L’axe « Murs et frontières » porté par François Gemenne dans le cadre du programme MOBGLOB vise à décrire les dispositifs contemporains les plus visibles de limitation de la mobilité et explorer des scenarii politiques d’ouverture des frontières et de libéralisation de la mobilité.
L’ouverture des frontières aux échanges commerciaux et de capitaux s’est imposée progressivement comme un objectif politique et économique légitime voire évident. En revanche, l’hypothèse de l’ouverture des frontières aux migrations, donc d’une liberté totale de circulation et d’installation des hommes à travers le monde, est souvent considérée comme un scénario parfaitement irréaliste, une utopie libertaire pas plus souhaitable que légitime. Quoique la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule expressément que ‘toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien’ (art. 13-2), force est de constater que ce principe, tant qu’il n’est pas accompagné du droit d’entrer dans d’autres pays et de s’y installer, peut difficilement s’appliquer. Les odyssées modernes des sans papiers à travers mers et déserts illustrent le paradoxe d’une mobilité symbole d’hyper modernité pour les uns alors que les deux tiers de la population de la planète n’ont pas le droit de circuler librement. La sophistication du contrôle des frontières s’amplifie, des murs et des camps se construisent tandis que les mobilisations collectives mettent en avant les violations des droits de l’homme et la conquête de nouveaux droits. Les migrations internationales illustrent parfaitement le décalage entre la souveraineté des Etats et la mobilité des personnes, alors qu’elles contribuent à atténuer les grandes inégalités du monde et à faciliter le développement humain.
L’axe vise d’une part, à explorer les conséquences pratiques d’une possible ouverture des frontières dans une dimension prospective, d’autre part, à enquêter sur certains de ces nouveaux murs, parmi les plus significatifs, dans une perspective comparative, de manière à identifier à la fois leurs enjeux symboliques et leur impact sur les mouvements entre les pays qu’ils séparent.
Le séminaire que nous proposons d’organiser réunira plusieurs spécialistes français et étrangers, pour explorer les diverses implications (politiques, économiques, sociales, environnementales…) d’une possible ouverture des frontières migratoires européennes. L’objectif est de tester l’hypothèse selon laquelle d’autres variables et leviers d’action que les politiques migratoires (restrictives par définition) peuvent être mobilisées dans le cas d’une ouverture totale des frontières, qui produiraient des situations fort contrastées – certaines souhaitables, d’autres non. Pour ce faire, ce projet se propose de mettre en œuvre des méthodes de prospective basées sur la construction de scénarios narratifs et l’organisation d’un atelier d’experts.
Ces scénarios s’accompagneront d’exercices de représentation des flux migratoires et d’ordres de grandeur quantifiés afin de pouvoir :
– Examiner de manière réaliste les différentes conséquences possibles d’un scénario d’ouverture des frontières européennes ;
– Rationnaliser le débat sur cette hypothèse, en établissant des scénarios d’évolution crédibles tant au sein de l’Europe que dans les pays a priori perçus comme d’émigration ;
– Montrer l’intérêt des méthodes de la prospective pour l’élaboration de politiques migratoires innovantes permettant de sortir d’un débat mal positionné autour de la fermeture des frontières
Le projet serait l’un des premiers à appliquer les méthodes de la prospective aux questions migratoires avec l’objectif particulier de montrer que des alternatives existent aux politiques dominantes d’immigration choisie et sélective – quels que soient les critères. Il débouchera sur un rapport de référence.
Responsables : Pauline Brücker, François Gemenne, Hélène Thiollet