Hou Yuon
Hou Yuon, né en 1930, fut un proche collaborateur de Khieu Samphan, qu’il rencontra au lycée à Phnohm Penh, mais était de caractère très différent. Alors que Samphan suivit toujours religieusement la ligne du Parti, Yuon refusait de se courber devant l’orthodoxie partisane, préférant exprimer ses propres opinions. Titulaire d’un doctorat d’économie à Paris dans les années 1950 (La paysannerie du Cambodge et ses projets de modernisation, 1955), sa popularité d’étudiant jovial et bon vivant le fit unanimement désigner comme chef de l’Association des Etudiants Khmers (Short, 2007: 85). Comme Samphan, ses idées sur l’économie du Cambodge et l’importance des paysans influencèrent plus tard les politiques Khmer Rouges (Sher, 2004: 207). A Paris, il se lie d’amitié avec Pol Pot, qui devint membre de sa cellule du Cercle marxiste, amitié qui devait plus tard lui être très utile au temps de ses difficultés politiques.
En 1958, Il est nommé au Parlement par le Prince Sihanouk et devient Secrétaire d’Etat dans le cadre des mêmes arrangements politiques qui conduisireent plus tard Khieu Samphan au gouvernement. Neuf ans plus tard, quand Sihanouk se retourne contre la Gauche, Yuon rejoint Samphan et s’enfuit dans la jungle. Après le coup d’Etat de 1970, il est successivement Ministre de l’Intérieur et Ministres des Réformes Communales et des Coopératives dans le GRUNK. Mais alors que Samphan se contente d’obéir au Parti, Yuon s’attire des inimitiés par son franc-parler (Heder). Nominalement responsable de la collectivisation dans le gouvernement de résistance de Sihanouk, il aurait été parmi les critiques au Congrès du PCK de 1971. Hou Yuon pensait que le système coopératif avait été mis en place trop vite, s’opposant à la collectivisation des objets personnels et de la nourriture et à la suppression des structures familiales. Il s’oppose également à l’abolition du marché (Sher, 2004: 212). Il aurait averti Pol Pot et Nuon Chea (dans une remarque peut-être apocryphe, bien que toujours citée par d’anciens Khmers Rouges) « Si vous continuez ainsi, je donne trois ans à votre régime avant de s’effondrer » (Short, 2007: chapter 2; Sher).
Il n’est pas évincé radicalement, bien qu’envoyé planter des légumes dans un petit poste Khmer Rouge sur la rivière Chinit appelé K-6. Après cet intermède, il revient brièvement en faveur, avertissant les habitants de Phnom Penh sur la radio Khmer Rouge en janvier 1975 qu’ils « mourraient inutilement » s’ils ne changeaient pas. Mais le mois suivant, il connait de nouveaux problèmes, et, avec deux autres vétérans Khmers Rouges jugés trop libéraux, est mis en attente dans des camps improvisés jusqu’à la sécurisation de Phnom Penh (Short, 2007). D’après plusieurs témoignages, il se serait vigoureusement opposé à l’évacuation des villes, ce qui lui causa probablement son éviction définitive (Kiernan, 1996: 33, 59).
La date de sa mort reste inconnue et des dizaines de versions existent. Beaucoup d’observateurs occidentaux affirment qu’il fut exécuté juste après la prise de la capitale par les Khmers Rouges. Il est maintenant prouvé que cette version est fausse, plusieurs témoins Khmers ayant confirmé qu’il ne fut pas tué à ce moment. Selon un témoin interrogé récemment par Philip Short, Yuon aurait été aperçu dans une base Khmer Rouge à Stung Trang à l’automne 1976. Ceci dit, les circonstances précises de sa mort restent mystérieuses. Steve Heder avance que Yuon pourrait être mort de maladie après son « procès ». D’autres suggèrent qu’il se serait suicidé. D’autres sources Khmer Rouges affirment qu’il mourut lorsqu’un guide montagnard envoyé par Pol Pot pour le ramener à Phnom Penh l’abattit en croyant qu’il allait saisirson pistolet. L’évènement aurait été présenté comme un accident (Short, 2007).
Il est caractéristique des Khmers Rouges de réviser leur histoire au fil du temps, pour adapter les évènements et les circonstances. C’est ainsi que Hou Yuon fut réhabilité dans le discours Khmer Rouge en 1978 (Sher, 2004: 290), sa loyauté cessant d’être remise en cause et Pol Pot l’appelant « camarade ».