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20.09.2021
Index Pénicaud : 3 ans après, quel bilan ?
Depuis 1972, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est inscrite dans la loi. Pourtant, une étude de l’Institut des Politiques Publiques montre que les femmes gagnent en moyenne au moins 5,8 % de moins que les hommes dans la moitié des entreprises de 50 salarié·es et plus. Face à ce constat, un nouvel outil de lutte contre les inégalités salariales, l’index de l’égalité professionnelle femmes hommes, a été créé par la loi du 5 septembre 2018 (loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel). Quelles sont les principales caractéristiques de cet index et quel bilan en tirer 3 ans après son entrée en vigueur ?
Présentation de l’index
L’index Pénicaud est un outil contraignant se donnant pour objectif d’appréhender plusieurs dimensions des inégalités salariales.
L’objectif de l’index est de rendre compte des inégalités entre les situations professionnelles des femmes et des hommes au sein des entreprises. Celles-ci doivent publier leur index et le communiquer à leur comité social et économique ainsi qu’aux autorités compétentes. Les entreprises concernées sont celles de plus de 1 000 salarié·es (depuis le 1er janvier 2019), de plus de 250 salarié·es (depuis le 1er septembre 2019) et de plus de 50 salarié·es (depuis le 1er mars 2020).
L’index comporte une obligation de résultats. Gouvernement.fr souligne que lorsqu’une entreprise présente un index ayant une valeur trop faible (en dessous de 75 points sur 100), elle dispose d’un délai de 3 ans pour effectuer des rectifications. Si les entreprises n’atteignent pas un index satisfaisant à l'issue de ce délai, elles s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale.
Les indicateurs de l’index se donnent pour objectif d’appréhender plusieurs dimensions des inégalités professionnelles : l’écart salarial femmes-hommes, l’augmentation salariale au retour des congés maternité, la mobilité salariale et le nombre de femmes parmi les plus hautes rémunérations de l’entreprise. Chaque indicateur est associé à un certain nombre de points.
Le 1er indicateur, qui vaut 15 points, mesure les augmentations de salaires des femmes à l’issue d’un congé maternité. Une entreprise obtient un score de 0 sur 15 si elle n’accorde pas aux femmes, lors de leur retour de congé maternité, les mêmes augmentations de salaire que celles accordées aux autres salarié·es pendant leur absence. À l’inverse, si une entreprise accorde ces augmentations de salaire, elle obtient un score de 15. Le 2ème indicateur, qui vaut 10 points, mesure le nombre de femmes parmi les 10 salaires les plus importants de l’entreprise (en ETP). Le 3ème indicateur (valant 35 points) renvoie à la mobilité salariale. Pour les entreprises de plus de 250 salarié·es, cet indicateur mesure les différences femmes-hommes du taux d’augmentation hors promotion (20 points) et du taux de promotion (15 points). Pour les entreprises de 50 à 249 salarié·es, il mesure des différences d’augmentation entre femmes et hommes (35 points). Le 4ème indicateur (valant 40 points) mesure les écarts de salaire entre femmes et hommes. L’entreprise remporte 40 points lorsque la valeur absolue de son écart salarial agrégé se situe entre 0% et 1% (et perd un point pour chaque point de pourcentage supplémentaire).
T. Breda, P. Dutronc-Postel, J. Sultan et M. Tô précisent que, d’après la loi française, certains écarts de salaires sont justifiés (car ils résultent de différences de diplôme ou d’expérience professionnelle). Une fois que les facteurs responsables des écarts de salaires justifiés sont identifiés et isolés, les écarts de salaire femmes-hommes non-justifiés sont calculés.
Résultats de l’index
Une étude réalisée en 2021 par le Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion indique que les résultats des entreprises sont en progression depuis la création de l’Index en 2018. En 2021, la note moyenne obtenue par les entreprises s’élève à 85/100 (contre 84 en 2020). Par ailleurs, le pourcentage d’entreprises ayant dépassé le score de 75/100 est passé de 55 à 56% par rapport à l’année précédente. Enfin, les entreprises de plus de 1000 salarié·es présentent une progression importante depuis la création de l’index puisqu’elles sont passées d’un score de 82,9 en moyenne en 2019, à 87,4 en 2020 et 88,3 en 2021.
Toutefois, des difficultés subsistent, comme le précise l’étude réalisée par le Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Premièrement, seulement 2% des entreprises obtiennent un score de 100/100 à l’index et 56 entreprises présentent un score inférieur à 75/100 depuis 3 ans. Deuxièmement, deux indicateurs de l’index présentent des résultats insatisfaisants. D’une part, depuis 3 ans, 171 entreprises obtiennent un score de 0 à l’indicateur relatif au retour de congé maternité. D’autre part, en 2021, 43% des entreprises ont obtenu une note de 0 à l’indicateur relatif au nombre de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’entreprise.
Limites des indicateurs de l’index
Une étude menée par l’Institut des Politiques Publiques pointe deux défauts de l’Index.
Premièrement, le 1er indicateur de l’index (qui vaut 15 points) comporte une limite importante : une entreprise peut obtenir un score de 75/100 sans toutefois respecter l’article L1225-26 du code du travail (selon lequel une entreprise ne peut pas ne pas attribuer les mêmes augmentations de salaire à des femmes lors de leur retour de congé maternité que celles attribuées à leurs collègues durant ce congé). Dans le cas où une entreprise ne respecterait pas cette obligation légale, elle perdrait les 15 points associés au 1er indicateur de l’index (qui mesure, rappelons-le, les augmentations de salaires des femmes à l’issue d’un congé maternité), mais pourrait tout de même obtenir 75/100 (100-15 = 85), score minimal nécessaire pour ne pas être exposé à des sanctions. Par conséquent, il est possible qu’une entreprise ne respecte pas l’article L1225-26 du code du travail, tout en ayant le score de 75 points sur 100 à l’index de l’égalité professionnelle.
Deuxièmement, une méthode de calcul alternative de l’indicateur des écarts salariaux révèle des écarts de salaires femmes-hommes beaucoup plus importants que ceux calculés à partir de l’index Pénicaud. La méthode de calcul utilisée par Breda, Dutronc-Postel, Sultan, Tôt (dans le cadre de l’étude réalisée par l’Institut des Politiques Publiques) révèle en effet des écarts de salaire femmes-hommes beaucoup plus importants : les auteur·es trouvent que seulement 10% des entreprises ont un très faible écart salarial (compris entre 0 % et 2 %), alors qu’en appliquant la méthode de calcul de l’index, 23 % des entreprises obtiennent un si faible écart salarial.
Ainsi, quel bilan tirer de l’index Pénicaud 3 ans après son entrée en vigueur ? L’index, qui se donne pour objectif d’appréhender différentes dimensions des inégalités salariales, a permis de mesurer une progression des entreprises dans le domaine de l’égalité professionnelle depuis sa création en 2018. Cette progression doit toutefois être nuancée : très peu d’entreprises obtiennent le score maximal de l’index et deux indicateurs de l’index (relatifs au retour de congé maternité et au nombre de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’entreprise) présentent des résultats insatisfaisants.
Cet article a été rédigé par Helena Massardier, assistante de recherche de la Chaire pour l'emploi et l'entrepreneuriat des femmes.
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