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24.11.2021

L’impact de la crise sanitaire sur l’entrepreneuriat féminin

La crise sanitaire et les confinements successifs ont porté un coup d’arrêt brutal à l’activité économique mondiale. En France, d’après l’INSEE, le confinement mis en place entre le 17 mars et le 11 mai 2020 a conduit à un recul de l’activité économique de 19 % au deuxième trimestre 2020 (par rapport au deuxième trimestre de l’année précédente). Les confinements ont eu des impacts différenciés pour les hommes et les femmes. Ainsi, l’INSEE estime que les mères ont deux fois plus souvent que les pères renoncé à travailler pour garder les enfants au cours du premier confinement. Les confinements et la crise sanitaire ont-ils également davantage impacté l’activité des femmes dans l’entrepreneuriat ? Quelles sont les différences avec la crise économique de 2008 ?

I - Les leçons de la crise de 2008 : les entreprises créées par des femmes ne se sont pas avérées plus fragiles que celles créées par des hommes

L’OCDE, qui a suivi une cohorte de start-ups entre 2009 et 2012, a montré que les entreprises créées par des femmes avaient aussi bien survécu que celles créées par des hommes suite au choc de la crise de 2008, notamment en Italie, Finlande, Autriche et Slovaquie. D’après l’OCDE, entre 2007 et 2009, le nombre de création d’entreprises a même davantage reculé pour les hommes entrepreneurs que pour les femmes entrepreneures.

Cette résilience des entreprises fondées par des femmes peut notamment s’expliquer par le fait que ces dernières occupent des secteurs qui résistent davantage face aux chocs économiques (services de santé, d’éducation et autres services à la personnes), tandis que les hommes entrepreneurs investissent des secteurs plus fragiles face aux chocs (comme les industries manufacturières).

Qu’en est-il de la crise sanitaire de 2020 ?

II - Impact de la crise sanitaire sur l’entrepreneuriat féminin en France

1) Panorama de l’entrepreneuriat français en 2020

a) En dépit de la crise sanitaire, l’année 2020 a connu un record de création d’entreprises en France

D’après l’INSEE, en 2020, 848 200 entreprises ont été créées (dans l’économie marchande hors secteur agricole). Il s’agit d’un nouveau record. 32 900 nouvelles entreprises supplémentaires ont en effet été créées par rapport à l’année précédente (4% de plus).

Cet étonnant record de création d’entreprises en 2020 peut notamment s’expliquer par un « rattrapage » qui s’est opéré à l’été 2020 et un niveau de création « soutenu » jusqu’à la fin de l’année (porté par l’explosion des services de livraison à domicile pendant les deux confinements de l’année 2020). Au-delà des explications sectorielles, la dynamique entrepreneuriale de l’année 2020 peut également s’expliquer par le fait que les entrepreneur.e.s, une fois le 1er confinement passé, ont repris leurs projets entrepreneuriaux brutalement interrompus le 17 mars 2020 et par le fait que des individus ont préféré créer leur propre entreprise face aux faibles perspectives d’embauche existant sur le marché du travail en 2020.

b) Cette tendance à la hausse est portée par les micro-entrepreneur.e.s

Toujours d’après l’INSEE, les créations d’entreprises sous le régime micro-entrepreneur ont augmenté de 9% en 2020 (45 900 créations). Les créations d’entreprises classiques ont quant à elles diminué. Les créations d’entreprises individuelles classiques ont en effet reculé de 13 % en 2020 et les créations de sociétés (218 100) n’ont pas augmenté pour la première fois depuis l’année 2013.

2) Les secteurs où il y a le plus d’entrepreneuriat féminin sont ceux où il y a eu le moins de créations d’entreprises en 2020 et la situation financière des femmes indépendantes est plus précaire que celles des hommes indépendants

a) Les secteurs où il y a le plus d’entrepreneuriat féminin sont ceux où il y a eu le moins de créations d’entreprises en 2020

En 2020, le secteur qui a connu le plus de création d’entreprise est celui des transports et de l’entreposage. Or, il s’agit d’un secteur où la part d’hommes créateurs d’entreprises individuelles est particulièrement élevée (92%). 18 000 entreprises ont été créées dans ce secteur cette année (soit une augmentation de 22%). L’explosion de la livraison à domicile pendant les confinements permet d’expliquer la très forte augmentation des créations d’entreprise dans ce secteur.

À l’inverse, en 2020, les créations d’entreprise ont particulièrement diminué dans les secteurs de l’enseignement (- 8 %) et des autres services aux ménages (- 1 %). Or la part de femmes créatrices d’entreprises individuelles est élevée au sein de ces secteurs (52% pour l’enseignement et 71 % pour les autres services aux ménages).

b) La situation financière des femmes indépendantes est plus précaire que celles des hommes indépendants

D’après l’enquête « Conditions de vie et Aspirations » menée par le CRÉDOC en septembre 2020, 57 % des femmes indépendantes déclarent que la crise du Covid a conduit à une baisse des revenus au sein de leur foyer, contre 50 % des hommes, et 30 % de l’ensemble des français. De plus, 33 % des femmes étant à leur compte appartiennent à la catégorie des bas revenus, contre 26 % des hommes étant à leur compte. 

