Tous les milieux professionnels sont porteurs de risques envers ceux qui y travaillent. Certains risques sont présents dans de nombreux secteurs, d’autres sont plus spécifiques ; certains sont facilement identifiables et/ou identifiés, d’autres moins ; certains sont facilement traitables et/ou traités, d’autres moins. C’est à partir de ces constats, que trois chercheurs du Centre de sociologie des organisations de Sciences Po en collaboration avec trois autres chercheurs*, se sont mobilisés dans le cadre d’un projet financé par l’Agence française de l’alimentation, de l’environnement et de la santé et sécurité au travail* avec le projet d’étudier ce que les dispositifs de surveillance révèlent des problèmes de santé au travail et ce qu’ils laissent dans l’ombre.
Deux types de risques professionnels caractérisés par un fort niveau d’incertitude seront étudiés : les risques chimiques et les risques dits « psychosociaux ». De nombreux outils de surveillance sont déployés pour rendre visibles les effets de ce type de risques : outils de diagnostics psychosociaux, questionnaires de santé, réseau de toxico-vigilance, enquêtes épidémiologiques, tests de dépistage… Il s’agira d’étudier la multiplication de ces dispositifs, en analysant les savoirs qui y sont incorporés, les acteurs impliqués, et les usages politiques dont ils font l’objet.
Des risques différents et spécifiques
Cinq terrains feront l’objet d’enquêtes qualitatives (entretiens, observations, analyse documentaire) : l’agriculture ; une grande administration publique ; des laboratoires de nanoscience ; une grande banque ; et le secteur des transports terrestres ou aériens.
On s’interrogera en particulier sur le suivi des problèmes de santé au travail : pour une population composée pour l’essentiel de travailleurs indépendants (agriculture) ; dans une organisation bureaucratique (Ville de Paris) ; chez des travailleurs ayant un haut niveau d’expertise sur les risques auxquels ils sont exposés ( laboratoires de nanoscience) ; et enfin du côté de responsables pouvant générer des risques psychosociaux (cadres du secteur bancaire ).
Sera également posée la question du contrôle d’une condition médicale pouvant être perçue à la fois comme un risque pour les travailleurs et une menace pour l’organisation. On étudiera par exemple les « conduites addictives » dans les aéroports de Paris ou chez les conducteurs routiers.
Une mise en perspective sera également proposée à travers une étude comparative avec la Californie, où des programmes de surveillance ont plus précocement été mis en place dans chacun de ces secteurs.
Enfin, un séminaire rassemblant les membres de l’équipe de recherche avec des épidémiologistes, psychologues et médecins permettra d’articuler cette recherche permettant une réflexion commune sur les enjeux, la nature et les usages de ces dispositifs.
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* Le projet, “SUrveillance des RIsques Professionnels Incertains (SURIPI)”, est financé par l’ANSES (Agence Française de l’Alimentation, de l’Environnement et de la Santé et Sécurité au Travail). Il est coordonné par Jean-Noël Jouzel (CSO, CNRS) et Jérôme Pélisse (CSO, Sciences Po), et associe Renaud Crespin (CSO, CNRS), Gladys Lutz (Additra), Giovanni Prete (IRIS, Université Paris 13) et Scarlett Salman (LISIS, Université Paris Est). Il durera jusqu’en 2020