se tinrent encore à Francfort avant 1976 pour des crimes perpétrés à Auschwitz, mais ils furent de beaucoup moins grande envergure et attirèrent une attention relativement modeste. En RDA, le procès le plus sensationnel eut lieu à Berlin-Est en mars 1966. L’accusé était le docteur Horst Fischer qui avait travaillé comme médecin SS à Auschwitz à partir de novembre 1942. Le juge prononça une condamnation à mort dix jours seulement après le début des audiences, et Fischer fut guillotiné dans la prison de Leipzig le 8 juillet 1966. Des tribunaux tchèques avaient déjà condamné à mort deux membres du personnel médical de la SS, un homme et une femme. Plusieurs procès de membres de la SS en poste à Auschwitz se sont tenus en Autriche dans l’immédiat après-guerre. Deux membres de la Direction centrale de Construction SS d’Auschwitz furent jugés et acquittés à Vienne en mars 1972. (Pour plus de détails sur les procès, voir Werle/Wandres 1995 ; Wojak 2001 et 2004 ;Weinke 2002 ; Dirks 2006 ; Pendas 2003 ; Steinbacher 2004).

Le négationnisme (Le « mensonge d’Auschwitz »)

On a assisté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à un certain nombre de tentatives pour contester ou relativiser la politique nationale-socialiste d’extermination des Juifs d’Europe. La plupart de ceux qui nient la réalité de l’Holocauste se sont concentrés, et continuent à le faire, sur ce qui s’est passé dans le camp d’extermination d’Auschwitz, raison pour laquelle ils évoquent fréquemment le « Mensonge d’Auschwitz ». Les arguments de la majorité des tenants du négationnisme ou du révisionnisme reposent sur quatre modèles d’explication. Premièrement, ils contestent que la direction nationale-socialiste en général et Hitler en particulier aient été informés de ce qui se passait à Auschwitz. L’absence de directive d’Hitler ordonnant l’extermination des Juifs d’Europe occupe toujours une place centrale dans cette argumentation. Deuxièmement, ils mettent en doute la faisabilité même du processus d’extermination au camp d’Auschwitz, en s’appuyant essentiellement sur des données techniques concernant les capacités des chambres à gaz et des crématoriums, données qui devraient, dans l’esprit des négationnistes, conduire à réviser à la baisse de façon radicale l’estimation du nombre de victimes. Une autre variante de cet argument, qui conteste l’utilisation de Zyklon B à Auschwitz, fait valoir qu’il est impossible de retrouver des traces de ce produit chimique dans les chambres à gaz. Troisièmement, ils présentent de nombreux documents et déclarations comme des faux et des mensonges. Quatrièmement, ils s’emploient à relativiser les effectifs de victimes présentés par la recherche historique, qu’ils jugent beaucoup trop élevés ; l’argument de la capacité insuffisante des chambres à gaz est souvent avancé pour étayer cette allégation.

Dans les premières années d’avant-guerre, les thèses négationnistes étaient dominées par l’affirmation que l’Holocauste était une invention des Juifs et n’avait aucune réalité historique. Les écrits du fasciste français Maurice Bardèche en offrent un bon exemple. Mais la majorité des publications négationnistes datent des années 1970. On peut ainsi citer les ouvrages d’Emil Aretz, Arthur Butz, Richard Harwood, Robert Faurisson et Wilhelm Stäglich. Le Mensonge d’Auschwitz : un témoignage vécu (éd. allemande originale Die Auschwitz Lüge de 1973), une brochure rédigée par Thies Christophersen, un membre de la SS en fonction dans un camp annexe proche d’Auschwitz, a acquis une importance bien particulière dans ce contexte et son titre a été repris en guise de slogan par les négationnistes.

