L’atelier « Un paysage global de camps », organisé par Michel Agier et Clara Lecadet, s’est tenu les 13 et 14 mai 2013 à l’EHESS. Il s’inscrit dans les activités de l’axe 3, intitulé « Un paysage global des camps : formation et gouvernance des lieux de la mobilité transnationale », du programme MOBGLOB et a permis de réunir une équipe internationale et pluridisciplinaire (anthropologues, géographes, politistes, philosophes, architectes) rassemblée autour d’un projet d’ouvrage collectif, dont la parution est prévue aux Editions de la Découverte en septembre 2014.
En préambule, Michel Agier a présenté le projet éditorial ainsi que les objectifs de l’atelier.
L’ouvrage proposera une réflexion générale et des recherches empiriques systématiques sur la diffusion du modèle du camp à l’échelle mondiale et sur les formes de gouvernance et/ou d’agency qu’elle implique, à la fois du point de vue des instances politiques, des organisations humanitaires et des personnes regroupées dans ces espaces. L’ethnographie des camps, formels et informels, de réfugiés, déplacés et/ou migrants, doit permettre de rendre compte de la complexité et de la diversité des situations locales mais aussi de penser leur intégration dans un « paysage » global. Son objectif est ainsi de proposer une description des dispositifs d’encampement à l’échelle mondiale, du camp humanitaire géré par les ONG et le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) aux lieux informels de regroupements des personnes déplacées et migrantes. Elle doit en outre permettre de dépasser la représentation des camps comme des espaces figés, en envisageant leur évolution ainsi que les processus sociaux et politiques dont ils sont tour à tour révélateurs et moteurs. Les analyses comparatives et/ou transversales aideront à dresser le tableau d’ensemble de l’encampement des indésirables, à partir d’un point de vue global et critique (guerre et non-guerre ; réfugiés et migrants ; humanitaire et police). Les camps s’inscrivent dans la « lourdeur » et la profondeur de certaines histoires spécifiques, locales et régionales ; celles de peuples en exil, karen, somali ou sahraoui, celles de régions « enkystées » dans des conflits anciens comme l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran, le Soudan et l’Érythrée, Israël et Palestine… La compréhension de l’état incertain du monde contemporain, trouvera des pistes dans l’état et le devenir incertain (urbain ou autre…) ou la disparition… des formes de camps, campements et refuges de toutes sortes.
L’atelier, destiné à discuter de manière transversale des thématiques de l’ouvrage et à permettre aux chercheurs de présenter leurs contributions, était organisé autour de 6 tables-rondes :
1. Camps, villes et territoires
De quelles transformations la relation des camps à leur environnement est-elle porteuse ? Dans quels cas deviennent-ils de nouvelles zones d’attraction économique, urbaine et régionale ? En quoi le régime d’exception qui les fondent explique-t-il ces interactions et se maintient-il dans la durée ?
Interventions de Hélène Thiollet (CERI, Paris), Bram Jansen (Wageningen University, Pays-Bas) et Alice Corbet (EHESS, Paris)
2. L’architecture et l’urbanisme des camps
Quelles sont les modalités techniques et logistiques de l’organisation des camps par le HCR, l’UNRWA et les ONG ? Peut-on parler d’un urbanisme des camps ? Quelles sont les significations et la portée des projets d’aménagement des camps ?
Interventions de Anoo Siddiqi (New York University), Alessandro Petti (DAAR, Bethleem), Nicolas Puig (IRD, Cemam, Beyrouth)
3. Les camps de réfugiés, espaces en mouvement : identité, mémoire, politique (Afrique, Asie)
Quelles sont les logiques, politiques ou autres, à l’origine de la création et de l’organisation des camps de réfugiés ? En quoi les camps constituent-ils des repères dans la mobilité et dans l’exil ? Que signifie leur fermeture ?
Interventions de Pierre Centlivres (Université de Neuchâtel), Alexander Horstmann (Mahidol University, Thaïlande) et Pedro Neto (EHESS, Paris)
4. Les camps dans l’histoire et le présent du Moyen-Orient
En quoi l’histoire des camps au Moyen-Orient est-elle emblématique de l’ancrage durable des espaces dédiés aux réfugiés dans l’histoire contemporaine, mais aussi de leur poids politique et de leurs transformations urbaines ?
Interventions de Hala Abou-Zaki (EHESS, Paris) et de Kamel Doraï (Migrinter, CNRS)
5. Les camps de déplacés internes : logiques d’installation, d’occupation et/ou d’urbanisation
En quoi les camps et autres espaces créés par et pour les déplacés internes, contribuent-ils (différemment des camps de réfugiés) à la reconfiguration urbaine, démographique, sociale et politique des villes et des territoires ?
Interventions d’Agnès de Geoffroy (CEDEJ, Khartoum), François Gemenne (IDDRI, Paris) et Stellio Rolland (EHESS, Paris)
6. Campements, ghettos, centres de rétention… des lieux hybrides ?
Les dispositifs d’enfermement et de contrôle des migrants, mais aussi les espaces auto-organisés créés par les déplacés, réfugiés et migrants durant leur exil, participent-ils d’une logique d’encampement à l’échelle globale ?
Interventions d’Olivier Clochard (CNRS, Niort), Jean-Louis Edogué (EHESS, Paris), Clara Lecadet (EHESS, Paris) et Louise Tassin (Université Paris 7)
Le débat conclusif, animé par Clara Lecadet, visait à faire la synthèse des discussions à partir de la question de savoir si l’on peut abstraire des cas présentés un modèle du camp et de ses avatars, ou si nous sommes face à une multitude d’histoires locales irréductibles.