Depuis 2000, plusieurs de nos chercheurs - Nonna Mayer, Vincent Tiberj, Tommaso Vitale, chercheurs au CEE et Guy Michelat chercheur au CEVIPOF - contribuent au rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme où ils exposent et analysent les résultats d’une enquête barométrique mesurant le degré de tolérance envers “l’Autre” depuis 1990. Ils s’y attachent à suivre dans le temps et à corréler les facteurs déterminants de l’in(tolérance) - tels que le niveau d’éducation et de revenus, les appartenances politiques et religieuses, tout en prenant en compte l’évolution du contexte.
Première surprise, avec l’enquête menée en 2015, ils constatent qu’après avoir chuté entre 2009 et 2013, le degré de tolérance progresse considérablement depuis 2014 : des résultats pour le moins contre-intuitifs si l’on considère la montée du Front national, la dégradation de la situation économique et surtout les attentats. Pourtant la tolérance envers les musulmans augmente aussi depuis 2013 et a progressé de manière spectaculaire après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. La tendance est générale, envers toutes les minorités, même la plus discriminée, celles des Roms, dont l’image, lentement, s’améliore.
Autre fait marquant : si une orientation politique de droite reste un facteur décisif du rejet de l’Autre, c’est à droite que la remontée de la tolérance depuis 2014 a été la plus forte, alors qu’entre 2009 et 2013 c’est là qu’elle avait le plus reculé. On observe le même phénomène dans les milieux catholiques très pratiquants, hier les plus crispés contre l’islam et les minorités. Un retour du balancier qu’on peut mettre en parallèle avec une moindre porosité idéologique entre l’ électorat du Front national et celui des Républicains, la montée en popularité chez ces derniers d’Alain Juppé, perçu comme moins à droite et plus intransigeant envers le parti lepéniste que Nicolas Sarkozy, et le message de tolérance du pape François.
Restent toutefois quelques ombres au tableau. Certains préjugés résistent, comme la croyance selon laquelle les immigrés profitent plus des avantages sociaux, ou le sentiment que certains comportements peuvent parfois justifier des réactions racistes. Et l’idée qu’il existe un racisme “anti-Français” atteint son plus haut niveau.
Enfin, interrogés en plein cœur de la crise migratoire, les sondés sont partagés. Qu’il s’agisse des réfugiés ou des migrants, et quel que soit leur pays d’origine, une courte majorité se dit d’accord avec le principe de les accueillir, mais estime que la situation ne permet pas de le mettre en œuvre et qu’il faut donner priorité aux Français défavorisés. Tandis que face au terrorisme la sécurité prime, la quasi totalité des sondés approuvent l’extension des pouvoirs de la police, même au détriment des libertés individuelles.
Bibliographie sélective