Comparer « transitions » postcommunistes et révoltes arabes. Un point de vue semi-sceptique
Les révoltes arabes de l’hiver 2010-2011 sont-elles un « 89 arabe » ? C’est ce qu’affirmaient l’historien Benjamin Stora et le journaliste Edwy Plenel dans un ouvrage paru en 2011 quelques mois après les événements1. L’ébranlement des autoritarismes arabes avait, à leurs yeux, une signification équivalente à l’effondrement du communisme en Europe de l’Est, comme si les insurgés de Sidi Bouzid et du Caire avaient repris le combat des ouvriers de Gdansk et des manifestants de Bucarest, réactualisant également l’esprit et le projet de la Révolution de 1798, érigée en « mère » de toutes les révolutions. Malgré les démentis apportés par une réalité post-révolutionnaire plus complexe et inattendue qu’imaginée de prime abord, les rapprochements entre ces deux événements éloignés d’un peu plus d’une vingtaine d’années se sont multipliés depuis 2011, dans le monde universitaire, de l’expertise et du commentaire politique2. Tout se passe comme si le raisonnement comparé, appliqué en particulier à l’Europe de l’Est, avait acquis force d’évidence auprès des acteurs et observateurs des bouleversements politiques dans le monde arabe.
On peut penser que certaines classes d’événements et phénomènes politiques, par leur ampleur considérable, par l’effet de surprise et la « rupture d’intelligibilité » qu’ils suscitent3, par les conséquences multidimensionnelles qu’ils produisent, suscitent un recours plus intensif encore au comparatisme. Celui-ci désormais naturalisé mérite pourtant d’être interrogé, pour plusieurs raisons. D’abord parce que le recours au crédo comparatiste, du moins dans les sciences sociales, a perdu ses lettres de noblesse et qu’il apparaît ici comme à front renversé. C’est pourquoi il importe de se demander ce qui est au principe des usages du comparatisme – en particulier avec l’Europe de l’Est - qui imprègne l’analyse et l’interprétation des révoltes arabes et d’examiner les logiques pratiques et intellectuelles sur lesquelles ils s’appuient. Ensuite parce le rapprochement, dans une même grille d’équivalence, d’expériences historiques multidimensionnelles, transnationales et multiscalaires aussi différentes que l’« automne des peuples » de 1989 et le « printemps arabe » de 2010-2011, interroge nécessairement la pertinence de ce type de comparaison. Peut-on vraiment comparer terme à terme ces deux séries d’événement et avec quels profits de connaissance ? Comment comparer sans sacrifier la rigueur scientifique sur l’autel d’une interprétation orientée qui ne se montre pas toujours comme telle ? Ce sont les intérêts heuristiques et les limites des comparaisons internationales qui peuvent ici être réexaminés au travers de la comparaison entre le « printemps arabe » et l’« automne des peuples ».
1. La langue naturalisée du comparatisme
Les événements protestataires qui ont marqué la Tunisie, l’Egypte, Bahreïn, le Yemen, la Syrie et la Libye à partir de l’hiver 2010-2011 ont donné lieu à un recours inflationniste aux comparaisons sur les scènes publiques. Le raisonnement comparatiste s’est imposé comme une langue naturelle de l’analyse et l’interprétation de la séquence révolutionnaire et de ses suites. Parmi les comparaisons les plus fréquentes, celles entre le monde arabe (ou bien l’un des pays de la zone) et l’Europe de l’Est après le communisme tiennent une place particulière. Le désarroi (voire la « sidération »4) provoqué par les événements protestataires de l’hiver 2010-2011 n’est pas étranger à la multiplication du recours au comparatisme. De ce point de vue, les transitions postcommunistes ont pu bénéficier d’un avantage comparatif symbolique : ce sont des processus relativement récents, dont les images les plus spectaculaires (comme la chute du mur de Berlin) ont marqué plusieurs générations. Nombre de personnages iconiques de ces révolutions toujours vivants (comme l’ancien président polonais Lech Walesa, qui donne désormais des conférences dans le monde entier) sont devenus les VRP globalisés des démocratisations réputées pacifiques de l’Est européen. La mémoire de 1989, réactivée lors des commémorations spectaculaires de 2009 à Berlin, est en quelque sorte toute fraiche et la postérité internationale de l’effondrement du communisme est globalement méliorative5. Il n’est pas surprenant que les modalités de gestion de la transition démocratique dans cette « autre Europe » devenue « jeune Europe » suscite la curiosité des acteurs de la démocratisation, en particulier en Tunisie.
La référence à ces événements ne saurait toutefois s’expliquer seulement par des attentes d’ordre strictement intellectuel. D’ailleurs, les comparaisons débordent très largement les seuls milieux académiques. En ce qui concerne l’Europe postcommuniste, les raisons qui expliquent cette exposition accordée, plus de vingt après, aux transitions de la fin des années 1980, doivent être dénichés à travers les usages de la comparaison, en examinant les espaces et les contextes concrets dans lesquels certaines des entreprises comparées les plus significatives se sont déroulées.
