Accueil>La préfecture de police face au défi des évènements de demain
15.05.2023
La préfecture de police face au défi des évènements de demain
Dans le cadre des Masterclass de la spécialité Sécurité et Défense, l’École d’affaires publiques a eu l’exceptionnel honneur d’accueillir M. Laurent Nuñez, préfet de Police de Paris. Ayant consacré la majeure partie de sa carrière à servir l’État au ministère de l’Intérieur, Laurent Nuñez est nommé préfet de Police de Paris le 20 juillet 2022 par le Président de la République. Fort de ses nouvelles fonctions, Monsieur Laurent Nuñez a tenu à sensibiliser la communauté étudiante au rôle et aux enjeux contemporains de la préfecture de Police.
Une ôde aux carrières administratives
Au cours de sa carrière de haut fonctionnaire, Laurent Nuñez s’est distingué par de nombreux passages dans la préfectorale, en tant que sous-préfet de Bayonne, directeur du cabinet du préfet de Police de Paris Bernard Boucault, puis préfet de Police des Bouches-du Rhône. Laurent Nuñez dispose également d’une fine connaissance de la structure étatique acquise tout au long de son parcours administratif exceptionnel - avec notamment sa nomination à la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), puis en tant que Secrétaire d’État au Ministère de l’Intérieur auprès de Christophe Castaner ou encore comme Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme auprès de la Présidence de la République. Depuis sa prise de fonction à l’été dernier, Laurent Nuñez s’est vu confier une responsabilité unique en ce qu’elle incarne une fonction administrative de premier plan : celle de préfet de Police de Paris.
Interrogé sur sa carrière, Laurent Nuñez a insisté, dans une relation presque intimiste avec son audience, sur la « noblesse des missions de la fonction publique » et les opportunités de progression interne qu’elle offrait. Alors qu’il avait commencé sa carrière en tant qu’inspecteur des impôts, il a rapidement rejoint l’École nationale d'administration par voie interne et a choisi d’intégrer le ministère de l’Intérieur afin d’alterner les postes en administration centrale et à l’échelon déconcentré.
Au lendemain des débordements de la crise sociale des Gilets Jaunes et de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, Laurent Nuñez a très rapidement été interrogé sur >la dégradation de la confiance citoyenne en l’institution policière. Dès lors, comment rétablir un lien de confiance ? Si les médias et journalistes tendent à identifier un « style Laurent Nuñez » plus humaniste, le préfet de Police insiste sur le fait que les « politiques de fond ne changeront pas » de celles menées par son prédécesseur, Didier Lallement. Laurent Nuñez a notamment affirmé qu’une bonne gestion de ces évènements se caractérise par un juste équilibre entre préservation des libertés individuelles dans le respect du cadre légal sécuritaire et réponse proportionnée face aux débordements identifiés.
La préfecture de Police : une institution centrale justifiée par le particularisme parisien
Dans le contexte de l’organisation de la Coupe du monde de Rugby et des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP 2024) prévus respectivement en 2023 et 2024, Laurent Nuñez a été questionné sur les enjeux relevant directement de la préfecture de Police. Il a rappelé que durant les JOP 2024, la compétence territoriale du préfet de Police sera étendue à l’ensemble de la Zone de défense et de sécurité Île-de-France afin d’en faciliter la gestion à un niveau centralisé. Le préfet de Police a également présenté les trois principaux axes d’action pour la préfecture de Police : la sécurisation des zones sensibles à l’instar du village olympique, la lutte contre la délinquance et, enfin, une gestion optimale des flux touristiques massifs. Afin d’assurer ces missions, la préfecture de Police pourra compter sur ses 45 000 agents mobilisés partout à Paris et en petite couronne au sein de la zone francilienne. Sur l’île de la Cité, l’entourage du préfet de Police nous a confié que l’un des éléments clés de la bonne réussite de ces deux grandes échéances sportives serait une bonne « expérience spectateur », qui dépend notamment de la sécurisation des infrastructures d’accueil et de leurs itinéraires d’acheminement. Autant de questions cruciales qui nécessiteront une coopération renforcée entre la préfecture de Police, la RATP, la SNCF et Île-de-France Mobilités.