Ainsi, jusqu’ici, nous avons vu que la situation financière des femmes indépendantes est plus précaire que celles des hommes indépendants et les secteurs où il y a le plus d’entrepreneuriat féminin sont ceux pour lesquels il y a eu le moins de créations d’entreprises en 2020. Comment expliquer que la crise du Covid a eu un impact plus important sur les femmes entrepreneures ?

III - Les femmes entrepreneures dirigent des entreprises plus petites et ont fait face à une augmentation des tâches domestiques durant les confinements

1. Les femmes entrepreneures dirigent souvent des entreprises plus petites, ce qui les rend plus vulnérables face aux chocs économiques

Les entreprises fondées par des femmes sont généralement plus petites que celles fondées par des hommes. Combien d’employé.e.s travaillent dans les entreprises créées par les femmes d’une part et les hommes d’autre part ? En 2018, dans l’Union européenne, les hommes indépendants avaient davantage d’employé.e.s que les femmes indépendantes : 1 homme indépendant sur 3 avait au moins un.e autre employé.e, contre moins d’1 femme indépendante sur 4. Ainsi, les femmes entrepreneures dirigent souvent des entreprises plus petites que les hommes entrepreneurs.

2. Durant les confinements, les femmes ont fait face à une augmentation des tâches domestiques

D’après l’OCDE, les femmes ont fait face à une augmentation des tâches domestiques et des soins apportés aux enfants au cours des confinements. Dans les pays de l’OCDE, les femmes passent environ deux heures supplémentaires par jour par rapport aux hommes à exercer des activités non rémunérées. Cet écart est particulièrement élevé au Japon et en Corée (2,5 heures) ainsi qu’en Turquie (4 heures par jour). Cependant, des pays comme le Danemark, la Norvège et la Suède présentent également d’importants écarts (1 heure par jour).

Une enquête lancée en mai 2020 par la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes a permis de constater qu’en France, durant le premier confinement, les femmes étaient moins satisfaites que les hommes de la répartition des tâches ménagères et déclaraient effectuer davantage d’activités liées à la prise en charge des enfants et aux tâches ménagères.

Face à ce constat, des aides spécifiques ont-elles été déployées pour les femmes ?

IV - Si des aides massives ont été déployées pour soutenir les entrepreneur.e.s, les femmes n’ont pas bénéficié de mesures spécifiques

En France et dans le monde, des aides importantes ont permis de soutenir les entrepreneur.e.s durant la crise du Covid. Pour autant, les femmes entrepreneures n’ont pas fait l’objet de mesures spécifiques.

1. Aides apportées aux entrepreneur.e.s dans les pays de l’OCDE

Les pays de l’OCDE ont apporté divers types de soutien financier. Au Portugal, en Israël et en Belgique, les indépendant.e.s ont bénéficié de réductions, reports ou annulations de leurs cotisations sociales. Le Canada, le Danemark, la France, l’Allemagne, l’Irlande, Israël, l’Italie, la Corée, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni ont quant à eux privilégié l’accès à des allocations chômage et à des capitaux d’urgence. En Italie, Espagne, Afrique du Sud, Chili, Pérou et Argentine, les PME et indépendants ont pu bénéficier d’un moratoire sur les taxes.

2. Aides apportées aux entrepreneur.e.s en France

Plusieurs mesures ont été prises afin de soutenir les entrepreneur.e.s français pendant la crise. Un fonds de solidarité a été mis en place par l’État et les régions pour les entreprises, associations, micro-entrepreneurs, libéraux, agriculteurs et les travailleurs indépendants. Le montant alloué est égal à la perte de chiffre d'affaires enregistrée pour les pertes allant jusqu'à 1 500 euros.

Bpifrance a également mis en œuvre des dispositifs financés par l’État, comme l'extension des garanties de crédit pour accompagner la restructuration de prêts effectués par les banques (sans frais de gestion) et la mise en place d'un nouveau dispositif de prêt garanti par l'État (PGE).

Des mesures ont également été mises en place par l'Agefiph pour soutenir les entrepreneur.e.s handicapés (aide financière pour les périodes d'arrêt de travail ciblée sur les entrepreneur.e.s  soutenus par l’Agefiph ; soutien de sortie de crise destinées aux créateurs et repreneurs d'entreprises soutenus par l'Agefiph au cours des trois dernières années). Aucune mesure n’a cependant spécifiquement ciblé les femmes.

Ainsi, les confinements et la crise sanitaire ont-ils davantage impacté l’entrepreneuriat féminin que masculin ? En dépit de la crise sanitaire, l’année 2020 a connu un record de création d’entreprises en France, principalement porté par les micro-entrepreneur.e.s. Cependant, les secteurs où il y a eu le plus d’entrepreneuriat féminin sont ceux où il y a eu le moins de créations d’entreprises en 2020 et la situation financière des femmes indépendantes est plus précaire que celles des hommes indépendants. Cet impact différencié sur les femmes s’explique notamment par le fait que les femmes entrepreneures dirigent des entreprises plus petites et qu’elles ont davantage assumé les tâches domestiques pendant les confinements. Si les Etats ont apporté un important soutien financier aux entrepreneur.e.s durant la crise, les femmes entrepreneures n’ont pas bénéficié de mesures spécifiques.