Usages multiples de la comparaison
Ce n’est pas caricaturer la réalité que de distinguer trois séries d’usages principaux de la comparaison, qui se recoupent toutefois fréquemment6. Des usages académiques et intellectuels, bien sûr, aux fins principales de connaissance des processus comparés. Leurs buts sont de mieux comprendre ce qui fait la singularité des révolutions arabes mais aussi faire émerger un rapport d’identité avec des événements considérés comme analogues dans l’histoire universelle. Compte tenu des rapports au politique des universitaires des pays arabes – en Tunisie, un certain nombre d’entre eux sont aussi membres de partis politiques, actifs dans les organisations de ladite « société civile », etc. – et de la définition sociale du rôle des intellectuels dans ce type de société, la comparaison a souvent aussi pour objectif de soutenir, au moyen d’un savoir comparé – le processus en cours. Il n’est d’ailleurs pas rare que des colloques académiques – par ailleurs souvent co-financés par des organisations non-gouvernementales étrangères (allemandes, en particulier) – donnent lieu à des discussions enflammées sur l’analyse de la situation politique7.
Proches par les thématiques soulevées et l’identité des intervenants, les conférences conçues par les organisations non-gouvernementales nationales et/ou internationales donnent lieu à des « usages experts » de la comparaison. Ces derniers se distinguent des usages académiques par l’objectif principal – et souvent exclusif – assigné à la comparaison. Celle-ci n’est valable que si elle permet d’aider le public de ces rencontres (essentiellement des praticiens de la chose publique : membres d’association, cadres de partis politiques, fonctionnaires de l’Etat, etc.) à prendre de meilleures décisions, à élaborer des stratégies d’action pertinentes, dans les différents domaines que ces mêmes organisations non-gouvernementales considèrent comme nécessaires à la réussite de la « transition démocratique ». Les participants échangent autour des « expériences comparées » comme une invitation à prendre connaissance des « leçons apprises » et dégager les « bonnes pratiques » susceptibles d’être ajustées aux singularités de l’expérience tunisienne. Les thématiques les plus fréquentes de ces rencontres de la société civile nationale et internationale dessinent le cadre normatif de ce que doit être un changement de régime successfull : respect de l’Etat de droit, défense des droits de l’homme, promotion des droits des femmes, lutte contre la torture, formation aux élections, soutien aux partis politiques, aux jeunes, aux groupes vulnérables, mise en place d’une justice constitutionnelle, d’une « justice transitionnelle », etc.
Enfin, on a pu distinguer des « usages politiques » de la comparaison : recours à des experts étrangers à des fins de formation militante au sein des partis politiques, référence à une expérience étrangère en soutien à une opinion formulée par un leader politique, ou encore, sur un autre plan, rôle de certaines chancelleries dans le cadre de leur « diplomatie d’influence », qui accompagnent la venue d’un témoin-clé de leur histoire politique ou organisent des colloques destinés à promouvoir leur propre expérience en matière de transition démocratique.
Les raisons d’un comparatisme Est-Sud
On ne saurait, dans les limites de cet article, analyser l’ensemble des formes prises par la comparaison et de ses usages académiques, experts et politiques. Tentons toutefois de comprendre ce qui a rendu possible le recours fréquent au raisonnement comparé (au point de le naturaliser), dans le cas de la Tunisie post-révolutionnaire, avec l’Europe postcommuniste. Il faut bien en convenir : les comparaisons sont plus rares dans le monde universitaire que dans le monde associatif et le langage de la connaissance académique moins employé que celui de l’expertise.
A l’exemple de la Pologne, les mondes savants, associatifs, de l’expertise internationale et de la diplomatie se mêlent fréquemment et conjuguent leurs efforts pour faire de l’expérience polonaise un modèle exportable (et donc importable) de démocratisation. Le 14 juin 2014, à l’invitation conjointe des ambassades de Pologne et de République tchèque en Tunisie, se tenait dans un grand hôtel de Tunis un séminaire au titre péremptoire « Le succès de la transition démocratique. Les expériences de la Pologne et de la République Tchèque ». L’objectif assigné à cette rencontre était clairement affiché : il s’agissait de présenter un modèle de transition réussie dont les tunisiens étaient invités à « s’inspirer » comme « une voie possible à prendre en compte »8 dans leur marche vers la démocratie. Le rôle des ministères des Affaires étrangères de ces deux pays dans la promotion, à l’extérieur des frontières européennes, de leur expérience de démocratisation, ne doit pas étonner : à la faveur de leur intégration à l’Union européenne et à d’autres organisations internationales, ces pays ont défini de nouvelles politiques extérieures, orientant leur action vers une « diplomatie d’influence »9. Lorsqu’elle présidait le Conseil de l’Union européenne (juillet-décembre 2011), la Pologne avait d’ailleurs proposé la création d’un fonds européen pour la démocratie, en soutien aux processus démocratiques dans les pays relevant de la politique de voisinage de l’Union (Biélorussie, Ukraine, mais aussi pays arabes). Les personnalités invitées à s’exprimer lors du séminaire de Tunis étaient des représentants de l’Etat (ambassadeurs des deux pays, un ancien premier ministre, un secrétaire d’Etat à la justice en exercice, un ancien sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Intérieur et de l'Administration), un ancien conseiller politique auprès du ministre polonais des finances, devenu senior economist à la Banque mondiale (sic), des juges et quelques universitaires. Les thématiques abordées étaient la réforme économique, la réforme de la justice et la question de la lustration ainsi que le problème de la décentralisation. La journée était modérée par le président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et les tunisiens présents dans le public étaient invités à opérer eux-mêmes l’effort de « traduction » des expériences polonaises et tchécoslovaques dans le contexte tunisien.