Régulièrement désigné comme un « second ministre de l’Intérieur », le préfet de Police a également rappelé les délimitations des fonctions préfectorales lors de cet échange. En réponse aux rapports de la Cour des Comptes et du Sénat remettant en cause un enchevêtrement des missions de la Préfecture de police avec celles de la DGPN d’une part, de la ville de Paris d’autre part, Laurent Nuñez justifie le vaste champ d’action que le droit consacre à la préfecture de Police par les particularités de la capitale française. L’exceptionnelle dynamique de sa vie revendicative, la présence historique de nombreuses institutions et lieux de pouvoir mais également la présence de bassins de délinquance qui s’affranchissent des limites administratives sont autant de caractéristiques singulières de Paris « ville capitale ».
Un moment d’échanges privilégié avec les étudiants
Dans un second temps, le préfet de Police a eu l’occasion de répondre aux nombreuses questions des étudiants, présents au sein de l’emblématique amphithéâtre Émile Boutmy. Nous en avons retenu quelques-unes :
Questionné à propos de la délinquance commise par des étrangers en situation irrégulière (ESI), le préfet de Police a fermement affirmé qu’il n’existe « aucun lien entre l’immigration et la délinquance […] On regarde les gens pour ce qu’ils font et non pas pour ce qu’ils sont ». Néanmoins, il a précisé que 48% des actes de délinquance parisiens sont commis par des étrangers - en situation régulière ou irrégulière - contre 19% sur le territoire national. Ce constat oblige les services de la préfecture de Police à agir pour « gérer ces jeunes majeurs étrangers qui se livrent à des actes délictueux », souvent dans des zones touristiques. Le préfet de Police a rappelé la nécessité de l’exécution des notifications d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) pour les ESI ayant été mis en cause dans des faits de délinquance ou troublant l’ordre public.
En matière de lutte antiterroriste, Laurent Nuñez a également mis en exergue la « mission triple » de la préfecture de Police : il s’agit pour l’institution de participer à la communauté du renseignement par l’intermédiaire de la Direction du renseignement de la préfecture de Police (DRPP), d’identifier les éléments potentiellement radicalisés au cours des opérations de police du quotidien et de déployer un dispositif de voie publique dans le cadre du plan VIGIPIRATE (surveillance des institutions, des lieux de culte, des évènements à risques particuliers).
Le préfet de Police a également affirmé qu’il souhaitait une bonne coopération entre ses services et la Police municipale de Paris récemment créée : « Il est fondamental que la Mairie de Paris soit impliquée dans les questions de sécurité ». Il a rappelé qu’à la faveur d’une réforme de 2017, des compétences d’attribution ont été confiées à la Police municipale de Paris telle que la circulation, la salubrité publique, et les nuisances sonores. Des désaccords peuvent apparaître sur certains sujets avec la Maire de Paris mais « nous continuons d’échanger » et ce, de manière constructive.
Enfin, interrogé sur son quotidien en qualité de préfet de Police, Laurent Nuñez s’est confié : « Les journées commencent souvent très tôt » avec la prise de connaissance des actions de police de la nuit et la sélection de celles qui doivent être portées à la connaissance du gouvernement. Puis, des réunions quotidiennes sont organisées en présence du cabinet et des directeurs des services actifs et administratifs afin d’ajuster des instructions. « Ce sont des journées bien remplies, toujours émaillées de faits qui demandent une décision ».
Cette Masterclass a constitué une opportunité exceptionnelle pour les étudiants de l’École d’affaires publiques de mieux appréhender les enjeux sécuritaires parisiens et ce à un moment charnière avec, en perspective, deux grandes échéances politiques, culturelles et médiatiques : la Coupe du monde de Rugby 2023 et les JOP 24. Succédant à la figure du lieutenant-général de police dès 1800, le préfet de Police a donc vocation à impulser les grandes directions de son institution, tout en les harmonisant avec les orientations gouvernementales. Tout au long de cet événement, Laurent Nuñez a témoigné de son attachement à la fonction publique et a invité les étudiants présents à s’intéresser aux missions étatiques, noble cause selon notre invité.
Masterclass organisée par Léana Loureiro, Olivier Nachin, Martin Parnaudeau, Isaure Peyrard et Arthur Pinedre-Lecomte, étudiants de la spécialité Sécurité et défense de l'École d'affaires publiques.