Habyarimana, Juvénal
Né le 8 mars 1937, fils de Jean-Baptiste Ntibazirikana, ancien catéchiste (+Munyarugerero, 2003, 151), il suit le petit séminaire de Kabgayi, avant de terminer ses humanités latin mathématiques à Bukavu. Son mariage avec Agathe Kanziga, issue d’une importante famille de propriétaires fonciers bakonde sert une première ascension sociale. Il fait ensuite partie de la première promotion de l’Ecole d’officiers de Kigali qui prête serment dans les mains de Kayibanda le 23 décembre 1961. Il en sort sous-lieutenant et major de promotion (+Paternostre de la Mairieu, 1994, 170). Devenu ministre de la Garde Nationale et de la police le 9 novembre 1965, il est l’une des principales personnalités nordistes de la première république.
Promu Général- Major le 1er avril 1973, il prend le pouvoir sans violences le 5 juillet de la même année, profitant du mécontentement général, et de l’usure du régime de Gégoire Kayibanda. Habyarimana met en avant sa pratique du catholicisme, ce qui rassure les mouvements démocrates chrétiens au moment de son coup d’Etat.
Les premières années de la seconde république sont marquées par la création du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND- parti unique dont tout citoyen rwandais est membre à la naissance) en 1975, la recherche de l’apaisement ethnique à l’intérieur du pays, et une croissance élevée entre 1977 et 1981, qui font du pays un « bon élève » en matière d’aide internationale (+Uvin, 1999, 45-59). Toutefois, dès 1984, l’emprisonnement de Félicien Gatabazi, accusé de corruption, et la polarisation du pouvoir sur les personnes de Juvénal Habyarimana et son épouse (++Gasana, 2002, 47 ; Munyarugerero, 2003, 175) symbolise les dérives du régime. Juvénal Habyarimana est élu Président de la république en 1978, puis réélu en 1983 et 1988, jamais à moins de 99% des suffrages. La crise économique qui frappe le pays à partir de la seconde moitié des années 1980, l’assassinat en 1988 de Stanislas Mayuya, qu’il considérait comme son dauphin, contribuent cependant à fragiliser sa position politique. Soumis à des pressions extérieures (notamment l’annonce de la conditionnalité de l’aide lors du discours de François Mitterrand à La Baule en 1990), confronté à un mécontentement intérieur croissant, Juvénal Habyarimana annonce le 5 juillet 1990 un « aggiornamento politique ».
La guerre déclenchée par le FPR en octobre 1990, l’apparition des partis politiques d’opposition en 1991, ainsi que le durcissement de l’akazu regroupée autour de son épouse, achèvent de l’isoler. Son attitude au cours de la transition semble ainsi dictée par des considérations de court terme qui trahissent son affaiblissement : s’il accepte de négocier avec le FPR et l’opposition à Arusha, et la mise en place une nouvelle constitution, il dénonce le 15 novembre 1992 les accords d’Arusha comme des « chiffons de papier », et vante l’action des milices Interahamwe. Outre l’emprisonnement d’environ 8000 civils essentiellement tutsis dans les premiers jours de la guerre d’octobre 1990, il ne s’oppose pas à l’apparition de la CDR en 1992, et malgré l’accueil cordial qu’il réserve à la Commission Internationale d’Enquête sur les violations des Droits de l’Homme au Rwanda depuis
le 1er octobre 1990 (+CIDH, 1993, 6), il ne fait engager aucune poursuite réelle contre les responsables des massacres de Kibilira en 1990, du Bugesera en 1992, et de l’extermination des bagogwe en 1991. Contraint par la signature des accords définitfs d’Arusha en août 1993 à accepter la mise en place du nouveau gouvernement dirigé par Faustin Twagiramungu et de l’Assemblée Nationale de Transition, il tâche d’en retarder l’échéance à plusieurs reprises au début de l’année 1994 (+Reyntjens, 1995, 60).
Le 6 avril 1994, de retour du sommet régional de Dar Es Salaam (Tanzanie), au cours duquel il avait consenti à la mise en place du gouvernement issu des accords d’Arusha, Juvénal Habyarimana est assassiné, et avec lui le président burundais Cyprien Ntaryamira ainsi que dix autres passagers : l’avion qui les raméne à Kigali est abattu lors de sa descente sur l’aéroport de Kanombe.