Un second exemple illustre l’attraction que suscite l’expérience polonaise auprès de certaines organisations du monde associatif tunisien. L’association Le Labo’ Démocratique, dirigée par Farah Hached, a bénéficié en 2013 du soutien financier de la fondation polonaise Solidarity Fund Poland, fondation d’Etat auprès de la présidence de la République polonaise, pour organiser deux séminaires de formation sur la problématique de la justice en temps de transformations et du traitement des archives du passé, le premier destiné à un nombre restreint de membres d’associations non-gouvernementales et des médias, le second réservé à des hauts fonctionnaires tunisiens. En 2014, un voyage d’études a été organisé pour Le Labo’ Démocratique auprès de l’Institut de la mémoire nationale, à Varsovie, qui a également reçu les membres de la Commission vérité et dignité tunisienne, instaurée par la loi sur la justice transitionnelle du 24 décembre 2013. Là encore, le rapprochement des deux expériences – rapprochement asymétrique entre une expérience considérée comme accomplie et une autre encore à inventer – est réalisé au confluent de processus qui se combinent. D’un côté, une demande d’expertise internationale en matière de transition démocratique ; de l’autre, une offre d’expertise, véhiculée par des institutions qui – comme c’est le cas à l’Institut de la mémoire nationale – disposent de leur propre service international et peuvent compter sur le soutien financier et organisationnel de l’Etat.
Ces mécanismes de circulation de modèles étrangers dans les pays du monde arabe ont produit des effets ambigus. D’un côté, ils ont incontestablement apporté une aide aux acteurs locaux et répondu – au moins en partie – à leurs attentes. De l’autre, ils ont contribué à diffuser une vision utilitariste du savoir, indexé à un projet normatif et marginalisant, parfois jusqu’à l’effacement, la recherche d’une « simple » compréhension des processus en cours. Les objectifs pratiques de ces comparaisons « utiles » ont rendu caduque toute interrogation sur la pertinence de tels rapprochements comparés. Or, on peut s’interroger sur les profits et les limites de ces comparaisons dans leur contribution à l’intelligibilité des processus politiques dans le monde arabe.
2. Les limites d’une comparaison terme à terme
Les comparaisons internationales ont d’incontestables avantages. Mise en perspective dans le temps et l’espace, désingularisation, antidote contre « l’illusion héroïque »10, les profits sont nombreux quand on cherche à comprendre un événement qui brise les routines interprétatives. C’est le cas des ruptures qualifiées de révolutionnaires : il n’est pas aisé de trouver dans les schèmes d’analyse nationaux, les points d’appui d’une compréhension raisonnée de l’événement. Il n’est point de « révolution » qui n’ait été uniquement étudiée comme un en-soi. La révolution chinoise a par exemple été mainte fois évaluée à l’aune de sa grande sœur russe11. Les « révolutions » est-européennes ont été passées au tamis de la « troisième vague démocratique », certains voyant par exemple dans le processus polonais une redite de la voie espagnole12. Même la révolution française, érigée en ce début du XXIe siècle comme référence absolue de ce qu’est une révolution – c’est elle qui peu ou prou définit ce qu’est, normativement, une révolution – n’a pas manqué, au cours du premier XIXe siècle, d’être comparée aux révolutions anglo-saxonnes, avec des profits de compréhension que d’aucuns ont dénoncé avec force13. Par le décentrement qu’elle opère, la comparaison peut complexifier ou simplifier l’explication des causes d’un événement, intégrer dans l’analyse du surgissement révolutionnaire un facteur jusque-là ignoré, réévaluer l’effet de tel ou tel acteur national ou international. Dans le meilleur des cas, elle peut jouer de l’incommensurabilité des expériences historiques et susciter plus de questions qu’apporter des réponses tranchées. On ne saurait trop inciter à « penser ailleurs »14 qui entreprend l’étude de phénomènes aussi complexes. Démunis face à l’événement, les chercheurs se dotent ainsi de ressources inestimables pour les aider à cheminer dans la complexité empirique des phénomènes de fluidité politique.
Toutes les comparaisons ne sont pas pour autant heuristiques. Celles qui entreprennent de rapprocher, terme à terme, l’expérience postcommuniste et arabe peuvent aisément buter sur trois problèmes majeurs : le piège de l’incommensurabilité, le risque du réductionnisme historique, la pente, enfin, de l’interprétation normative.
Le piège des incommensurabilités
On le sait, aucune expérience historique n’est identique à une autre. Ces trente dernières années, les sciences sociales et politiques ont pris toute la mesure de ce postulat et drastiquement redéfini le périmètre légitime de leurs objets. Certes, la comparaison n’a pas besoin d’identité des cas pour être heuristique : son objet peut être aussi de procéder à un « inventaire des différences »15. Mais pour être un découvreur, le chercheur est ainsi fait qu’il préfère débusquer une analogie que constater son absence et prendre le risque de ruiner le corps d’hypothèses et le régime d’équivalence qu’il a mis en place.
Le propos ne consiste pas ici à ériger la frilosité en principe de raisonnement mais d’indiquer qu’un minimum de prudence est de mise dans toute comparaison en général, dans celle qui nous occupe en particulier. Comparer, à ce degré de généralité, « printemps arabe » et « automne des peuples » situe le problème de l’incommensurabilité à deux niveaux. Au niveau de la comparaison des deux blocs, bien sûr : que de différences séparent ces deux phénomènes historiques, pourtant si peu distants géographiquement et temporellement ! Le contexte social, culturel voire religieux des pays concernés, bien sûr, mais ce n’est pas là l’essentiel : le contexte politique et l’environnement international divergent aussi radicalement. D’un côté, un ensemble de pays à l’indépendance de papier, placés depuis presque un demi-siècle sous la domination politique et militaire de la Russie soviétique, entament une « révolution » qui prépare la fin de la guerre froide. De l’autre, des nations souveraines aux interdépendances multiples entrent en turbulence dans un monde multipolaire précisément défini par la fin de la guerre froide. Un fil invisible relie donc ces deux événements, mais il souligne plus la divergence des contextes que la convergence.
