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[POLICY BRIEF D’ÉTUDIANTS] Faut-il mettre en place une interopérabilité entre les plateformes de réseaux sociaux dans l’UE ?

Par Louis Denart, Noah Fröhlich, Nicoletta Koch & Giovanni Maggi


La Chaire Digital, Gouvernance et Souveraineté publie régulièrement les meilleurs essais et articles rédigés par les étudiants de Sciences Po dans le cadre de leurs études.

Ce Policy Brief a été sélectionné comme l’un des meilleurs travaux rédigés dans le cadre du cours enseigné par le Pr Florence G’sell « Comparative Approach to Big Tech Regulation » (approche comparée de la régulation des big tech) au printemps 2023.


Des effets de réseau importants, des coûts de changement élevés et des économies d’échelle contribuent à une concentration du pouvoir de marché sur le marché des réseaux sociaux. Cette concentration a des conséquences économiques et sociopolitiques négatives considérables : (i) une réduction de la concurrence et de l’innovation, (ii) un choix limité pour le consommateur, et (iii) des conséquences de plus en plus inquiétantes pour les démocraties libérales en raison d’une inégalité épistémique croissante. Les auteurs de cette note politique soutiennent que l’interopérabilité horizontale obligatoire pour les plateformes de réseaux sociaux dominantes est un instrument puissant et approprié pour s’attaquer à ce problème. 

Contrairement à d’autres approches, telles que le démantèlement des grandes entreprises technologiques, leur proposition d’interopérabilité aborde les mécanismes économiques sous-jacents de l’économie de plateforme. Rendre les services interopérables sur le marché des réseaux sociaux peut renforcer la compétitivité des petits réseaux sociaux, encourager l’innovation et la diversité sur le marché, et réduire la concentration du marché et les comportements anticoncurrentiels des acteurs historiques du marché.

Plus précisément, les quatre auteurs proposent d’exiger des plateformes de réseaux sociaux dominantes qu’elles fournissent, sur demande, aux plateformes de réseaux sociaux plus petites un accès interopérable à sept fonctionnalités essentielles de réseaux sociaux qui contribuent directement à surmonter les effets de réseau : (i) le profil d’un utilisateur, (ii) les connexions et (iii) les contacts ; (iv) le partage de textes, (v) d’images et (vi) de vidéos ; ainsi que (vii) l’engagement de contenu. Pour garantir une mise en œuvre efficace de notre proposition, ils recommandent de suivre une approche en trois étapes pour rendre ces fonctions progressivement interopérables. 

D’un point de vue technique, un tel mandat d’interopérabilité est réalisable, et les auteurs de la note discutent de deux solutions techniques possibles – normes ouvertes ou API ouvertes – qui pourraient être techniquement mises en œuvre par les plateformes dominantes. 

Enfin, en présentant la législation européenne existante en matière d’interopérabilité – à savoir l’article 102 du TFUE, la loi sur les marchés numériques, le règlement général sur la protection des données, la directive sur les programmes d’ordinateur et la directive sur les services de paiement 2 – ils soutiennet qu’un mandat pour l’interopérabilité horizontale serait parfaitement intégrable dans le paysage juridique européen plus large.


Louis DENART a une formation universitaire et professionnelle en politique numérique et technologique. Il est titulaire d’une licence en politique, administration et relations internationales ainsi que d’une mineure en économie et économétrie. Avant de rejoindre Sciences Po, Louis a travaillé au ministère allemand des Affaires étrangères et aux Nations unies. Il s’intéresse particulièrement à la gouvernance de l’intelligence artificielle et à la lutte contre les menaces hybrides dans un contexte de concurrence géopolitique accrue. Il est étudiant en Master de politiques publiques à l’École des affaires publiques de Sciences Po Paris, dans la filière Numérique, nouvelles technologies et politiques publiques.

Noah FRÖHLICH est titulaire d’une licence en sciences politiques de la Freie Universität de Berlin. Ses recherches portent sur la sociologie politique, les études électorales et le populisme. Noah a acquis une expérience professionnelle en tant que conseiller politique d’un membre du Parlement allemand, en se spécialisant sur les sujets de la santé en ligne. Il est étudiant en Master d’affaires européennes à l’École des affaires publiques de Sciences Po Paris, dans la filière Numérique, nouvelles technologies et politiques publiques.

Nicoletta KOCH est étudiante en master d’affaires européennes à Sciences Po Paris (filière Numérique, nouvelles technologies et politiques publiques) et à la Freie Universität de Berlin. Elle est titulaire d’une licence en politique, psychologie, droit et économie de l’université d’Amsterdam, où elle s’est spécialisée en droit. Nicoletta aime aborder la politique numérique d’un point de vue multidisciplinaire et s’intéresse particulièrement à la géopolitique des technologies numériques ainsi qu’à la plateformisation des infrastructures.

Giovanni MAGGI est étudiant en master dans la filière numérique, nouvelles technologies et politiques publiques du master Affaires européennes de Sciences Po. Il est titulaire d’une licence en philosophie et en études internationales et économiques de l’université Ca’ Foscari de Venise. Ses recherches portent sur l’impact social de la technologie, en particulier la désinformation et la polarisation.