La vie politique et sociale des papiers d’identification en Afrique est un projet soutenu par l’Agence nationale de la recherche pour la péridoe 2016-2009 et coordonné par Richard Banégas (Sciences Po-CERI) & Séverine Awenengo Dalberto (CNRS-CEMAf)
Ce projet propose d’étudier la « gouvernementalité des papiers » en Afrique subsaharienne, de l’après-guerre à l’époque actuelle de diffusion globale des normes biométriques d’identification. Le constat de départ de cette recherche est qu’une grande partie des crises que traversent les sociétés africaines contemporaines sont des crises de la citoyenneté qui portent sur la question des droits et mettent en jeu les supports juridiques et politiques de leur reconnaissance, au premier rang desquels les « papiers » (cartes d’identité, d’électeurs, de séjour, passeports, certificats de nationalité, titres fonciers, certificats de propriété). Certains conflits s’énoncent même comme des « guerres de l’identification » (Côte d’Ivoire).
La biométrisation accélérée des sociétés ouvre à une sécurisation accrue des droits, mais produit aussi de nouvelles tensions autour des recensements et de la délivrance des titres. Le projet interroge ainsi la corrélation qui semble s’observer entre dispositifs d’identification et violence politique. Mais il ne se limite pas aux situations de conflit : il entend au contraire mettre en regard l’usage des papiers en conjoncture de crise et en conjoncture routinière pour analyser les rapports ordinaires des citoyens à la sphère publique. L’objectif est d’étudier les pratiques de la citoyenneté en acte et la diffusion de la raison bureaucratique dans des sociétés réputées rétives à celle-ci.
En abordant les « papiers » dans une perspective de sociologie historique comparée, il s’agit de comprendre la façon dont les dispositifs matériels de l’identification et de l’assignation identitaire ont, d’un côté, répondu au projet étatique d’inclure, d’exclure ou de contrôler les individus et, de l’autre, permis l’émergence de nouvelles subjectivités morales et politiques. L’objectif de ce programme est de restituer l’historicité et l’ambivalence de ces processus, d’explorer la pluralité des instances de production documentaire et la complexité des rapports que les individus nouent à ces documents et institutions. Par-delà une analyse de l’encartement comme technologie de pouvoir, il vise à rendre compte de la « vie sociale des papiers » pour mieux appréhender, par le bas, les pratiques ordinaires de la citoyenneté.
Le programme repose sur une approche comparatiste croisant des études de cas menées dans une douzaine de pays d’Afrique subsaharienne : Afrique du Sud, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Kenya, Mali, Mauritanie, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tchad. Le projet mobilise deux partenaires institutionnels en France (le Centre de recherches internationales de Sciences Po et l’Institut des mondes africains (IMAf)), des collaborations universitaires africaines (dont Wits University à Johannesburg) et quinze chercheurs, historiens, politistes et anthropologues, spécialistes des questions de citoyenneté sur leurs terrains respectifs.
juin 2016