Politiquement, les régimes communistes – en dépit de différences réelles – étaient dotés d’institutions et de modes de domination politique comparables. Le poids relatif des pesanteurs historiques et des spécificités nationales et du schéma imposé de l’extérieur par la patrie du « grand frère » n’étaient pas partout le même : il y eu plusieurs voies du communisme, et les politiques menées par Ceaucescu, Tito ou Jaruzelski ne se ressemblaient guère. Mais partout régnait la bureaucratie d’Etat et le président du bureau politique du parti communiste local était le chef incontesté (bien que suspecté d’être à la solde des soviétiques) dans chaque « démocratie populaire ». Tel n’était pas le cas dans le monde arabe touché par le printemps où des monarchies constitutionnelles inégalement démocratisées (Maroc, Jordanie, Bahrein) côtoyaient des républiques autoritaires (Egypte, Algérie, Tunisie, Syrie) plus ou moins multipartites et où le pouvoir politique revenait tantôt au soldat, tantôt au policier, tantôt au héros de l’indépendance16. Comme en Europe centrale et orientale, il est vrai, nulle part, le peuple gouvernait, mais la fabrique de la légitimité du pouvoir dans le monde arabe divergeait de celle en vigueur dans le monde communiste. Surtout, aucun pays de la zone n’a prétendu durablement imposer aux autres Etats ses lois et ses coutumes avec un degré de coercition et d’efficacité comparable à ce qu’étaient les relations internationales au sein du bloc soviétique. Sur le plan idéologique, ces autoritarismes arabes avaient peu en commun avec les autoritarismes est-européens. Certes, ces régimes étaient caractérisés par une faible intensité idéologique : mais force est de constater la prégnance du même référent communiste laïc en Europe, là où se présentait, dans le monde arabe, un bric-à-brac normatif aux déclinaisons politico-religieuses multiples. Last but not least, les modèles économiques n’étaient pas les mêmes, en dépit des expériences socialisantes de plusieurs pays arabes.
De ce premier niveau d’incommensurabilité affleure déjà un second, on ne peut plus visible d’ailleurs dans la région arabe, on y a fait allusion plus haut : chaque société de chacun des deux blocs a des spécificités irréductibles à aucune de ses proches voisines. Le renouveau de la production historiographique qui a suivi la chute des régimes communistes a permis de transformer notre regard sur les sociétés communistes. L’examen attentif des archives, l’inflexion de l’histoire vers une histoire sociale attentive aux sociétés plus qu’aux institutions politiques et policières, a documenté l’hétérogénéité des communismes est-européens17. Il n’est plus raisonnable de penser l’Europe de l’Est comme un bloc monolithique ou comme un totalitarisme indifférencié. Les communismes européens ont une histoire et de courageux historiens bravent l’anti-communisme ambiant pour en faire l’histoire. L’historienne Muriel Blaive a par exemple montré que la déstalinisation, qui a pris un tour contestataire en Pologne et Hongrie en 1956, a été moins marquée en Tchécoslovaquie, où le parti communiste, par sa capacité à incarner le sentiment national et sa souplesse idéologique, avait obtenu une légitimité plus solide auprès des classes moyennes et la paysannerie, dans ce pays qui n’avait pas connu l’occupation soviétique après la guerre. Les partis communistes étaient inégalement capables de satisfaire les besoins économiques en échange d’une forme de passivité (voire d’adhésion) politique18. Que dire, aussi, des économies de ces pays, sinon qu’elles ont emprunté, à partir d’une matrice commune, des chemins différents, si bien que la Hongrie sous Kadar, déjà partiellement ouverte à l’économie de marché et la Roumanie de Ceaucescu, enfermée dans un mode de développement moribond, ne semblaient plus tout à fait appartenir au même monde ? Dans le monde arabe, la diversité est évidente : des Etats rentiers narguent du haut de leurs derricks leurs voisins appauvris par le développement d’un capitalisme autarcique faiblement innovant et peu créateur de plus-value19.
Ces incommensurabilités affleurent donc logiquement de l’analyse de l’effondrement des communismes et des modes de changement de régime. Bien que reliées les unes aux autres, les « révolutions » européennes et arabes doivent être également pensées comme des crises politiques autonomes. Il n’est pas une analyse censée d’une révolution qui ferait l’économie d’une prise en compte de l’épaisseur historique des sociétés en révolution : la vigueur et les imaginaires politiques des groupes dissidents, les modes de leadership du parti-Etat, le rôle des églises, le développement d’acteurs économiques diffèrent d’un pays à l’autre. Les dites « transitions démocratiques pactées » est-européennes n’offrent ni le même visage ni les mêmes dynamiques sociales et politiques. Si tous les pays de la région – la Roumanie mise à part – ont organisé des table-rondes, elles n’ont pas joué le même rôle partout. En Hongrie et en Pologne, ces espaces de négociation ont inauguré le processus de transition politique, en Tchécoslovaquie et en République démocratique allemande, elles furent plus tardives et comme imposées aux équipes au pouvoir débordées par la rue et elles n’eurent pas la place centrale qu’elles eurent en Hongrie et Pologne20. Que dire de l’expérience roumaine, trop vite classée comme l’exception est-orientale qui confirmerait la règle d’une transition partout pacifique et réussie ?21 Aussi l’image d’une histoire fragmentée de l’effondrement du communisme, fondamentalement plurielle, est plus « congruente à la réalité »22 que celle, galvaudée, du jeu de dominos, l’effondrement d’un pays entraînant automatiquement et sur le même mode, celui de son voisin.
