Migration, mobilité et diversité. Crédits : Sciences Po
Les groupes sociaux ainsi que les individus se sont toujours déplacés, plus ou moins durablement. Ces mobilités diverses dans le temps et l’espace, sont marquées par la multiplicité de leurs motifs, de leurs trajectoires et de leurs répercussions. En découle l’impératif de les analyser avec une attention tout aussi plurielle. Les nombreuses recherches conduites à Sciences Po, en particulier au sein du groupe Migration et Diversité répondent à cette exigence et visent à développer de nouvelles approches. Ce dossier présente un aperçu de leur richesse :
Arrêtée à Téhéran en juin 2019 puis condamnée à 5 ans de prison au prétexte d’accusations mensongères, notre collègue, Fariba Adelkhah, étudie depuis longtemps une grande variété de déplacements. Nous présentons dans cet article introductif —« Relire Fariba Adelkhah : sur la route de Téhéran à Damas » – un de ses travaux où elle révèle les dimensions inattendues d’un pèlerinage de femmes iraniennes à Damas. On y découvre son regard d’anthropologue attaché à la portée sociale des détails du quotidien.
Avec son article« Migrations et intégrations : les villes globales en Méditerranée au 18e siècle », David Do Paço expose les modalités d’intégration des communautés étrangères dans les cités méditerranéennes à l’époque moderne. Il y montre qu’au-delà des vecteurs collectifs – ‘Nations’, familles, religions… – d’autres dimensions, nouvellement étudiées par la micro-histoire, ont participé à l’intégration des populations immigrées.
Depuis plus de cinquante ans, nos déplacements transnationaux, principalement aériens, ont cru à un rythme exponentiel. En mars dernier, ils furent brutalement suspendus en vue de contenir la diffusion planétaire de la Covid. En s’appuyant sur des enquêtes récentes, Ettore Recchi dessine dans son article« Avant le déluge : l’irréductible croissance des mobilités humaines dans le monde d’avant la Covid », une géographie particulière de nos voyages durant les dernières décennies et s’interroge sur les perspectives de leur reprise.
Juriste, Louis Imbert inscrit sa contribution – « Les étrangers imaginés par le droit constitutionnel »– dans une analyse culturelle et comparative des droits nord-américain et colombien relatifs aux étrangers. Apparaissent alors deux politiques judiciaires radicalement différentes, l’une fondée sur le principe d’exclusion, l’autre se basant sur le devoir de solidarité, toutes deux ayant un impact déterminant sur notre perception des immigrés, tout autant que sur leur quotidien.
Entre exclusion et intégration, il faut aussi s’intéresser aux politiques en demi-teinte, qui n’acceptent ni ne refusent la présence d’immigrés, mais les intègrent dans le monde du travail, en fermant les yeux sur les pratiques illégales des recruteurs. C’est ce qu’expose Lucas Puygrenier dans son article« Travail des migrants : des politiques au service des régimes de production »fondé sur une enquête sur la façon dont sont employés les réfugiés et demandeurs d’asile échoués sur l’île de Malte.
L’impact des migrations sur le marché du travail suscite des polémiques sans fin : les immigrés constituent-ils un réservoir de main-d’œuvre nécessaire ou une concurrence nuisible aux travailleurs “autochtones” ? Si ce débat divise l’opinion publique, il en va de même parmi les économistes. Dans leur article« Migration, salaire et emploi : un aperçu de la recherche », Hélène Thiollet et Florian Oswald dressent un tableau d’une multiplicité d’études empiriques, en pointant les éléments à prendre en compte pour établir une vision mieux ajustée à la réalité.
Mettre fin aux discriminations et au racisme systémique touchant les immigrés et leurs descendants mobilise de plus en plus nombre de citoyens. En réaction, l’extrême droite leur oppose l’existence d’un racisme anti-blanc. Pour analyser la pertinence de ce dernier concept, Daniel Sabbagh dans son article« Le racisme blanc existe-t-il ? »s’attache à décortiquer les fondements du racisme, ou plutôt des racismes. En portant son attention sur leurs mécanismes et leurs conséquences concrètes, il en appelle à remettre les pendules à l’heure.
Mettant en avant les limites des travaux trop concentrés sur les politiques migratoires des États occidentaux, Hélène Thiollet, dans son article « Déconfiner les politiques migratoires: lacunes et biais des débats scientifiques », invite à réinventer les recherches sur les politiques migratoires. Elle y propose de multiplier les études relatives aux pays du Sud comme destination des migrations, et surtout de considérer la migration non pas seulement comme l’objet des politiques migratoires mais aussi comme un des phénomènes constitutifs des États-nations.
Face à un sujet si vaste et si déterminant pour une évolution pacifiée des sociétés,les projets de rechercheont toujours été nombreux. Nous présentons ici les directions et méthodes d’un échantillon de projets récemment engagés : politisation des minorités asiatiques en France, établissement de statistiques au niveau européen, traitement médiatique des « crises » migratoires, rôle des mobilités dans les relations interculturelles et les progrès technologiques, externalisation des politiques migratoires.
En replay – Le rendez-vous de la recherche associé au dossier