Lon Nol
Tout comme Norodom Sihanouk, Lon Nol étudie au Lycée français de Saigon. Adulte, il s’employa à cacher ses origines sino-khmères, affirmant être un pur Khmer Noir. Il naît en novembre 1913 dans une riche famille de propriétaires terriens dans la province de Prey Veng à la limite du Vietnam. En 1937, il devient magistrat de l’administration coloniale et gouverneur provincial. Mais il poursuit l’essentiel de sa carrière dans les forces de sécurité - comme Chef de la Police (en 1951) puis Chef d’état-major quatre ans plus tard et finalement Commandant de l’Armée en 1960. Farouche anti-communiste, il incarne l’aile droite des gouvernements de Sihanouk. Le Renseignement militaire de Lon Nol est à créditer de la liquidation en 1962 du premier chef du PCK, Tou Samouth. Il devient deux fois Premier Ministre, en 1966-1967 puis à partir de 1969. Un collaborateur français écrivit de lui qu’il était « muet comme une carpe, avec la subtilité d’un bulldozer dans une forêt » (Charles Meyer, quoted from Short, 2007). Sihanouk était convaincu de la loyauté de Lon Nol, non sans raisons : ainsi celui-ci se montra-t-il initialement réticent au projet de coup d’Etat de Sirik Matak. Mais, aussi superstitieux que Sihanouk, il se laissa convaincre par des devins bouddhistes que son destin était d’écraser par la guerre les incroyants vietnamiens. Matak finit par lui adresser un ultimatum : se joindre au coup de force, ou être traité en ennemi. Au matin du 18 Mars, Nol accepte à contrecœur, et Sihanouk est déposé (Osborne, 1994: 212-214; Chandler, 2000: 200-206). On peut y voir une grave erreur stratégique : Nol et Matak comptaient sur un approvisionnement américain en armes et en hommes en soutien de leur régime, sans comprendre que les Etats-Unis cherchaient précisément une porte de sortie au bourbier vietnamien, et non à perpétuer la spirale de l’enlisement. Quand l’assistant militaire de Kissinger, Alexander Haig annonça à Nol qu’il était hors de question d’envoyer des troupes américaines au Cambodge, Nol s’effondra en larmes (Short, 2007: 286). Son nouveau régime était tout de même reconnu par Washington, et Nol autorisa les soldats américains et sud-vietnamiens à opérer en territoire cambodgien. Refusant la situation, Sihanouk contre-attaque par une alliance avec les Khmers Rouges : commence une phase de guerre civile, avec l’implication de puissances étrangères des deux côtés. Le gouvernement de Lon Nol fut marqué par des persécutions de milliers de Vietnamiens du Cambodge.
Le 9 octobre 1970, Lon Nol proclame la République Khmère, abolissant une monarchie vieille de plus de 1 200 ans. Après deux années comme Premier Ministre, pendant lesquelles les deux tiers du pays sont occupés par les Khmers Rouges et les Viet Cong, Lon Nol (devenu maréchal) prête serment de Chef de l’Etat et Ministre de la Défense. Entretemps, une attaque l’avait privé de toute capacité à gouverner, situation convenant parfaitement à Washington, qui empêcha toute tentative de le remplacer. Le régime de Lon Nol, inefficace et corrompu, commet erreur stratégique sur erreur stratégique. Lon Nol semble incapable de gérer le problème et s’entoure de voyants et de mystiques, dessinant une ligne magique dans le sable autour de Phnom Penh pour le protéger des communistes alors que les Etats-Unis achèvent leur retrait de la région. Ce retrait aurait put être rendu compliqué par une administration cambodgienne énergique et efficace, mais Lon Nol, maintenu par Washington, ne correspond plus à ces critères. Ce n’est qu’une fois que tout est perdu que Lon Nol est autorisé à démissionner, le 1er Avril 1975. Il fuit en Indonésie puis à Hawaï, avec 1 million de dollars pris dans la Banque Nationale du Cambodge. Il meurt en exil en Californie en 1985.