Il reste indubitable que les changements de régime est-européens et les révoltes arabes ont eu une dimension transnationale et que de multiples interdépendances factuelles et structurelles ont jalonné les chronologies brouillées de 1989-1990 et de 2010-2011. Au titre des faits contingents, on ne saurait mésestimer la puissance d’entraînement de l’ouverture de la frontière austro-hongroise sur les dynamiques est-allemandes ou de la chute du mur de Berlin sur l’accélération du scenario tchécoslovaque. Pas plus que la force de suggestion sur les insurgés égyptiens de la fuite spectaculaire de Ben Ali du pouvoir tunisien, quelques semaines plus tôt : la même « influence » a pu être repérée, pour le meilleur et pour le pire, auprès des manifestants syriens23. Au titre des éléments plus structurels, il est incontestable que les « réfolutions »24 est-européennes ont bénéficié de l’aide politique et financière d’une partie de l’Occident et que le « printemps arabe » de l’hiver 2010-2011 a pu s’appuyer sur une couverture favorable de la part de médias influents sur toute la zone25. Les révolutions modernes avancent groupées et c’est en effet sous forme de soulèvements simultanés qu’elles sont entrées dans l’histoire.
Le risque du réductionnisme historique
On le comprend aisément : la comparaison terme à terme ne semble possible qu’à la condition de procéder par coupes dans la réalité confuse de l’expérience historique. Soumise à des réductionnismes multiples, il n’est pas sûr que la geste comparative y survive.
Premier réductionnisme : l’écrasement des aspérités des processus auxquels on compare. Ainsi de la transition démocratique polonaise, dont on reconstitue après coup, pour les besoins du lissage, une finalité conçue dès la genèse, une linéarité implacable, un accomplissement incontestable. Oubliées les contingences de l’année 1989, cette table-ronde d’abord conçue par le régime comme l’instrument de sa propre survie, ces élections du 4 juin gagnées contre toute attente par Solidarité, ce renversement inattendu des alliances au cœur de l’été et l’entrée sans projet déterminé dans un processus de transformation qui surprend tous les acteurs. Oubliées aussi les craintes suscitées par la présidence de Lech Walesa (1990-1995), décriée par ses adversaires comme liberticide, le « retour » des communistes au pouvoir en 1993 et 1995, la droitisation du syndicat Solidarité, les batailles politiques autour de la lustration ou la victoire en 2005 de la droite conservatrice des jumeaux Kaczynski, autant d’événements qui ont suscité la surprise, voire l’incompréhension des observateurs. S’il est une composante du processus polonais qui peut être utile à la compréhension des événements tunisiens, ce n’est pas son issue finale – à savoir, selon l’opinion dominante, l’installation durable d’une démocratie réelle - mais bien l’incertitude fondamentale quant à son devenir, qui n’a cessé de peser sur les acteurs impliqués.
D’ailleurs – c’est le second réductionnisme – n’est-il pas aventureux de comparer deux processus à deux moments très différents de leur développement ? Quoi de commun entre une histoire (considérée comme) finie et une histoire en cours ? Que peut-on retirer de ces temporalités asymétriques ? A peu près rien, sinon peut-être, pour éviter toute rétrodiction, à la condition minimale d’examiner l’histoire finie comme une histoire en cours, de réintroduire de l’historicité et de faire comme si l’issue nous était inconnue. Examiner conjointement la Pologne de 1993 avec la Tunisie de 2015 (soit quatre ans après leur moment respectif de « rupture »), par exemple, peut être d’un certain intérêt : on chercherait alors à comprendre pourquoi les deuxièmes élections libres post-autoritaires (en 1993 en Pologne, 2014 en Tunisie) ont vu la victoire de partis héritiers de l’ancien régime et le retour partiel d’un personnel politique disqualifié.
Examinons enfin l’ampleur et la géographie des printemps est-européens et arabes. D’un côté, un processus de dimension semi-continentale. Au cours de la seule année 1989, ce ne sont pas moins de six régimes qui vacillent puis s’effondrent, dessinant un mouvement qui apparaîtra vite à ses contemporains comme irréversible : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, République démocratique allemande, Bulgarie, Roumanie. En 1991, c’est la plus grande partie de l’empire soviétique que l’on abat : Lituanie, Lettonie, Estonie, Biélorussie, Ukraine prennent leur indépendance. L’Union des républiques socialistes soviétiques est dissoute en décembre. Deux années auront suffi à mettre à terre un système de pouvoir, un modèle économique et une entreprise de domination néo-coloniale. De l’autre, dans le monde arabe, cinq années après l’hiver 2010-2011, qui voit alors cinq pays (Bahreïn et Maroc mis à part) entrés en turbulence (Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Yemen), un seul (la Tunisie) est entré dans un processus apparent de transition démocratique, trois autres (Syrie, Yemen, Libye) s’enfoncent dans la violence, voire la guerre et un autre (l’Egypte) renoue avec « les fondamentaux de l’ancien régime »26. Et encore : si le régime politique est bel et bien tombé en Tunisie (ce qui ne préjuge pas de la possibilité d’une restauration partielle), le processus s’est arrêté au politique. Le système économique et les mécanismes qui entretiennent les inégalités sociales connaissent une belle continuité27. N’étaient le choc ressenti par de nombreux observateurs lorsque la Tunisie et l’Egypte sont entrés dans l’ébullition protestataire et la fascination (on ne peut plus légitime) exercée par des mouvements d’apparence révolutionnaire, quel observateur censé, qui reviendrait en 2015 d’une hibernation de cinq ans, songerait à placer sur un même ordre de grandeur les deux processus et oserait employer l’expression, il est vrai maintes fois critiquée, de « printemps arabe » ? Troisième réductionnisme du réel donc dans cette façon de poser sur une même échelle d’équivalence les deux événements.
