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25.04.2024

Les effets de la coéducation sur le choix des femmes en matière d'études supérieures

Résumé de l’article de recherche: Calkins, A., Binder, A. J., Shaat, D., & Timpe, B. (2023). When Sarah Meets Lawrence: The Effects of Coeducation on Women’s College Major Choices. American Economic Journal: Applied Economics, 15(3), 1-34.

Sujets : Rôle éducatif des collèges non-mixtes pour femmes, choix d’orientation des étudiantes, impact de la mixité universitaire 

Résumé par Leïla Costil, Assistante de recherche

Comment les choix d’orientation des étudiantes sont-ils impactés par l’introduction de la mixité dans l'environnement universitaire ? Cette étude vise à estimer l'impact de l’adoption de la mixité universitaire sur la part des femmes se spécialisant dans des études liées aux sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), et étudie les mécanismes sous-jacents expliquant un tel impact. Lisez l'article original.

Résumé

Cet article de recherche étudie l'impact de l’introduction de la mixité dans les universités pour femmes aux États-Unis sur les choix de spécialisation des étudiantes. Les chercheurs ont constaté des diminutions significatives dans la part des femmes se spécialisant dans les domaines liés aux STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), en économie et en gestion - un phénomène qu'ils attribuent principalement à l'augmentation de la part d'hommes dans le corps étudiant et à la diminution du nombre de modèles féminins dans le corps enseignant.

Données

Pour cette étude, les chercheurs ont construit une base de données identifiant toutes les universités pour femmes délivrant des diplômes de premier cycle (colleges en anglais) qui sont devenues mixtes à partir des années 1960, ainsi que leurs dates de transition. Ils ont ainsi obtenu un échantillon de 77 établissements, qui ont ensuite constitué le groupe “traité”. Ils s'appuient également sur des données issues du Higher Education General Information survey (HEGIS) et du Integrated Postsecondary Education Data System (IPEDS), qui donnent des informations sur le nombre de diplômes délivrés par année, par établissement, par spécialisation et par sexe. Pour examiner l'effet de la mixité universitaire sur les caractéristiques des femmes nouvellement inscrites dans ces établissements, les chercheurs utilisent également l'Enquête Freshman du CIRP, produite par l'Institut de recherche sur l'enseignement supérieur (HERI) à UCLA afin d'étudier l'évolution de ces résultats avant et après l'adoption de la mixité par les écoles.

Méthodologie 

Les chercheurs utilisent la méthode des doubles différences pour comparer l'évolution des spécialisations choisies par les étudiantes dans les universités devenues mixtes à celles des étudiantes dans les universités pour femmes. En utilisant l'évolution des choix de spécialisation des étudiantes dans les universités pour femmes comme groupe témoin, ils comparent l'évolution des choix de spécialisation dans les universités devenues mixtes, en veillant à ce que tous les autres facteurs pouvant potentiellement impacter ces choix restent identiques. Ainsi, toute différence d'évolution entre les deux groupes peut être attribuée à l'introduction de la mixité universitaire et à l'inclusion des garçons dans le corps étudiant.

Résultats

La mixité universitaire modifie significativement les spécialisations choisies par les étudiantes. Au cours des dix années suivant l’introduction de la mixité dans une université, le pourcentage de femmes se spécialisant dans les domaines des STIM diminue de 3,0 à 3,5 points de pourcentage (correspondant à une diminution de 30 à 33 %). Le changement diminue également la part des femmes se spécialisant en économie et en gestion. En revanche, la part des femmes se spécialisant en psychologie, en santé et en sciences sociales (à l'exception de l'économie) augmente. Dans l'ensemble, l'étude montre que la transition à l’université mixte incite moins les femmes à se spécialiser dans des domaines généralement considérés comme masculins, et davantage dans des domaines stéréotypiquement féminins. 

Un tel changement pourrait être motivé par deux facteurs principaux : un effet environnemental (qui décrit les changements dans l'environnement des étudiants, tels que l'augmentation de la part d'hommes dans le corps étudiant et le corps enseignant, les changements dans les apports éducatifs, etc.) et un effet de composition (les changements dans les capacités ou les préférences des étudiantes). Les chercheurs constatent cependant que l'effet de composition a joué un rôle limité et pourrait expliquer au maximum 16 à 32 % de l'effet total de l’introduction de la mixité sur la part de femmes obtenant des diplômes dans les domaines liés aux STIM. Lorsqu'ils étudient l'effet environnemental, ils constatent que le passage à la coéducation n'a pas motivé de changements dans les caractéristiques “neutres” des écoles : il n'y a eu aucun changement significatif dans les possibilités de spécialisation offertes aux étudiants, les niveaux de concurrence dans les classes, etc. Cependant, les chercheurs constatent une augmentation significative de la part d’hommes parmi les étudiants et dans le corps enseignant. Dans l'ensemble, la diminution du nombre de femmes poursuivant des études liées aux STIM après le passage à la mixité semble être principalement liée aux changements dans l'environnement du campus, et notamment l'arrivée d’étudiants. Enfin, les chercheurs estiment que l'exposition à des environnements mixtes explique 36 % de l'écart de genre actuel dans le choix de spécialisation en STIM. Bien qu'un retour à grande échelle aux écoles réservées aux femmes soit peu probable ou souhaitable, les chercheurs conseillent donc des initiatives visant à recréer des conditions plus encourageantes pour les étudiantes, tel que le mentorat des étudiantes.

Légende de l'image de couverture : Amphithéâtre de l'université (crédits : Sciences Po Banque d'Images)