Depuis les années 1980, il est devenu de plus en plus difficile de contester et de banaliser l’Holocauste. En effet, et c’est la première raison, la recherche historique s’est concentrée sur le sujet de façon accrue et a tenu tête aux négationnistes ; deuxièmement, le négationnisme est désormais un délit sanctionné par la loi. En République Fédérale d’Allemagne, la négation de l’Holocauste, qui avait d’abord été protégée par la loi sur la liberté d’expression, est considérée comme diffamatoire depuis 1985 et peut, en tant que telle, donner lieu à des poursuites pénales. Depuis 1994, parler du « Mensonge d’Auschwitz » passe pour une incitation publique à la haine (Volksverheztung). Les négationnistes ont réagi en se retranchant derrière des arguments essentiellement techniques. Le Rapport Leuchter (1988) prétendant qu’il a été impossible de déceler la moindre trace de cyanure d’hydrogène dans les échantillons de pierre ramassés parmi les gravats des crématoriums d’Auschwitz, ce qui exclut qu’on ait pu y assassiner des détenus à l’aide de Zyklon B, a pris une importance particulière dans ce contexte (Enzyklopädie 1995, vol. 1, p. 121-126 ; Gutman 1985 ; Bastian 1997).

Avec le développement et la diffusion d’Internet, les négationnistes se sont de plus en plus repliés sur ce média, ce qui n’a pas empêché un procès qui s’est tenu à Londres en 2000-2001 d’être suivi avec une vive attention par l’opinion publique. Le journaliste britannique négationniste David Irving poursuivait pour propos diffamatoires l’universitaire américaine Deborah Lipstadt qui l’avait présenté comme un falsificateur de l’histoire, un antisémite et un raciste. Plusieurs historiens sont venus à la barre pour démontrer qu’Irving avait délibérément falsifié ou fait disparaître des preuves des exterminations massives perpétrées à Auschwitz. Irving a donc été débouté et le jugement a confirmé la pertinence des qualificatifs employés par Lipstadt en s’appuyant sur les écrits d’Irving. (Pelt 2002 ; Evans 2001).

Dans le cadre de l’internationalisation de la commémoration de l’Holocauste, l’Assemblée générale des Nations unies a également adopté, le 26 janvier 2007, une résolution approuvée à l’unanimité et sans une seule abstention par les 192 États membres, qui exhorte tous les membres de l’ONU à « rejeter sans réserve toute négation de l’Holocauste. »

Bibliographie

Sources et récits de témoins publiés

Adler, H. G., Langbein, H., Lingens-Reiner, E. (éd.), Auschwitz. Zeugnisse und Berichte, Cologne, Europaïsche Verlagsanstalt. 1962.

Frei, N. et al, (éd.) Standort- und Kommandanturbefehle des Konzentrationslagers Auschwitz 1940-1945, Munich, K. G. Saur, 2000.

Garlinski, J., Oswieçim walczaçy, Londyn, Odnowa, 1974 [en anglais : Fighting Auschwitz : The Resistance Movement in the Concentration Camp, Londres, J. Friedmann, 1975].

Gedenkbuch, Die Sinti und Roma im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau, éd. par le Musée national d’Auschwitz-Birkenau en coopération avec le Centre culturel de documentation des Sintis et Roms d’Allemagne, direction éditoriale Jan Parcer, 2 vols, Munich, K. G. Saur, 1993 [en anglais : Memorial book: the Gypsies at Auschwitz-Birkenau, Munich, Londres, New York, K. G. Saur, 1993.]

Greif, G., Wir weinten tränenlos ... Augenzeugenberichte des jüdischen Sonderkommandos in Auschwitz, Cologne, Göhlau, 1995 [en hébreu : Jérusalem, Yad Vashem, 1999 ; en polonais : Varsovie, ZIH, 2002; en anglais : We wept without tears: testimonies of the Jewish Sonderkommando from Auschwitz, New Haven (Conn.), Yale University Press, 2005.]

Hahn, H.-J. (éd.), Gesichter der Juden in Auschwitz : Lili Meiers Album, Berlin, Arsenal, 1995. [Voir aussi en français : L’Album d’Auschwitz : d’après un album découvert par Lili Meier, survivante du camp de concentration, , Seuil, 1983).

Höss, R., Kommandant in Auschwitz. Autobiographische Aufzeichnungen, introd. et commentaires Martin Broszat, Stuttgart, dtv, 1958 [en français : Le Commandant d’Auschwitz parle ; trad. C. de Grunwald, , R. Julliard, 1959 ; en anglais, Commandant of Auschwitz : The Autobiography of Rudolf Hoess, Londres, Phoenix Press, 2000].

Kielar, W., Anus Mundi. Fünf Jahre Auschwitz, Francfort/ Main, Fischer, 1982. [1re éd. en polonais : Anus mundi : wspomnienia Oświecimskie, Cracovie, Wydawnictwo literackie, 1972 ; en français : Anus mundi : cinq ans à Auschwitz ; trad. F. Straschitz, , R. Laffont, 1980].