La pente interprétative
Enfin, la comparaison s’appuie sur une convention d’équivalence dont la neutralité scientifique n’est pas donnée a priori. Comparer, c’est interpréter. Et comme on l’a vu dans le cas des usages experts, les comparaisons ont surtout pour objectif de mesurer la route restant à parcourir avant d’atteindre une « niveau » (de développement, de démocratisation, de consolidation…) analogue au pays érigé, dans l’opération, en norme de référence. La composante normative de la comparaison ne se donne pas toujours à voir aussi explicitement. Mais elle est, peu ou prou, présente dans un grand nombre de raisonnements comparés. Le choix des événements auxquels on compare emporte par exemple le plus souvent un positionnement politique. On sait l’importance cruciale de la bonne dénomination des événements historiques. Qualifier de révolution la séquence protestataire tunisienne de décembre 2010-février 2011 ne va pas de soi28. Faire comme si revient à ignorer (plus ou moins volontairement) ce que toute qualification stabilisée doit à un ensemble de luttes symboliques. Le mérite du chercheur serait certainement plus récompensé s’il se limitait à rendre compte de ces luttes au lieu d’y participer29. Dès lors, comparer l’expérience arabe à tel événement que la postérité a qualifié de révolution, c’est accorder sans débat des lettres de noblesse révolutionnaire à des acteurs qui n’en demandaient peut-être pas tant. Au nom de la production d’une intelligibilité il est vrai fort utile, certains ont cru devoir puiser dans le chaudron de l’histoire européenne des références qui faisaient sens à leurs yeux. Ainsi de la notion de « printemps », référence immédiate au « printemps des peuples » de 1848. Il s’agissait là de situer l’événement dans un temps et un espace qui ne se limitât pas à la zone arabe dans le monde post-2001 :
« Ce qui est surprenant avec les événements tunisiens (écrit Abdelwahab Meddeb), c’est qu’ils constituent une condensation historique, condensation dans le sens freudien (lorsque Freud parle d’un des trois concepts par lesquels il éclaire la scène du rêve par rapport au réel) : comme si l’histoire universelle proposait le matériau diurne que ce moment combine à la manière d’un rêve. Car, outre 1989, outre la révolution du velours, les événements de Tunis procèdent de 1789 »30.
Arracher l’événement à son présent, l’inscrire dans une chronologie et un temps long de l’histoire ; l’arracher, aussi, à son seul environnement socio-culturel. C’est par cette double-opération symbolique que l’on a cherché à déplacer l’événement de son espace-temps initial vers un autre espace-temps : celui auquel se rattache l’histoire de l’universalisation du passage à la démocratie libérale. La liaison avec « l’automne des peuples » (que les anglo-saxons appellent étrangement « l’automne des nations ») n’est qu’une suite logique de cette opération. Selon l’intellectuelle tunisienne Hélé Béji, la révolte des peuples arabes :
« a un sens universel, elle n’est plus brouillée par le critère de l’identité culturelle. Mieux, avec la Révolution tunisienne, l’histoire de l’Europe se poursuit dans la non-Europe, dans ce qui était perçu comme l’anti-Europe. La frontière de la différence culturelle entre les deux rives de la Méditerranée tombe, et laisse voir des affinités nouvelles avec les révolutions européennes, celle de 1789 avec la chute d’un monarque, celle de 1989 avec la chute de l’Etat Parti après la destruction du mur de Berlin, celle de 1968 avec les slogans de sa jeunesse libertaire. C’est plus qu’une ressemblance, c’est une fraternité qui brille dans cette image rajeunie de soi. La révolution tunisienne ajoute une touche glorieuse aux révolutions modernes européennes, et en ravive la couleur historique. Les Européens ont revécu leur passé par procuration, avec la fierté d’être célébrés par l’histoire »31.
Mais c’est aussi, subrepticement, contribuer à réévaluer les attentes produites par les événements ainsi promus et s’engager dans un débat sans fin sur une datation chimérique : celle qui voit la révolution enfin accomplie et qui clôt le cycle engagé dans le bruit et la fureur par des insurgés héroïques32.
Certes, la lecture du passé demeure plurielle, susceptible d’interprétations contradictoires. Si, dans l’enthousiasme de 2011, des intellectuels ont vu dans 1848 les promesses d‘un « printemps des peuples » européen, d’autres se référaient plutôt, en 2015, constatant la généralisation d’un « état de violence » au Moyen-Orient, au 1848 français dévoyé par l’issue de l’insurrection de juin, enterré par la résurrection bonapartiste en 185133.
