Que ce soit par le biais de l’histoire ou d’études comparatives, plusieurs travaux jettent un éclairage sur le fait électoral au delà de nos frontières.
Spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis et en particulier des minorités, Pap Ndiaye consacre une de ses recherches à leur droit de vote et à son application. En effet, alors que l’accès au vote pour les minorités est censé être garanti depuis 1965 par le Voting Rights Act qui interdit toute discrimination dans l’acte électoral, il pose encore problème aujourd’hui. Il s’avère que dans certains États (c’est à leur niveau que sont définies les modalités du vote) le droit de vote est amputé par des dispositions de sa mise en place. Une amputation qui fait suite à la disparition de la Commission fédérale de contrôle de l’application du Voting Rights Act, décidée en 2013 par la Cour Suprême. Depuis lors, plusieurs États contrôlés par le Parti républicain ont mis en place des dispositions visant à restreindre l’accès au vote touchant principalement les minorités : au nom de la lutte contre la fraude, on supprime les bureaux de vote dans certains quartiers (en majorité, ceux où habitent les minorités), il est demandé de présenter un permis de conduire (la carte d’identité n’existant pas aux USA) que tous n’ont pas etc. Deuxième façon de restreindre l’accès au vote : priver certains citoyens de tous leurs droits civiques. C’est notamment le cas pour les détenus et anciens détenus, où la part hispanique et afro-américaine est sur-représentée. Au total, ce sont aujourd’hui 6 millions de citoyens qui sont privés de leurs droits civiques. Ainsi, aux USA, l’accès au droit de vote pour tous n’est pas encore une chose acquise.
Vladimir Poutine en Russie, Recep Erdogan en Turquie, Narendra Modi en Inde, Mahinda Rajapakshe au Sri Lanka, Benjamin Netanyahou en Israël et Shenzo Abe au Japon – Shinawatra Thakshin, Anwar Ibrahim en Malaisie, autant de leaders qui – parmi d’autres – ont été élus, voire réélus, sans briller par leur respect des contre-pouvoirs et du pluralisme. Et pourtant ceux que l’on peut appeler des démagogues n’ont pas contesté le processus électoral, et leurs scores aux élections sont significatifs. Comment expliquer ces phénomènes ? C’est la question qu’étudient plusieurs chercheurs du CERI, au sein d’un groupe animé par Christophe Jaffrelot et Elise Massicard. Leur objectif : examiner les facteurs et la stratégie qui ont permis à ces chefs d’État de conquérir le pouvoir : rôle des organisations auxquelles ils appartenaient avant leur ascension (le KGB pour Poutine, la mouvance islamiste pour Erdogan, le mouvement nationaliste hindou pour Modi), leur maîtrise des techniques de communication, la forme de leur populisme, la tonalité nationaliste de leur discours, leurs relations avec les milieux d’affaires. Leurs conclusions soulèvent aussi la place que les classes moyennes, plus attachées à leur bien-être qu’à la démocratie et autres enjeux sociétaux, ont joué dans leur élection.
Olivier Dabène, chercheur au CERI, fait lui un bilan assez sombre de l’état de la démocratie dans plusieurs pays de l’Amérique latine.
Tout d’abord la Colombie : si à l’automne 2016, elle est parvenue à la signature d’un accord de paix mettant fin à une guerre civile de plusieurs décennies, son adoption n’a pas été des plus aisées. Après son rejet par une courte majorité au référendum du 2 octobre (avec un taux de participation particulièrement faible – 37,4 % – pour un tel enjeu), le nouvel accord ne fut pas soumis à référendum mais entériné par le Parlement.
Par ailleurs, il souligne que la démocratie a reculé dans plusieurs autres pays : au Venezuela, où le régime s’est employé à marginaliser l’Assemblée nationale ; au Brésil où la légalité de la procédure de destitution de Dilma Rousseff a été contestée ; au Nicaragua où le président Daniel Ortega a bénéficié de la levée de l’interdiction constitutionnelle interdisant d’exercer plusieurs mandats et où malgré son autoritarisme, il a été réélu pour la troisième fois en 2016 à plus de 70%. Enfin, il pointe une participation très faible aux élections municipales au Chili et l’annulation des élections présidentielles de 2015, en Haïti, élections déjà maintes fois repoussées.
Article suivant : Des données numérisées et partagéesPour aller plus loin