Kraus, O. et Kulka, E. (éd.), The Death Factory. Document on Auschwitz, New York, Pergamon Press, 1966.

Langbein, H., Die Stärkeren. Ein Bericht, Vienne, Stern, 1949.

Langbein, H., Menschen in Auschwitz, Vienne, Europa, 1972 [en français : Hommes et femmes à Auschwitz ; trad. D. Meunier, , Fayard, 1975.]

Levi, P., Se questo è un uomo, Turin, Einaudi, 1958 [en français : Si c’est un homme, trad. M. Schruoffeneger, , Juillard, 1987 ; en anglais : Survival in Auschwitz : The Nazi Aussault on Humanity, New York, Simon & Schuster, 1996.]

Levi, P., Debenedetti, L., Auschwitz Report, Londres 2006 [1re éd. italienne dans la revue Minerva Medica XXXVII, Turin, 1946 ; en français : Rapport sur Auschwitz, trad. C. Petitjean, , Kimé, 2005].

Lingens-Reiner, E., Prisoner of Fear, Londres, Victor Gollancz, 1948 [éd. allemande Gefangene der Angst. Ein Leben im Zeichen des Widerstandes, Vienne, Deuticke, 2003.]

Müller, F., Sonderbehandlung, Munich, Steinhausen, 1979 [en français : Auschwitz. Trois ans dans une chambre à gaz. trad. P. Desolneux, , Pygmalion, 1980, 2008 ; en anglais : Eyewitness Auschwitz. Three Years in the Gas Chamber, Chicago, Ivan R. Dee, 1999.]

Pawelczynska, A., Werte gegen Gewalt. Betrachtungen einer Soziologin über Auschwitz, Oswiecim, Verlag des Staatlichen Museums Auschwitz-Birkenau 2001, [1re éd. polonaise, Wartosci A Przemoc, Varsovie, 1973 ; en anglais, Values and Violence in Auschwitz, Berkeley, University of California Press.]

Sterbebücher von Auschwitz, 3 vol., réd. Jerzy Debski et al., Munich, K.G. Saur, 1995.

Swiebocka, T., Webber, J. et Wilsack, C., Auschwitz. A History in Photographs, Bloomington, Indiana University, 1993.

Littérature secondaire

Allen, M. T., The Business of Genocide. The SS, Slave Labor, and Concentration Camps, Chapel Hill, University of North Carolina, 2002.

Allen, M. T., « The Devil in the Details. The Gas Chambers of Birkenau, October 1942 », Holocaust and Genocide Sudies 2002, 16, p. 189-217.

Allen, M. T. , « Anfänge der Menschenvernichtung in Auschwitz, Oktober 1941. Eine Erwiderung auf Jan Erik Schulte », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 2003, 51, p. 565-573.

Arendt, H., 1964, Eichmann in Jerusalem: a report on the banality of evil, New York, Viking press, 1963 [en français : Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal, trad. par A. Guérin, , Gallimard, 1966.]

Die Auschwitz-Hefte. Texte der polnischen Zeitschrift Przeglad Lekarski über historische, psychische und medizinische Aspekte des Lebens und Sterbens in Auschwitz, éd. Hamburger Institut für Sozialforschung, 2 vols, Hambourg, Rogner & Bernhard, 1994.

Bastian, T., Auschwitz und die Auschwitz-Lüge. Massenmord und Geschichtsfälschung, Munich, Beck,1997.

Berg, N., Der Holocaust und die westdeutschen Historiker. Erforschung und Erinnerung, Göttingen, Wallstein, 2003.

Brink, C., Ikonen der Vernichtung. Öffentlicher Gebrauch von Fotografien aus nationalsozialistischen Konzentrationslagern nach 1945, Berlin, Akademie, 1998.

Buggeln, M., Arbeit & Gewalt. Das Außenlagersystem des KZ Neuengamme, Göttingen, Wallstein, 2009.

Czech, D., Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinbek, Rowohlt 1989 [en anglais : Auschwitz Chronicle 1939-1945, New York, Henry Holt, 1990 ; en polonais, Kalendarz wydarzeń w KL Auschwitz, Oświęcim, Wydawnictwo Państwowego Muzeum w Oświęcimiu-Brzezince, 1992.)

