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02.05.2024

A quelles étapes les femmes quittent-elles plus souvent les études scientifiques ?

Résumé de l’article de recherche: Speer, J. D. (2023). Bye bye Ms. American Sci: Women and the leaky STEM pipeline. Economics of Education Review, 93, 102371.

Sujets: STIM, gender gaps, spécialisation universitaire

Résumé par Leïla Costil, Assistante de recherche

Les femmes restent sous-représentées dans les domaines liés aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM). Les hommes représentent environ les deux tiers des diplômés universitaires en STIM et occupent une part encore plus élevée des emplois liés aux STIM. Étant donné que ces emplois ont généralement des salaires élevés, la sous-représentation des femmes contribue à l'écart global de rémunération entre les sexes. En suivant l'expérience des femmes le long du parcours en STIM, de l'école secondaire au marché du travail, aux États-Unis, le chercheur demande: quelles étapes contribuent le plus à augmenter l'écart entre les sexes ? Lisez l'article original (en anglais).

Résumé

Tout au long du chemin que les individus empruntent pour travailler dans des emplois liés aux STIM, de nombreuses étapes témoignent du désengagement des femmes, expliquant globalement l'écart entre les sexes dans les carrières STIM. Les deux étapes les plus importantes sont le premier choix de spécialisation, où les étudiants décident des domaines dans lesquels se spécialiser et qui explique 56 % de l'écart entre les sexes, et la transition de l'université au marché du travail (expliquant environ 44 % de l'écart). Ainsi, se concentrer uniquement sur l'expérience universitaire ou sur le marché du travail ne permet pas de comprendre pleinement pourquoi les femmes restent sous-représentées dans les emplois liés au STIM.

Données

Une telle étude nécessite des données sur les expériences et résultats scolaires, les choix de spécialisation universitaire et les résultats professionnels. Les données scolaires et universitaires proviennent de la cohorte 1997 du Longitudinal Survey of Youth (NLSY), qui regroupe les données d’un panel d'environ 9 000 répondants nés entre 1980 et 1984. Ces étudiants ont été interrogés pour la première fois en 1997 et ont été suivis jusqu'à présent. Pour les données relatives au marché du travail, le chercheur s'appuie sur l’American Community Survey, en combinant les données de 2009 à 2017, obtenant ainsi des données sur 1,2 million de diplômés universitaires en STIM.

Méthodologie

Pour décomposer cette sous-représentation des femmes dans les emplois liés aux STIM, le chercheur doit faire face à plusieurs difficultés liées au rééquilibrage de données provenant de sources différentes et s’étendant sur plusieurs années. Le chercheur estime ensuite l'évolution globale de l'écart entre les sexes entre l'école secondaire (51,5 % d'hommes) et l’emploi dans un domaine lié aux STIM à l'âge de 45 ans (70,7 % d'hommes), et calcule le pourcentage de variation entre chaque étape par rapport à la variation globale pour estimer les étapes les plus importantes expliquant la sous-représentation des femmes dans ce milieu.

Résultats

Le chercheur divise le parcours STIM en six étapes importantes : le degré de préparation aux études de STIM au lycée, l’entrée en études universitaires, le choix initial de spécialisation, la persévérance jusqu'à l'obtention d'un diplôme en STIM, le poste occupé en début de carrière et la progression de carrière. 

Dans la première étape, le chercheur étudie à quel point les élèves sont préparés à une spécialisation en STIM à la fin du lycée. Sur la base des critères sélectionnés, les hommes sont légèrement plus préparés à des études supérieures liées aux STIM que les femmes. Les hommes ont également plus de chances d'être dans la tranche supérieure d’une telle préparation, ce qui pourrait être important si ce sont les étudiants qui non seulement choisissent les STIM, mais qui réussissent le mieux. Cet écart de préparation (0,5 point de pourcentage), bien que significatif, ne représente en réalité qu'une petite fraction de l'écart réel dans la spécialisation en STIM. 

Lors de l’entrée à l’université, les femmes sont davantage représentées que les hommes en termes de fréquentation et d'obtention d'un diplôme universitaire. Cependant, bien que les femmes soient plus nombreuses en termes de fréquentation universitaire, l’effet sur l'écart entre les sexes en STIM est ambigu. Une grande partie de l’écart est dû aux étudiantes les moins préparées aux STIM, ce qui signifie que parmi ceux qui fréquentent l’université, une plus grande part des hommes sont bien préparés à se spécialiser dans les STIM. 

Ensuite, une fois qu'un étudiant décide de fréquenter l'université, il doit choisir la spécialisation à suivre. Il faut noter que ce choix se fait généralement en deuxième année universitaire et n'est pas contraignant, de sorte que les étudiants peuvent encore changer de spécialisation par la suite. Le chercheur constate qu'à chaque niveau de préparation aux STIM, les hommes sont plus susceptibles de choisir des spécialisations en STIM. Les écarts sont particulièrement importants parmi les étudiants les plus préparés aux STIM: les hommes les mieux préparés rejoignent bien plus souvent des spécialisations liées aux STIM que les femmes. Il existe des différences de préférences entre hommes et femmes, même en tenant compte de la préparation aux STIM. 

De plus, il y a des différences de genre importantes dans le choix de spécialisation même dans les STIM. Les femmes se spécialisent plus souvent en biologie, tandis que des spécialisations en ingénierie et en informatique sont plus courantes chez les hommes. Ensuite, après avoir choisi une spécialisation en STIM, les femmes sont beaucoup moins susceptibles d’obtenir un diplôme spécialisé en STIM, dû à de grandes différences dans la persévérance parmi les étudiants les moins préparés aux STIM. Plus généralement, les hommes avec une préparation minimale aux STIM obtiennent un diplôme en STIM ou abandonnent les études, tandis que les femmes sont beaucoup plus susceptibles de changer de spécialisation. 

Le chercheur étudie ensuite l’existence de différences significatives dans les choix professionnels des diplômés en STIM. Les hommes diplômés en STIM sont environ deux fois plus susceptibles que les femmes d'exercer des professions liées aux STIM (41 % contre 20 %). Les femmes diplômées en STIM sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d'exercer des emplois médicaux ou de ne pas faire partie de la population active. Enfin, l’étude de la progression de carrière ne révèle pas d’évolution importante dans l’écart de sexes, et les hommes comme les femmes sont légèrement moins susceptibles d'exercer des professions en STIM à 45 ans qu'à 30 ans. L'écart entre les sexes se réduit en fait de 14,4 points de pourcentage (47,6 % - 33,2 % à 30 ans) à 12,7 points de pourcentage (44,1 % - 31,4 % à 45 ans). 

Dans l'ensemble, lors de la décomposition du parcours des études secondaires au marché du travail, deux étapes se distinguent : lors du choix initial de spécialisation, les hommes représentent 61,2 % des étudiants inscrits dans ces spécialisations (alors que les prédictions estimaient 50.2%). Cette étape à elle seule explique 57 % de l'écart total entre les sexes. L'autre étape qui se démarque est l’entrée sur le marché du travail: parmi les diplômés en STIM, les hommes sont beaucoup plus susceptibles de choisir un emploi lié aux STIM que les femmes. Cette étape explique 44 % de l'écart total entre les sexes. La préparation aux STIM n’explique que 8% de l’écart et la persévérance jusqu'à l'obtention du diplôme en STIM seulement 16%. En revanche, l’accès plus élevé des femmes à l’université réduit l'écart entre les sexes en STIM (-14 %).

Légende de l'image de couverture : Femmes dans les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (crédits : Sciences Po Banque d'Images)