On comprend donc que le printemps arabe ait été si rarement comparé à des phénomènes qu’on aurait pu penser comme comparables, parce que situés dans un temps récent et qui plus est dans le périmètre du monde arabe et/ou musulman : révolution iranienne de 1979, protestations libanaises en 2005, changement de régime algérien (1988-1991), par exemple. Par quelques-unes de ses propriétés (émeutes suivies de répression, révision constitutionnelle, ouverture au multipartisme, émergence de l’islamisme politique, etc.), le printemps algérien de la fin des années 1990, contemporain de l’effondrement du communisme est-européen, ne manquait pas d’atout pour susciter en Tunisie un vibrant intérêt34. Mais il ne fait aucun doute – mis à part peut-être le souci des universitaires tunisiens de ne pas froisser leur voisin allié dans la lutte contre le terrorisme – que l’issue décevante de cet événement a été un frein à toute entreprise comparée. Interruption du processus électoral et entrée dans une décennie sanglante en Algérie, mise en place d’une théocratie liberticide en Iran, poursuite de l’instabilité politique au Liban, il n’en fallait pas plus pour disqualifier tout rapprochement : la comparaison est comme indexée aux promesses de réussite qui se réfractent des cas classés comme successfull ! Dommage pour l’analyse, car ce qui n’est pas politiquement correct peut l’être scientifiquement ! On comprend bien toutefois pourquoi dans le monde arabe on s’est si souvent miré dans le miroir est-européen. Dommage, là encore, car si l'on compare un phénomène A par rapport à un phénomène B parce qu'on voudrait que l'issue de A soit identique à celle de B, cela revient à analyser un processus en cours non pour ce qu’il est mais pour ce qu’on veut qu’il soit. Voilà comment le raisonnement comparatiste peut sombrer dans un téléologisme à œillères et comment la comparaison peut prendre la forme d’une simple opération d’évaluation d’une situation par rapport à un modèle extérieur qui n’est plus interrogé alors même qu’il est lui-même une forme pétrifiée d’une histoire sensible.
Vers une comparaison vagabonde
Conclure cette réflexion serait prématuré. Elle n’avait pour objectif que de formuler certaines réticences vis-à-vis de comparaisons dont le statut d’évidence méritait d’être interrogé. Non que la comparaison entre certaines composantes du « printemps arabe » et de « l’automne des peuples » soit dénuée de tout fondement : à la condition de servir un corps d’hypothèses suffisamment élaboré, d’être fondée sur une méthode explicite et de porter sur des composantes étroitement définies des processus, la comparaison devient possible.
Plutôt qu’imposer à l’analyse une comparaison avec un événement déterminé à l’avance, qui peut aisément être pervertie dans l’exercice de style, on plaidera, dans une publication à venir, pour une comparaison vagabonde, qui ne limite pas a priori le champ de la comparaison et contrôlée, qui ne cède en rien à l’objectivation scientifique. Il s’agira alors de repenser le statut de la comparaison en la situant moins au niveau des faits qu’a celui des modes d’analyse. Nous apprendrions ainsi davantage de l’expérience de l’effondrement du communisme à l’Est en nous intéressant moins au processus per se qu’à la manière dont son examen a pu confirmer ou infirmer certaines hypothèses d’analyse, donner lieu à l’emploi de méthodes originales ou susciter des innovations théoriques. Pour le dire autrement, l’expérience postcommuniste n’est fondamentalement intéressante pour l’étude des printemps arabes que pour ce qu’elle a « apporté » aux sciences sociales, contribuant à affiner le regard des chercheurs sur les configurations politiques bouleversées. Symétriquement, les interrogations suscitées par l’analyse des révoltes arabes inciteraient peut-être à réintroduire du doute dans notre compréhension de 1989. Ces chassé-croisé fondés sur un principe de symétrie renoueraient sans aucun doute avec l’objectif premier de toute comparaison en sciences sociales : susciter des questions plutôt que fournir des réponses.
- 1. Stora Benjamin, Le 89 arabe. Conversations avec Edwy Plenel, Paris, Stock, 2011.
- 2. A titre d’exemples, voir Meddeb Abdelwahab, Semelin Jacques, « De Prague à Tunis, de 1989 à 2011, le rôle de la résistance civile. Entretien », Études, n°01, 2012, p. 7-22 ; Meddeb Abdelwahab, Le printemps de Tunis, Paris, Albin Michel, 2011 ; Lhomel Edith, « Révolutions des pays de l’Est, révolutions arabes : comparaison n’est pas raison », Questions internationales, n°1, 2012, p. 74-81.
- 3. Bensa Alban, Fassin Eric, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, n°38, 2002, p. 5-20.
- 4. Selon Abdelwahab Meddeb dans Meddeb Abdelwahab, Semelin Jacques, « De Prague à Tunis… », art. cit., p. 9.
- 5. Ce n’est pas le cas, cependant, dans plusieurs des pays concernés. La mémoire de 1989 y est fragmentée, controversée et en partie négative. Cf. Heurtaux J., Pellen C. (dir.), 1989 à l’Est de l’Europe. Une mémoire controversée, La tour d’Aigues, Editions de l’Aube, 2009.
- 6. Nous mettons volontairement de côté ici les usages profanes de la comparaison, qui mériteraient une enquête à part entière, en préférant nous concentrer sur les pratiques formelles de la comparaison.
- 7. Nos observations.
- 8. Expressions utilisées dans le mail d’invitation à la conférence.
