Faut-il transformer le statut des plateformes numériques afin de les contraindre à des obligations et des pénalités plus fortes ? Les plateformes peuvent-elles réellement se soumettre aux décisions d’une « cour suprême » internationale comme l’Oversight Board de Facebook ?
La séance Transnum du 28 mai a proposé d’aborder ces questions à travers des perspectives issues du droit, de la sociologie, de l’analyse des politique publique et de la théorie politique.
Programme :
« Un regard sociologique sur la régulation des contenus sur Internet » par Dominique Cardon et Valentine Grosset (Chaire Good in Tech)
Cette présentation introductive propose de mettre en perspective quelques-uns des nombreux débats qui entourent la régulation de la modération des contenus. Dominique Cardon et Valentine Grosset s’attacheront à mettre en perspective les différentes solutions de régulation discutées aujourd’hui (DSA/DMA, auto-régulation, Oversight Board…) au regard de la transformation des espaces de parole numérique. Les espaces ouverts par Facebook et Twitter doivent-ils être considérés comme des espaces publics ? À quelle échelle, nationale ou internationale, doit-on définir les cadres normatifs de la régulation des contenus ? Assiste-t-on à une demande de sévérité renforcée à l’égard des mauvais propos ? Faut-il réguler les contenus ou l’attention des utilisateurs ? Dans le cadre d’une recherche lancée par la chaire Good in Tech, Dominique Cardon et Valentine Grosset porteront attention à la manière dont la désinformation et le discours de haine occupent aujourd’hui le centre du débat aussi bien du côté des États, des plateformes que des attentes exprimées par les utilisateurs.
« Quelles stratégies pour mieux réguler les réseaux sociaux? L’Europe et les États-Unis” » par Florence G’Sell, professeure de droit privé à l’Université de Lorraine et titulaire de la Chaire Digital, Gouvernance et Souveraineté (École d’affaires publiques, Sciences Po)
La prolifération des contenus toxiques et l’emprise croissante des réseaux sociaux sur la vie quotidienne et le débat public conduisent aujourd’hui les États à envisager de nouveaux modes d’intervention pour encadrer leurs activités. Plusieurs pistes sont envisageables: alourdir la responsabilité des plateformes, agir sur le terrain de l’antitrust, voire même créer des instances de régulation spécialisées pouvant, entre autres choses, contrôler les algorithmes. Alors que l’Union Européenne s’est engagée ces derniers mois dans une réforme en profondeur des réglementations applicables aux plateformes, l’administration Biden n’a pas encore dévoilé sa stratégie, dans un contexte où de nombreux experts appellent au démantèlement des grandes plateformes et à une modification de la fameuse section 230 du Communications Decency Act. Florence G’Sell évoquera donc ici les pistes envisagées en Europe et aux États-unis.
« Régulations des réseaux sociaux : quatre clés de lecture du débat » ” par Benoît Loutrel, conseiller du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)
Cette communication propose des pistes de réflexion et de solutions dans le débat sur la régulation des plateformes. Pour ce faire, elle prendra appui sur quatre questions :
1- Comment “Réguler les contenus” tout en protégeant les libertés individuelles ?
2- Faut-il étendre la responsabilité éditoriale aux plateformes ou inventer une responsabilité “algorithmique” ?
3- Quel modèle de régulation entre intervention directe et indirecte ?
4 – Quelle gouvernance entre UE et États membres face à des acteurs globaux mais des désordres informationnels localisés ?
« Réguler, refroidir et réinstituer les plateformes systémiques » par Dominique Boullier, Professeur de sociologie au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po (CEE, CNRS, Sciences Po)
La question du démantèlement des plateformes systémiques est désormais à l’ordre du jour, sur un mode plutôt industriel. Dans cette présentation Dominique Boullier montrera qu’il faut traiter aussi leur rôle prépondérant dans l’économie de l’attention et dans le réchauffement médiatique qui accélère les contenus en les rendant viraux pour favoriser l’engagement, source de revenus publicitaires. Il faut aussi sortir du « rough consensus and running code (+apologies) » qui est leur unique dogme et qui sabote le droit qui « institue la vie » et les souverainetés au profit de leur suzeraineté topologique étendue.