Dirks, C., Die Verbrechen der anderen. Auschwitz und der Auschwitz-Prozeß der DDR: Das Verfahren gegen den KZ-Arzt Dr. Horst Fischer, Paderborn, Schöningh, 2006.

Dlugoborski, W. et Piper, F. (éd.), Auschwitz 1940-1945. Studien zur Geschichte des Konzentrations- und Vernichtungslagers Auschwitz, 5 vols, Oswiecim, Éditions du musée national, 1999 [en polonais, 1999 ; en anglais, Auschwitz 1940-1945: Central Issues in the History of the Camp, trad. W. Brand, Oswiecim, Éditions du musée national, 2000.)

Dubiel, H., Niemand ist frei von Geschichte. Die nationalsozialistische Herrschaft in den Debatten des Deutschen Bundestages, Munich, Hanser, 1999.

Dwork, D. et Pelt, R. J. van, Auschwitz, 1270 bis heute, Zürich, Pendon 1998.

Enzyklopädie des Holocaust. Die Verfolgung und Ermordung der europäischen Juden, 4 vols, dir. éd. I. Gutman, Munich, Piper, 1995.

Evans, R. J., Telling Lies about Hitler : The Holocaust, History and the David Irving Trial, New York, Basic Books, 2001 [en allemand : Der Geschichtsfälscher. Holocaust und historische Wahrheit im David-Irving-Prozess, Francfort, Campus, 2001].

Friedländer, S., , « Die Shoah als Element in der Konstruktion israelischer Erinnerung », Babylon, 1987, 2, p. 10-22.

Friedländer, S., Nazi Germany and the Jews, vol. 2, The years of extermination 1939-1945, New York, Harper Collins, 2007 [en français : L'Allemagne nazie et les Juifs, 2e vol. Les années d’extermination : 1939-1945, trad. P. E. Dauzat, , Seuil, 2008.]

Friedler, E., Siebert, B. et Kilian, A., Zeugen aus der Todeszone. Das jüdische Sonderkommando in Auschwitz, Lüneburg, Zu Klampen, 2002.

Fröbe, R., « Bauen und Vernichten. Die Zentralbauleitung Auschwitz und die Endlösung », Beiträge zur Geschichte des Nationalsozialismus, 16, 2000, p. 155-209.

Gerlach, C., 1997, « Die Wannsee-Konferenz, das Schicksal der deutschen Juden und Hitlers politische Grundsatzentscheidung, alle Juden Europas zu ermorden », WerkstattGeschichte, 18, p. 7-44.

Gerlach, C. et Aly, G., Das letzte Kapitel. Der Mord an den ungarischen Juden, Stuttgart, DVA, 2002.

Gutman, I., Denying the Holocaust, Jérusalem, Shazar Library, 1985.

Gutman, I. et Berenbaum, M. (éd.), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, Bloomington, Indiana University, 1994.

Hass, M., Gestaltetes Gedenken. Yad Vashem, das U.S. Holocaust Memorial Museum und die Stiftung Topographie des Terrors, Francfort/Main, Campus, 2002.

Hayes, P., Industry and Ideology. IG Farben in the Nazi Era, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.

Hayes, P., « Auschwitz. Capital of the Holocaust », Holocaust and Genocide Studies 2003, 17, p. 330-350.

Hefte von Auschwitz, vol. 1-22, éd. par le Musée national d’Auschwitz-Birkenau, 1959 sq.

Herbert, U., « Arbeit und Vernichtung. Ökonomisches Interesse und Primat der Weltanschauung im Nationalsozialismus, in du même (éd.), Europa und der Reichseinsatz. Ausländische Zivilarbeiter, Kriegsgefangene und KZ-Häftlinge in Deutschland 1939-1945, Essen, Klartext, 1991, p. 384-425.

Hilberg, R., The Destruction of the European Jews, Londres, W. H. Allen, 1961 [en français : La Destruction des Juifs d’Europe, trad. M.F. de Paloméra et A. Charpentier, , Fayard, 1988.]

Hilberg, R., Sonderzüge nach Auschwitz, Francfort/ Main, Fischer, 1987.

