L’axe « Espaces migratoires régionaux : enjeux politiques et sociaux du contrôle des migrations en Europe et au Moyen-Orient » porté par Thomas Lacroix, Hélène Thiollet et Catherine Wihtol de Wenden dans le cadre du programme MOBGLOB, s’intéresse aux enjeux politiques de la gouvernance régionale des migrations en Europe et au Moyen Orient. Il s’agit de déterminer la place de l’Etat dans la gouvernance de la mobilité à l’échelle régionale notamment dans le cas européen entre la fin du 20ème et le début du 21ème siècle. La « gouvernance » oscille entre intégration et « retour de l’Etat » dans la gestion des migrations internationales, et on étudie les manifestations de cette « réaction souverainiste » sur la mobilité des personnes.
L’Union européenne, malgré ses politiques de sécurisation des frontières extérieures de l’espace Schengen et de contrôle à distance des flux à travers les politiques de visas et les accords bilatéraux semble avoir du mal à imposer un « gestion » efficace des flux migratoires. Le système, aussi sophistiqué soit-il, depuis les accords de Schengen, les traités d’Amsterdam et de Lisbonne, les instruments informatisés du SIS (système d’information Schengen), du SIVE (système intégré de vigilance externe protégeant les côtes méditerranéennes), de Frontex (mise en commun des polices européennes aux frontières extérieures de l’Europe), qui mettent en place une gestion intégrée des frontières, fonctionne mal : des milliers de clandestins meurent aux portes de l’Europe (dont 14 000 en méditerranée entre 1998 et 2008), au large de Gibraltar et des ¨îles Canaries, entre la Tunisie ou l’Albanie et les côtes italiennes ou grecques. Des voyages au long cours s’organisent depuis le Niger pour traverser le Sahara et une économie du passage prospère de la fermeture, à la mesure des difficultés apportées au franchissement. Des régularisations, toutes annoncées comme exceptionnelles, viennent ponctuer de temps en temps le cours des politiques de fermeture : 750 000 en Italie en 2004, puis autant en 2009, un million en Espagne en 2005.
Les débats entre les Etats membres et l’Union européenne et leur tension avec les normes internationales (la convention de 1951 par exemple) reflètent les différences entre les processus d’intégration régionale mais aussi l’articulation entre le niveau national et régional de la gouvernance des migrations internationales. La plupart des pays européens ont répondu à la pression migratoire sous la forme de modifications fréquentes des lois en vigueur sur l’entrée, le séjour et la nationalité ainsi que par des vagues de régularisations successives : durcissement des politiques d’entrée et du droit d’asile, externalisation des frontières à distance, maintien de l’opposabilité de l’emploi pour les non Européens qui cherchent à entrer sur le marché du travail lors de leur arrivée, restrictions temporaires apportées à l’accès au marché du travail des nouveaux Européens de l’Est. Si les procédures sont harmonisées à l’entrée ou en passe de l’être, les dispositions relatives au séjour restent du ressort de la souveraineté des Etats.
Le contrôle des « flux » migratoires illustre donc une des limites de l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre par les Etats sur la question migratoire. Entre le national et le global, il semble que l’on puisse observer à une échelle intermédiaire, celle d’ensembles régionaux cohérents (l’Europe) et de relations bilatérales, les modalités contemporaines de la gouvernance globale de la mobilité et son articulation avec d’une part les politiques de gestion développées par les Etats et d’autre part les dynamiques de transformations sociales de groupes sociaux touchés par le phénomène migratoires (migrants, diasporas, réfugiés, sociétés d’accueil).
Les activités liées à l’axe 2 comprennent l’organisation d’un séminaire de recherche en anglais sur la politique des migrations et les liens transnationaux dans le Golfe, organisé par Hélène Thiollet, Christophe Jaffrelot et Laurence Louer dans le cadre du groupe de recherche « Les relations entre le Golfe persique et l’Asie du Sud » et en partenariat avec le projet ANR SYSREMO dirigé par Leila Vignal. Le séminaire a eu lieu le 1er Juillet 2013 au CERI: voir « Migration and Social Change in the Gulf Monarchies ».
Elle comprennent aussi l’organisation de deux séminaires sur la gouvernance des migrations en Europe ainsi que des interventions auprès des médias et des acteurs publics dans un but d’information et d’aide à la décision. Les travaux se concluront par la publication d’un livre collectif en anglais sur les politique migratoires au Moyen-Orient.
Responsables : Thomas Lacroix, Hélène Thiollet, Catherine Wihtol de Wenden
Partenaires : Christophe Jaffrelot, Laurence Louer, Leila Vignal, Lucie Cerna et Pauline Brücker.
Pauline Brücker s’intéresse à la migration forcée dans la région du Nil et le Moyen Orient, en particulier en Egypte. Elle se concentre sur l’évolution des politiques d’asile et la diplomatie migratoire égyptienne, l’institutionnalisation du HCR ainsi que sur les processus de catégorisation sociale, attribution des statuts légaux et conditions d’extranéité dans la région.
Lucie Cerna s’intéresse à la question de la gouvernance des migrations très qualifiées à travers l’analyse des politiques publiques de la mobilité intra-européenne, des politiques publiques nationales des migrations qualifiées et de la politique de l’UE concernant ce type des migrants (notamment par le biais de la carte bleue européenne).
Hélène Thiollet étudie la diplomatie anti-intégration des pays du Golfe, à travers le cas de l’Arabie saoudite, à partir d’une exploration empirique des modes de « diplomatie migratoires » et de la « gestion des migrations » organisées par l’Etat saoudien à l’époque contemporaine.
Catherine Wihtol de Wenden analyse les tensions inhérentes à l’européanisation des politiques migratoires depuis la fin du 20ème siècle et la multiplication récente des accords bilatéraux dans le contexte de migrations venues du Sud de l’Europe.
Thomas Lacroix étudie les effets de la gouvernance des migrations sur l’intégration politique des Marocains et Algériens en France. La recherche porte sur les relations entre la gouvernance des Etats d’émigration et l’intégration politique des émigrés et leur inscription dans un champ de pratiques et de relations transnationales.