La ségrégation urbaine, très présente dans le débat public, est souvent dénoncée comme étant à l’origine de la fracture, de l’apartheid, du ghetto où seraient confinés les pauvres et les immigrés. Mais dénoncer sans comprendre, voire rendre les victimes responsables de leur mise à l’écart, c’est ne pas voir les processus à l’œuvre, à commencer par l’autoségrégation des classes supérieures.
Le projet de l’ouvrage « La ségrégation urbaine » de Marco Oberti et d’Edmond Préteceille (La Découverte, 2016) est d’abord de présenter les instruments intellectuels permettant de caractériser la ségrégation dans les villes, de prendre en compte son caractère le plus souvent relatif, ses différences d’intensité, de forme sociale et spatiale, et les différents types d’espaces urbains qu’elle produit. La comparaison entre villes et entre pays est essentielle pour saisir cette diversité des situations.
Il s’agit aussi de discuter les différents processus entremêlés qui produisent la ségrégation et qui renvoient à trois types de causes. Tout d’abord, les causes économiques structurelles qui s’expriment par une hiérarchisation inégalitaire des espaces. Puis les causes de nature politique, ambivalentes, les unes visant la réduction des inégalités et de la ségrégation, d’autres étant au contraire inégalitaires et accentuant les avantages des classes privilégiées. Et enfin, les causes qui résultent de choix d’individus ou de groupes, même si ces choix sont contraints par les causes structurelles.
Le livre aborde enfin les effets de la ségrégation. Pour ce faire, il prend en compte tant les situations de forte ségrégation que celles de ségrégation plus modérée, en considérant ses effets dans différents types d’espaces, sur chacun des divers groupes sociaux qui y sont présents et sur les relations qu’ils entretiennent.
Il faut aussi analyser les effets d’ensemble de la ségrégation sur le fonctionnement social et politique d’une société urbaine, tout autant que les effets locaux sur les relations sociales dans chaque type de quartier.
Ces thèmes sont traités en mobilisant l’abondante littérature internationale pour une réflexion comparative rigoureuse, à contre-pied des références caricaturales.