Hilberg, R., Sources of Holocaust research, Chicago, Ivan R. Dee, 2001 (en français : Holocauste: les sources de l'histoire, trad. M. F. de Paloméra, , Gallimard, 2001).

Hubermann, G.-D., Bilder trotz allem, Paderborn, Wilhelm Fink, 2007.

Jureit, U., Erinnerungsmuster. Zur Methodik lebensgeschichtlicher Interviews mit Überlebenden der Konzentrations- und Vernichtungslager, Hambourg, Ergebnisse, 1998.

Kárný, M., « Vernichtung durch Arbeit. Sterblichkeit in NS-Konzentrationslagern », in : Beiträge zur NS-Gesundheits- und Sozialpolitik, 1987, 5, p.133-158.

Kittel, S., Places for the displaced. Biographische Bewältigungsmuster von weiblichen jüdischen Konzentrationslager-Überlebenden in den USA, Hildesheim, Georg Olms, 2006.

Langbein, H., Der Auschwitz-Prozess. Eine Dokumentation, 2 vols, Vienne, Europa, 1965.

Langer, L., Holocaust Testimonies. The Ruins of Memory, New Haven, Yale University, 1991.

Levy, D. et Sznaider, N., Erinnerung im globalen Zeitalter: Der Holocaust, Francfort/Main, Suhrkamp, 2001 (en anglais : Holocaust and Memory in the Global Age, trad. A. Oksiloff, Philadelphie, Temple University Press, 2005).

Longerich, P., Politik der Vernichtung. Eine Gesamtdarstellung der nationalsozialistischen Judenverfolgung, Munich, Piper, 1998.

Longerich, P., Heinrich Himmler. Biographie, Munich, Siedler, 2008 (en français : Himmler : biographie, trad. R. Clarinard, , H. d’Ormesson, 2010).

Lüdtke, A., « Der Bann der Wörter: Todesfabriken », WerkstattGeschichte, 1996, 13, p. 5-18.

Miller, J., Love carried me home. Women surviving Auschwitz, Deerfield Beach, Simcha Press, 2000.

Nationalsozialistische Massentötungen durch Giftgas. Eine Dokumentation, 1986, éd. par Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl et al., Francfort/Main, Fischer, 1986. [en français : Kogon, E., Langbein H. et Rückerl, A., Les Chambres à gaz, secret d’État, trad. H. Rollet, , Éditions de minuit, 1984].

Ofer, D. et Weitzman, L. J. (éd.), Women in the Holocaust, New Haven, Yale University, 1998.

Der Ort des Terrors. Geschichte der nationalsozialistischen Konzentrationslager, éd. par Wolfgang Benz, Barbara Distel, vol. 5 : Hinzert, Auschwitz, Neuengamme, Munich, Beck, 2007.

Orth, K., Das System der nationalsozialistischen Konzentrationslager. Eine politische Organisationsgeschichte, Hambourg, Hamburger Edition, 1999.

Orth, K., Die Konzentrationslager-SS. Sozialstrukturelle Analysen und biographische Studien, Göttingen, Wallstein, 2000.

Pelt, R. J. van, The Case for Auschwitz. Evidence from the Irving Trial, Bloomington, Indiana University Press, 2002.

Pendas, D. O., The Frankfurt Auschwitz Trial 1963-1965, New York, Cambridge University Press, 2005.

Piper, F., Die Zahl der Opfer von Auschwitz. Aufgrund der Quellen und der Erträge der Forschung von 1945 bis 1990, Oswiecim, Staatliches Museum, 1993.

Piper, F., Arbeitseinsatz der Häftlinge aus dem KL Auschwitz, Oswiecim, Éditions du musée national, 1995.

Pollak, M., L’expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l'identité sociale, , Métailié, 1990.

Pressac, J.C., Les Crématoires d’Auschwitz. Les Machineries du meurtre de masse, , CNRS Editions, 1993.

Rees, L., Auschwitz: A New History. New York, Public Affairs, 2005.

Reichel, P., « Auschwitz » , in : E. François et H. Schulze (éd.), Deutsche Erinnerungsorte. Eine Auswahl, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 2005, p. 309-331.

Roth, K. H., « I.G. Auschwitz. Normalität oder Anomalie eines kapitalistischen Entwicklungssprungs ? », in : Deutsche Wirtschaft. Zwangsarbeit von KZ-Häftlingen für Industrie und Behörden, éd. par la Hamburger Stiftung für Sozialgeschichte des 20. Jahrhunderts, Hambourg, VSA Verlag, 1991, p. 79-96.