- 9. Ociepka Beata, « Public Diplomacy in the European Union: Models for Poland », Policy papers, The Polish Institute of International Affairs, n°5 (88), February 2014.
- 10. Dobry Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de Sciences po, 2009.
- 11. Sont sortis récemment deux ouvrages sur ce thème : Bianco Lucien, La récidive. Révolution russe, révolution chinoise, Paris, Gallimard, 2014 ; Anderson Perry, Deux révolutions. La Chine au miroir de la Russie, Marseille, Agone, 2014.
- 12. Hermet Guy, « La démocratisation à l’amiable : de l’Espagne à la Pologne », Commentaire, vol. 13, n°50, été 1990.
- 13. Edgar Quinet, par exemple, qui, attentif à « l’échec » de la révolution française, critiquait l’analogie alors souvent faite avec les révolutions anglaises. Pour lui, l’Europe du Nord et l’Europe latine étaient trop éloignées sur le plan culturel et religieux. C’est pourquoi il préférait rapprocher l’expérience française des révolutions avortées dans l’Italie du XVe siècle. Cf. Serna Pierre, La République des girouettes. 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la France de l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2005.
- 14. Lapierre Nicole, Pensons ailleurs, Paris, Stock, 2004.
- 15. Veyne Paul, L’inventaire des différences, Paris, Seuil, 1976.
- 16. Bozarslan Hamit, Sociologie politique du Moyen-Orient, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2011.
- 17. Voir par exemple Kott Sandrine, Le communisme au quotidien. Les entreprises d’Etat dans la société est-allemande, Paris, Belin, 2000 ; « Le quotidien du communisme », Annales Histoire sciences sociales, Vol. 68, n°2, 2013.
- 18. Blaive Muriel, Une déstalinisation manquée. Tchécoslovaquie 1956, Bruxelles, Complexe, 2005.
- 19. Hibou Béatrice, La force de l'obéissance. Economie politique de la répression en Tunisie, Paris, La découverte, 2006.
- 20. Heurtaux Jérôme, Zalewski Frédéric, Introduction à l'Europe postcommuniste, Bruxelles, De Boeck, coll. "ouvertures politiques", 2012.
- 21. Heurtaux Jérôme, « L’analyse des changements de régime en Europe centrale et orientale au prisme piégé de la violence », in Mucchielli L. & Crettiez X. (dir.), Les violences politiques en Europe. Un état des lieux, Paris, La Découverte, 2010, p. 293-316.
- 22. L’expression (reality congruence en anglais) est de Norbert Elias. Cf. Elias Norbert, Théorie des symboles, Paris, Seuil, coll « Librairie du XXIe siècle », 2015, p. 10.
- 23. Baczko Adam, Dorronsoro Gilles, Quesnay Arthur, « Mobilisations par délibération et crise polarisante. Les protestations pacifiques en Syrie (2011)», Revue française de science politique, Vol. 63, n°5, 2013, p. 815-839.
- 24. Selon l’expression de Timothy Garton Ash dans Garton Ash Timothy, La chaudière, 1980-1990, Paris, Gallimard, 1990.
- 25. A l’instar du média qatari Al Jazeera qui n’a toutefois pas « soutenu » le mouvement contestataire au Bahreïn.
- 26. Rougier Bernard, Lacroix Stéphane (dir.), L’Egypte en révolutions, Paris, PUF, coll. « Proche Orient », 2015, p. 15.
- 27. Claus Offe a pu parler de « triple-transition » pour caractériser à la fois une transformation politique et institutionnelle, un ensemble de réformes économiques et la réaffirmation de l'Etat-nation : Offe Claus, « Vers le capitalisme par construction démocratique ? La théorie de la démocratie et la triple-transition en Europe de l’Est », Revue française de science politique, vol. 42, n°6, 1992, p. 923-942.
- 28. Mazeau Guillaume, Sabaseviciute Giedre, « Archéologies révolutionnaires. Regards croisés sur la Tunisie et l’Égypte (2011-2013) », L’Année du Maghreb, n°10, 2014, p. 19-39.
- 29. C’est toutefois le positionnement par rapport au politique que nous avons choisi.
- 30. Meddeb Abdelwahab, Semelin Jacques, « De Prague à Tunis… », Ibid, p. 9.
- 31. Béji Hélé, « Les paradoxes de la révolution tunisienne », Institut Médéa, 11/06/2013, http://www.medea.be. Le risque de cette montée vers l’universel du sens donné à la révolution tunisienne est aussi d’arracher l’événement à l’historicité propre du pays. Dans le même texte, Hélé Béji rappelle ce que la révolution tunisienne doit au projet modernisateur bourguibiste (qui était aussi un projet émancipateur, notamment des femmes) et à l’essoufflement de celui-ci (faute d’avoir pensé le problème des libertés). D’une certaine façon, la révolution est un accomplissement différé de la lutte pour l’indépendance tunisienne : elle « surgit comme la finalisation d’un processus réformiste arrêté lui-même par l’immobilisme politique, par un pouvoir qui était devenu l’obstacle majeur à la modernité », Ibid.
- 32. Compte tenu de l’instabilité qui en a résulté et du cortège de changements de régime après 1989, la révolution française a provoqué un débat sans fin à ce sujet.
- 33. Bozarslan Hamit, Révolution et état de violence. Moyen-Orient 2011-2015, Paris, CNRS éditions, 2015.
- 34. Aït-Aoudia Myriam, L’expérience démocratique en Algérie, 1988-1992. Apprentissage politique et changement de régime, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.