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17.04.2025

World Elite Database : comparer les élites économiques à l’échelle mondiale

Une collaboration de près de 70 chercheurs et chercheuses en sciences sociales, dont fait partie Bruno Cousin, professeur FNSP au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE), a constitué une base de données mondiale sur les élites économiques (“World Elite Database”, WED) comprenant à l’heure actuelle 16 pays dont la France. Sa construction, sur des critères communs, permet véritablement pour la première fois de comparer les élites économiques dans des contextes nationaux très différents.

Les premiers résultats de ce programme de recherche international viennent d’être publiés dans The British Journal of Sociology.

Une cartographie qui couvre 16 pays

Pour cartographier de la manière la plus complète possible le pouvoir économique, les élites prises en compte dans cette base de données sont celles qui dirigent les plus grosses entreprises de chacun des pays, possèdent les plus grandes fortunes, et/ou sont en position d’influencer les règles du jeu économique (certains ministres et hauts fonctionnaires, et les dirigeants des principaux gestionnaires d’actifs, groupes d’intérêt, cabinets de conseil, banques d’affaires et cabinets d’avocats d’affaires).  

Après 3 ans de travail, plus de 3 500 individus ont été recensés au total dans les 16 pays étudiés, avec pour chacun plusieurs données biographiques, qui permettent de comparer leurs profils. La base couvre à l’heure actuelle des pays de 4 continents (Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie), représentant 33 % de la population mondiale, 54 % du PIB mondial et 74 % des milliardaires. 

Premiers résultats : âge et genre

Les premiers résultats suggèrent que ces élites économiques ne forment pas un groupe homogène, et quelques grandes tendances peuvent déjà être identifiées. Sans surprise, les personnes exerçant un pouvoir économique sont plus souvent des hommes, âgés, nés dans une capitale économique, et d’un niveau d’éducation plus élevé que la moyenne.

Les États-Unis ont cependant les élites économiques les plus âgées de l’échantillon (âge médian de 62 ans), tandis que la Chine et la Pologne ont les élites les plus jeunes (âge médian de 55 et 55,5 ans), peut-être parce que ces pays ont intégré plus récemment l’économie mondialisée. 

Ces élites économiques sont encore moins féminisées que les élites politiques. Et, la WED étant constituée du “sommet” des élites économiques (et notamment des PDG des entreprises), le déséquilibre de genre est encore plus marqué que dans les conseils d’administration. 

Proportion de femmes parmi les élites prises en compte dans la WED (en comparaison avec les élites politiques, au niveau ministériel ou parlementaire, et avec celles des conseils d'administration)  (crédits : 2025 F. Bühlmann et al, The British Journal of Sociology )

L'importance du lieu de naissance et du niveau d'éducation

Malgré la globalisation, la majorité de ces top élites sont nées dans le pays de l’organisation qu’elles dirigent. Et naître dans la capitale économique peut être un avantage considérable, notamment en France (où c’est le cas de 39 % des élites, contre 13 % aux États-Unis, 14 % au Royaume-Uni et 17 % en Italie).

La Suisse et le Royaume-Uni se distinguent quant à eux par une proportion importante d’élites nées à l’étranger, alors que celles-ci sont quasiment inexistantes en Chine. 

Lieu de naissance par zone urbaine fonctionnelle (FUA), trié selon la représentation de la capitale économique ou des 50 % de FUA les plus importantes. La Russie est exclue de cette analyse en raison du manque de disponibilité des données. (crédits : 2025 F. Bühlmann et al, The British Journal of Sociology)

Les niveaux d’éducation varient aussi : si le niveau master prédomine dans la majorité des pays dont la France (où l’on observe une prédominance des grandes écoles), le niveau licence est majoritaire en Argentine, en Italie et au Royaume-Uni.

En Allemagne, 36 % des élites économiques sont titulaires d'un doctorat, 27 % en Chine, 21 % aux États-Unis, mais c’est moins de 10 % dans la plupart des pays (8 % en France).

Quant au domaine d’études majoritaire, c’est bien sûr le commerce, dépassé seulement en Chine et en Finlande par les études d’ingénieur

Niveau d'éducation le plus élevé (trié selon la proportion de doctorats). La Russie est exclue de cette analyse en raison du manque de disponibilité des données. (crédits : 2025 F. Bühlmann et al, The British Journal of Sociology)

Les équipes de la World Elite Database vont à présent exploiter ces données de manière plus détaillée, tout en effectuant des mises à jour régulières. Elles sont aussi en train d’intégrer d’autres collègues afin de couvrir davantage de pays.

Références :

  • Le site de la collaboration WED (World Elite Database) : worldelitedatabase.org 
  • L’article paru dans The British Journal of Sociology (open access): Varieties of Economic Elites? Preliminary Results From the World Elite Database (WED), Felix Bühlmann, Caroline Ahler Christesen, Bruno Cousin, François Denord, Christoph Houman Ellersgaard, Paul Lagneau-Ymonet, Anton Grau Larsen, Mike Savage, Sylvain Thine, Kevin Young, Pedro Araujo, Paola Arrigoni, Jorge Atria, Pierre Benz, Johanna Behr, Maria do Carmo Botelho, Asif Butt, Pedro Casanova, Luís Clemente-Casinhas, Ana Castellani, Fabio Cescon, Joselle Dagnes, Hanna Debska, Anne-Sophie Delval, Vitalina Dragun, Andreia Egas, Kajsa Emilsson, Xiaoguang Fan, Fan Fu, Julia Gentile, Orlando Gomes, Victoria Gronwald, Mariana Heredia, Johannes Hjellbrekke, Jorge Honório, Jie Huang, Johnathan Inkley, Håkan Johansson, Ilkka Koiranen, Aki Koivula, Hanna Kuusela, Gabriel Levita, Chao Ling, Peng Lu, Michael Lukas, Jacob Lunding, Mina Mahmoudzadeh, Sean McQuade, María Luisa Méndez, Nuno Nunes, Shay O'Brien, Gabriel Otero, Marta Pagnini, Alejandro Pelfini, Jéssica Pereira, Catalina Roa, Thierry Rossier, Marte Lund Saga, Dulce Santana, Christian Schneickert, Elisabeth Schimpfössl, François Schoenberger, Izaura Solipa, Łukasz Trembaczowski, Maren Toft, Sofia Vale, Pedro Vasconcelos, Jorge Quesada Velazco, Tomasz Warczok, Xinguo Yu. The British Journal of Sociology, First published: 27 March 2025. DOI: 10.1111/1468-4446.13203
     

(crédits : Shutterstock / Dilok Klaisataporn)