Sandkühler, T. et Schmuhl, H.-W., « Noch einmal. Die I. G. Farben und Auschwitz », in : Geschichte und Gesellschaft, 19, 1993, p. 259-267.

Schmaltz, F., « Die IG Farbenindustrie und der Ausbau des Konzentrationslagers Auschwitz 2006, 1941-1942 », Sozial Geschichte, 21/1, 2006, p. 33-67.

Sehn, J., Konzentrationslager Oswiecim-Brzezinka, Varsovie, Wydawnictwo Prawnicze, 1957.

Schulte, J.-E., Zwangsarbeit und Vernichtung: Das Wirtschaftsimperium der SS. Oswald Pohl und das SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt 1933-1945, Paderborn, Schöningh, 2001.

Schulte, J.-E., « Vom Arbeits- zum Vernichtungslager. Die Entstehungsgeschichte von Auschwitz-Birkenau 1941/42 », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 50, 2002, p. 41-69.

Segev, T., Le septième million : les Israéliens et le génocide, trad. de l’anglais et de l’hébreu par E. Errera, , L. Levi, 1993.

Steinbacher, S., Musterstadt Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich, K.G. Saur, 2000.

Steinbacher, S., Auschwitz. Geschichte und Nachgeschichte, Munich, Beck, 2004 [en anglais : Auschwitz, a History, New York, Harper, 2006.]

Steininger, R. (éd.), Der Umgang mit dem Holocaust. Europa USA Israel, Vienne, Böhlau, 1994.

Strzelecki, A., Endphase des KL Auschwitz. Evakuierung, Liquidierung und Befreiung des Lagers, Oswiecim, Éditions du musée national, 1995.

Szurek, J.-C., « Das Museum des Lagers Auschwitz », in : Leo, A. (éd.), Die wiedergefundene Erinnerung. Verdrängte Geschichte in Osteuropa, Berlin, Basisdruck, 1992, p. 239-264.

Wagner, B., IG Auschwitz. Zwangsarbeit und Vernichtung von Häftlingen des Lagers Monowitz 1941-1945, Munich, K.G. Saur, 2000.

Weinke, A., Die Verfolgung von NS-Tätern im geteilten Deutschland. Vergangenheitsbewältigung 1949-1969 oder: Eine deutsch-deutsche Beziehungsgeschichte im Kalten Krieg, Paderborn, Schöningh, 2002.

Werle, G. et Wandres, T., Auschwitz vor Gericht. Völkermord und bundesdeutsche Strafjustiz, Munich, Beck, 1995.

Wojak, I. (éd.), « Gerichtstag halten über uns selbst… » Geschichte und Wirkungsgeschichte des ersten Frankfurter Auschwitz-Prozesses, Francfort/Main, Campus, 2001.

Wojak, I., Auschwitz-Prozess 4 Ks 2/63 Frankfurt am Main, Cologne, Snoeck, 2004.

Wrocklage, U., Architektur zur « Vernichtung durch Arbeit ». Das Album der « Bauleitung d. Waffen-SS u. Polizei K.L. Auschwitz », Fotogeschichte 54, 1994, p. 31-43.

Yahil, L., Die Shoah. Überlebenskampf und Vernichtung der europäischen Juden, Munich, Luchterhand,1998. (1re éd. en hébreu, 1987).

Zimmerman, J.C., « Fritjof Meyer and the number of Auschwitz victims : a critical analysis », Journal of Genocide Research, 6/2, 2004, p. 249-266.

Zimmermann, M., Rassenutopie und Genozid. Die nationalsozialistische « Lösung der Zigeunerfrage », Hambourg, Christians, 1996.

  • 1. Le texte ayant été écrit en anglais, nous avons conservé le terme de « Holocauste ». Pour l’emploi de ce mot, voir le glossaire à « Holocaust », « Shoah », « Crime of genocide ».

Citer cet article

Buggeln Marc, Auschwitz, Mass Violence & Résistance, [en ligne], publié le : 15 Septembre, 2014, accéder le 17/05/2021, http://bo-k2s.sciences-po.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/auschwitz, ISSN 1961-9898
Retour en haut de page