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22.11.2024
Mathieu Amalric : dernière séance d'un homme de qualité
Après Claire Denis en 2023, Mathieu Amalric a été le deuxième titulaire de la Chaire Cinéma de la Maison des Arts et de la Création en 2024.
Retour d'expérience sur sa conférence conclusive modérée par Jean-Michel Frodon, par trois ambassadrices de la Maison des Arts et de la Création, Camille Delmont, Capucine Lemauf et Ambre Mollat du Jourdain, étudiantes toutes trois à l'École d'Affaires publiques, spécialité culture.
De la page à l’image : au-delà des cadres
“Transformer une leçon académique en partage”, tel était le mot d’ordre de Mathieu Amalric tout au long de son parcours à la chaire du cinéma de la Maison des Arts et de la Création.
Pour sa première leçon inaugurale, le 7 mars 2024, cet homme à la double casquette de réalisateur et d’acteur, avait expressément mis en avant son choix de proposer deux ateliers à une vingtaine d’étudiants afin de réfléchir ensemble au chapitre 83 de L’Homme sans qualités de Robert Musil.
Lors de cette conférence conclusive du 19 septembre 2024, avec une partie de ces étudiants, il revient sur ces moments de réflexion, propices à la création. Cette conférence avait pour but de présenter ce qui s’est produit et construit au cours de ces deux huis clos et demi où, comme l’a exprimé Mathieu Amalric, l’envie de cinéma et le désir de composer était bien là.
L’atelier d’écriture de scénario : une expérience libre et collective
Réunis en cercle, pour la plupart se confrontant à l'exercice d’écriture pour la première fois, les étudiants attendent Mathieu Amalric. Une seule consigne avant le début de cet atelier : la lecture du chapitre 83 de L’Homme sans qualités, unique chef-d’œuvre de Robert Musil, dans lequel Ulrich, le narrateur du roman, sort d’un tramway. C’est à partir de cette action unique que chacun des élèves va échanger, se concentrer sur un mot, disserter pendant parfois plusieurs heures… pour finalement parvenir à envisager de produire un scénario.
L’acteur-réalisateur – qui n’est pas amateur de contraintes – laisse à chacun le droit de s’exprimer indéfiniment, sans attendre une production écrite finale. Selon lui, ce n’est pas le but de cet atelier : il faut avant tout sentir, visualiser, mettre en forme le personnage du jeune Ulrich et essayer de le comprendre. À travers un exercice de collage, les élèves ont pu réunir des clés de lecture singulières, et, en mélangeant plusieurs univers, contribuer à construire ensemble l’idée d’un scénario. Mathieu Amalric insiste bien sur ce point : créer l’imaginaire, c’est déjà passer à l’action.
Images et représentations : dépasser le mythe de l’artiste
La fin de la conférence a été l’occasion pour le public de poser des questions à notre invité. Ces dernières ont surtout dépassé le cadre précis des ateliers d’écriture pour se tourner vers son statut d’artiste. Il s’est donc penché sur les enjeux auxquels un réalisateur peut faire face lorsqu’il interprète une œuvre.
Par le biais des productions de ses élèves, il a montré qu’il ne s’agissait pas de coller textuellement à l’ouvrage, mais de s’approcher davantage des idées et des sensations qu’il provoquait. La part subjective de l'œuvre, et les multiples travaux qu’elle a suscités, montraient pour Mathieu Amalric la richesse d’un ouvrage comme L’Homme sans qualités. Parce qu’il est inqualifiable et loin de l’action, il laisse une liberté immense au réalisateur. L’acteur-réalisateur a donc pu s’exprimer sur les images qui lui sont venues lors de sa première lecture, nous plongeant ainsi dans l’univers mental de l’artiste.
La discussion s’est prolongée autour des méthodes créatives de Mathieu Amalric, évoquant avec humour la manière dont les contraintes sont nécessaires pour rythmer et encourager le processus créatif. Si l’artiste nous apparaît parfois comme un être torturé qui crée sous l’emprise d’une fièvre délirante, Mathieu Amalric s’est présenté en artiste profondément humain, n’ayant pas peur de dévoiler une méthode de création plus prosaïque et moins fantasmée.
Mathieu Amalric a conclu en remerciant tous ses interlocuteurs et les gens ayant permis son admission dans la Chaire Cinéma. Il était ravi d’avoir pu se replonger dans L’Homme sans qualités grâce aux travaux des élèves, et espérait prochainement pouvoir sortir une première version de ce scénario.
> La Chaire Cinéma est soutenue par Chanel et le19M.