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[DANS LES MÉDIAS] Pourquoi Meta a-t-il été condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros ?

Le 24 mai 2023, Florence G’sell était l’invitée de Guillaume Erner dans l’émission les Matins de France Culture. Le podcast peut être écouté ici.

L’article de France Culture :

C’est une amende record : Meta devra payer 1,2 milliards d’euros pour avoir enfreint le RGPD, la règlementation européenne sur la protection des données. Il est question d’un transfert des données depuis l’Union Européenne vers les Etats-Unis. Que fait encore Meta des nos données ?

Avec

  • Florence G’sell Professeure de droit privé à l’Université de Lorraine, co-titulaire de la Chaire Digital, Gouvernance et Souveraineté de Sciences Po et professeure invitée au Cyber Policy Center de l’Université de Stanford (Californie)

Sanction financière et interdiction de transfert des données aux Etats-Unis

Qu’est-ce que ça signifie pour Meta ? « Il s’agit d’une sanction financière de 1,2 milliard d’euros, ce qui est inédit dans l’Union européenne », analyse Florence G’sell, co-titulaire de la Chaire Digital, Gouvernance et Souveraineté de Sciences Po. « Mais il n’y a pas que cela parce que Meta est aussi condamnée à cesser à brève échéance de transférer les données aux États-Unis et est également condamnée à effacer les données qui sont stockées aux États-Unis depuis 2020 ».

Pourquoi est-il interdit de transférer des données aux États-Unis ? « Il n’est pas complètement interdit de transférer des données aux États-Unis, indique Florence G’sell. Mais Meta est supposé apporter des garanties de protection aux utilisateurs européens, et en l’occurrence, l’autorité irlandaise juge qu’elles ne sont pas suffisantes pour une raison simple qui est que la législation américaine permet des programmes de surveillance qui sont assez intrusifs. Dans ces conditions, les autorités de l’Union européenne ont tendance à considérer que tout transfert aux États-Unis est problématique ».

Une décision « attendue »

« Depuis 25 ans, plusieurs accords entre l’Union européenne et les États-Unis ont été signés pour encadrer les transferts de données et qui permettaient aux entreprises de transférer des données, explique Florence G’sell. Le dernier accord qui avait été conclu a été annulé en 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne et depuis, les entreprises qui souhaitent transférer des données aux États-Unis le font à partir de leurs propres conditions générales qui doivent protéger les utilisateurs. Et là, on dit à Meta que ce n’est pas suffisant« .

Cela fait donc un certain temps que Meta est sous les feux des projecteurs judiciaires. Cette amende était en partie attendue. « C’est une décision qui arrive après un très long parcours et qui fait encore l’objet de recours, précise Florence G’sellLes choses vont encore traîner et Meta compte sur le dernier accord conclu entre l’Union européenne et les États-Unis, qui devrait être finalisé, en tout cas validé au niveau de l’Union d’ici l’été et qui pourrait sortir d’affaire l’entreprise ».

Quelles seront les conséquences d’une telle sanction ?

Si ces données ne peuvent plus être transférées, que va t-il se passer ? « On observe une sorte de mouvement de localisation des données, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, la décision n’est pas isolée mais fait bien partie d’une logique plus générale qui veut que les données restent en Europe » indique Florence G’sell.

Elle ajoute que : « l’idée fondatrice est celle du « cloud souverain », ce qui pose un problème économique et un problème industriel. » Pourquoi ? « Parce que pour développer des technologies innovantes, on a besoin que les données puissent circuler. Et donc, en l’occurrence, cette décision ne concerne pas que la partie émergée de l’iceberg, c’est à dire Meta ou Twitter. Mais elle concerne aussi toutes les entreprises technologiques qui travaillent à partir des données et qui, pour un grand nombre d’entre elles, ont besoin de pouvoir les faire circuler. Et c’est sur ce point que j’aurais personnellement tendance à être un peu critique sur des décisions certes spectaculaires, mais peut-être problématiques dans leurs effets économiques« , conclut la professeure de droit.